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Business françafricain, as usual...

D 18 mai 2009     H 23:20     A Robin Guébois     C 0 messages


Nicolas Sarkozy a effectué les 26 et 27 mars son troisième
voyage officiel en Afrique. Le président français s’est
cette fois rendu en République démocratique du Congo
(RDC), au Congo (Brazzaville) et au Niger, avec quelques
représentants de multinationales dans ses bagages (Areva,
Bolloré, Vinci, CFAO...), plus quelques personnalités officielles et
officieuses. Une nouvelle occasion de vérifier que le cocktail
nauséabond « intérêts économiques français - diplomatie
parallèle - soutien aux dictateurs - mépris des populations
africaines » est toujours d’actualité.
C’est la RDC qui constituait l’étape la plus sensible du
voyage présidentiel. Nicolas Sarkozy avait provoqué un tollé
quelques semaines plus tôt par ses propositions de « partage
de l’espace et des richesses » d’un pays « à la superficie
immense, avec une organisation étrange des richesses
frontalières ». La région du Kivu, et ses immenses richesses
minières, paraît en effet au centre de l’arrangement
diplomatique voulu par la France et le Rwanda. Aucun autre
pays n’avait toutefois suivi le ballon d’essai français. Les
américains défendaient déjà pour leur part la mise en place
d’un marché commun entre la RDC et ses voisins, permettant
aux pays frontaliers de continuer à exploiter le sous-sol
congolais, mais de manière légale (plan Cohen). A Kinshasa,
Sarkozy s’est donc livré à un exercice de rétro-pédalage : aucun
autre pays que la France n’avait défendu « la souveraineté
inaliénable du Congo (…) avec autant d’ardeur », affirmait-il. Le
président français a néanmoins prôné des relations avec les
voisins de l’Est établies « sur des bases radicalement
nouvelles » pour « pour structurer des filières agricoles,
commerciales, industrielles ». En clair, l’économie de guerre,
dont profite certaines entreprises comme Bolloré, n’est plus
suffisante pour l’approvisionnement en minerais des
multinationales occidentales et l’on souhaite sécuriser
suffisamment la région pour permettre des investissements
lourds.

Le président-VRP est par ailleurs reparti avec son filet à
provision bien garni : implantation prévue pour France télécom,
réhabilitation de la piste de l’aéroport de Kinshasa pour Vinci,
réhabilitation des turbines de la centrale d’Inga II pour Alstom,
et quelques cadeaux pour Suez, Véolia ou Lafarge. Mais le jack
pot, c’est la signature par Areva d’un « mémo d’intention » qui
prévoit la mainmise exclusive de la multinationale française sur
la prospection et l’exploitation de l’uranium dans la totalité du
pays. Cette signature a été rendue possible par l’activité
diplomatique parallèle de certaines personnalités, notamment le
député UMP des Hauts-de-Seine (ex-fief de Pasqua) Patrick
Balkany, l’omnipotent industriel belge (mais consul de France à
Lubumbashi) Georges Forrest, et Fabien Singaye, ancien agent
du régime Habyarimana, proche de Paul Barril, et reconverti
comme « conseiller spécial » du dictateur centrafricain Bozizé,
chez lequel il avait déjà joué les entremetteurs pour Areva. Un
concentré de Françafrique !

Sarkozy s’est ensuite rendu à Brazzaville, pour remercier son
grand ami Denis Sassou Nguesso d’avoir attribué la gestion du
port de Pointe-Noire à Bolloré. Histoire de ne pas venir les
mains vides au mariage, l’Agence Française de Développement
(AFD) a annoncé une dot de 29 millions d’euros sous la forme
d’un prêt de 15 ans pour participer à la réhabilitation dudit port.
Il s’agissait aussi pour Sarkzoy d’apporter sa bénédiction à la
prochaine mascarade électorale. « La France n’a pas de
candidat », a juré Sarkozy, qui, pour prouver sa bonne fois, a
accepté de rencontrer certaines personnalités de l’opposition.
Mais la diplomatie française a « oublié » de parler au président
congolais des incendies à répétition qui frappent ces derniers
temps opposants et journalistes trop curieux. Sarkozy a aussi
plaidé pour la tenue d’élections « régulières et transparentes » :
une plaisanterie de mauvais goût en l’absence de commission
électorale indépendante et pluraliste. Il a même déclaré sans
rire devant le boucher de Brazzaville que la démocratie et les
droits de l’Homme faisaient partie de leur « héritage commun ».

Dernière étape : Niamey, où Sarkozy a vanté une autre
« démocratie vivante ». Il est vrai que Mamadou Tandja, qui
aurait « redonné à la démocratie ses lettres de noblesse »
n’entend pas, à la différence de ses homologues françafricains,
modifier la Constitution pour s’octroyer un troisième mandat. Il
souhaite juste répondre à l’aspiration « du peuple et de
l’Assemblée nationale » qui ont spontanément demandé une
prolongation de son mandat de 3 ans (pour commencer ?)
« pour des raisons de stabilité et pour compléter ce qu’il a
démarré »... Ici aussi la visite présidentielle française était une
contrepartie des douceurs consenties aux intérêts économiques
français. Areva avait en effet récemment récupéré l’exploitation
de la réserve géante d’uranium d’Imuraren dans le Nord du
pays. Un enjeu stratégique à l’heure où cette multinationale (à
capitaux encore partiellement publics) est engagée dans une
course folle pour fourguer toujours plus de centrales... et leur
combustible. Dans le même temps, en France, d’autres sons de
cloche se faisaient heureusement entendre, qu’il s’agisse de la
plate-forme citoyenne France-Afrique, qui dénonçait une
« françafrique décomplexée », ou du réseau Sortir du nucléaire
qui tenait une conférence de presse pour dénoncer les ravages
sociaux et environnementaux causés par Areva au Niger. Notre
camarade Olivier Besancenot y a rappelé la politique coloniale
de pillage des richesses de l’Etat français, et notre revendication
de « réparation aux peuples autochtones, à l’environnement et
au pays ».

Robin Guébois