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Crise alimentaire : les responsabilités du capitalisme

D 2 juillet 2010     H 13:25     A Paul Martial     C 0 messages


De nouveau, une crise alimentaire de grande ampleur
menace les pays de la bande sahélienne : Sénégal, Burkina
Faso, Mali, Mauritanie, Tchad, Soudan et Niger. Les
populations en font les frais et, plus particulièrement, celles du
Niger. La junte qui a renversé la dictature de Tandja a reconnu la
vraie situation existante dans le pays. Elle est catastrophique
puisque la moitié des habitant-e-s sont touchés. Les conditions
climatiques ont été mauvaises. En effet, les pluies sont arrivées
trop tard et se sont arrêtées trop tôt. Ainsi la période de soudure,
traditionnellement difficile, en sera plus longue. Six millions de
personnes ont épuisé leur stock de nourriture et déjà deux cent
mille enfants doivent suivre un traitement dans des centres de
santé qui sont dramatiquement sous équipés, alors que 35
millions de dollars permettraient de faire face.

Mais le problème n’est pas que climatique, il est surtout
économique. Les journalistes remarquent que les denrées comme
le riz, le sorgho ou le mil sont bien sur les étals des marchés, mais
à des prix bien trop élevés pour la très grande majorité de la
population (1). D’autres pays sont touchés, à l’exemple de la
République démocratique du Congo (RDC) où le Programme
National de Nutrition (PRONANUT) – une agence étatique –
considère que dans les provinces de l’Equateur, des Kasaï
occidental et oriental, du Katanga et du Maniema, la malnutrition
sévit (2), alors que ce sont des régions particulièrement riches.
L’exemple du Katanga à cet égard est révélateur puisque cette
région, considérée comme le poumon économique du pays,
connaît une situation de malnutrition. La cause principale est liée
à la crise économique. Les grands trusts miniers, qui pillent
allégrement la région, ont licencié la plupart de leurs employés au
motif d’une baisse des carnets de commande. Ainsi des centaines
de milliers de familles se trouvent-elles sans ressources.
On se retrouve donc dans une situation où les causes de la
crise alimentaire de 2008 restent pérennes, aggravées par la crise
économique. Cette dernière risque fort de limiter les marges de
manoeuvre des gouvernements pour amortir la hausse des prix
des produits de premières nécessité. Le problème récurrent n’est
pas un manque de nourriture, mais un manque d’argent pour
acheter cette nourriture. Avant même la crise, la faim continuait à
se développer à travers le monde. Actuellement, plus d’un milliard
de personnes souffrent de problèmes de nutrition (3). Les prix des
produits alimentaires, s’ils ont baissé par rapport au pic de 2008,
restent néanmoins globalement élevés. En Ouganda et au Kenya
le prix des denrées de base, comme le maïs, a été multiplié par
deux par rapport à 2007, idem pour le Sorgho au Soudan (4) et
selon l’OCDE, les prix vont continuer à augmenter au cours de la
prochaine décennie. L’IFFRI (l’International Food Policy Research
Institute), une organisation américaine, a calculé qu’un pourcent
d’augmentation des prix réels des denrées aurait comme
conséquence la malnutrition de 16 millions de personnes
supplémentaires dans le monde (5).

La raison principale de la crise ne vient pas de l’augmentation
des besoins de nourriture de la population. Cette dernière peut
être largement satisfaite par la production actuelle. Mais par
contre, le développement du carburant issu de produits agricoles
a accaparé les terres qui, auparavant, étaient dédiées à
l’agriculture de nourriture. Une organisation comme Action Aid
estime que cette réaffectation des terres pour le carburant est la
cause d’une augmentation des prix des denrées à hauteur de
30%.en 2008. C’est ainsi que les spoliations de terre par des
grands trusts capitalistes en Afrique ne cessent de s’accroître,
expulsant les populations de leur terre. Désormais ces grandes
entreprises pourront faire ce quelle veulent, utiliser engrais
chimiques, pesticides et OGM. L’abandon de la souveraineté,
d’une partie d’un territoire du pays, s’apparente bien à un
processus de recolonisation au sens strict du terme.
De nouveau, l’Europe a une responsabilité importante dans
ce drame. Après avoir soutenu massivement les projets
économiques des institutions financières internationales visant à
casser les services publiques des Etats, à détruire les cultures
vivrières au profit des cultures d’exportation tout en démantelant
les caisses de régulation de ces cultures, imposant les APE
(accord de partenariat économique) qui visent à libéraliser
totalement les relations économiques avec l’Afrique, elle se lance
dans le carburant agricole. Toujours, selon la même organisation
Action Aid, les conséquences en seraient que plus de cent
millions de personnes risqueraient la famine.

L’Union européenne vient de mettre au point son énième plan
d’aide alimentaire avec l’idée de transformer le Comité de la
sécurité alimentaire mondiale (CFS), structure technique de la
FAO, pour en faire : « l’institution internationale centrale sur la
sécurité alimentaire » laissant en suspend la pérennité du
financement, se refusant a abandonner les APE et restant
étrangement muette sur la question de la spoliation des terres.
Etrangement ? Pas si sûr, car plus de 5 millions d’hectares sont
achetés ou en passe de l’être par les entreprises appartenant à
l’Union européenne !

Paul Martial


(1) http://fr.allafrica.com/stories/201004140707.html
(2) Communiqué de presse du 6 avril 2010
(3) FAO, L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde. Crises
économiques – répercussions et enseignements, 2009.
(4) FAO, SMIAR bulletin d’alerte, n° 328, 12 août 2009.
(5) Cité par Agence IRIN, 3 mars 2009.