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Référendum à Madagascar

L’Alliance des organisations de la société civile dénonce les dérives.

D 4 décembre 2010     H 04:45     A     C 0 messages


Référendum du 17 novembre 2010 : les dérives d’une consultation populaire

Le scrutin référendaire organisé par le pouvoir de fait a donc eu lieu le 17 novembre et ce malgré plusieurs voix qui se sont élevées, les unes contre la tenue du scrutin, les autres contre le processus qui a mené à l’élaboration de la constitution et abouti à la tenue du référendum.

L’Alliance des Organisations de la Société Civile (AOSC), par son communiqué du 02 Novembre 2010, est de ceux qui ont dénoncé le caractère tronqué du référendum du 17 Novembre. Ainsi, l’AOSC a mis en cause d’une part la nature unilatérale et précipitée de la préparation et de l’organisation pratique du scrutin, notamment au niveau de la liste électorale, d’autre part, le doute émis sur l’indépendance réelle de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante).

Les faits qui se sont déroulés avant et pendant la journée du 17 Novembre ont malheureusement donné raison à l’AOSC. En effet, les lacunes, les imperfections et surtout le déni total des textes en vigueur de la part de l’Administration et de la CENI ont été nombreuses et flagrantes au niveau de la campagne électorale, la liste électorale, la carte d’électeur et le bulletin unique.

Avant la date du scrutin :

 De la campagne électorale : l’amalgame entre campagne d’explication du contenu du texte et l’incitation à voter Oui de la part des ministres, des membres des institutions de la Haute Autorité de la Transition (CT, CST, ...) et autres agents de l’administration dont le plus évident à été la campagne à caractère présidentiel et démagogique menée par M. Rajoelina Andry à travers des promesses de multiples et variés programmes et projets de développement, semant la confusion dans l’esprit des électeurs ; utilisation abusive et de manière éhontée de l’appareil administratif pour le OUI ; la répartition inégale et inéquitable des temps d’antenne à la Radio Nationale et à la Télévision Nationale ou à leurs antennes régionales entre les partisans du non et du oui ; suspension ou fermeture de plus de 80 radios et télévisions locales par le pouvoir en place pour verrouiller la campagne en faveur du OUI ; déséquilibre des moyens financiers durant la campagne ;

 De la connaissance du texte : méconnaissance du contenu du projet de la constitution par la grande majorité de la population appelée à se prononcer et dont certaine ignorait la tenue du référendum ;

 De la liste électorale : avant le jour du scrutin, un nombre important d’électeurs ont déjà relevé la défaillance de celle-ci illustrée par leur non inscription dans la liste ou truffées d’erreur dans leur identité, expliquant l’incertitude sur le nombre total des électeurs sur tout le territoire de Madagascar. Le jour du scrutin, les lacunes énormes dans la confection des listes électorales ont entraîné l’absence d’un nombre considérable d’électeurs sur celles-ci ; par décret spécial, la CENI, au mépris de toutes les règles du droit, autorise l’ajout d’électeurs sur les listes sur simple présentation de carnet d’inscription au fokontany ou de certificat de résidence sans garantie légale ;

 De la carte d’électeur : la distribution des cartes d’électeurs ayant pris du retard, M. Rajoelina Andry de la HAT a décrété que celle-ci n’était plus obligatoire, la Carte d’Identité Nationale étant suffisante pour voter du moment que l’électeur était sur la liste ;

 Du bulletin unique : la présentation de celui-ci est tendancieuse en faveur du OUI tant dans le format que dans la couleur ;

Le jour du scrutin :

 Du déroulement du scrutin : un décret a été pris spécialement pour retarder l’heure de fermeture des bureaux de vote de 16 à 18 heures et ce devant le taux de participation relativement bas à l’heure où le décret a été diffusé ;

 Au niveau du scrutin et du dépouillement : la présence d’au moins un représentant du OUI et un représentant du NON ainsi que d’un observateur indépendant aurait été un minimum requis, ce qui n’a pas du tout été le cas au niveau d’un nombre important de bureaux de vote.

La palme, revient à la CENI qui, chargée de veiller au respect de la légalisation électorale à tous les niveaux en vue d’assurer la crédibilité des élections et « garant moral de l’authenticité du scrutin et de la sincérité du vote » (art. 2 du décret n° 2010-142 régissant la CENI), a, sans conteste, failli à sa mission et dénié ses valeurs, en agissant avec une absence totale d’équité et de neutralité.

Au vu des faits évoqués ci-dessus, nous, associations membres de l’Alliance, nous pouvons dire que le scrutin du 17 novembre 2010 :

 est entaché d’irrégularités qui ne reflètent pas le véritable choix de la majorité de la population ;

 est un des pires scrutins que Madagascar ait organisés et marque un recul très net en termes d’élections crédibles et libres hypothéquant fortement le souhait de tous d’un changement en matière de gouvernance et de refondation des valeurs républicaines et démocratiques ;

 a montré l’incapacité du pouvoir de fait à conduire avec succès et dans le respect des normes une consultation populaire aussi fondamentale qu’un référendum constitutionnel.

Conformément à ce qu’a prévu l’AOSC et au vu de la déclaration récente de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe), de l’UE et de la Communauté Internationale dans son ensemble, l’objectif de la HAT n’est pas atteint car le référendum ne résout pas la crise et n’entraine pas la reconnaissance internationale.

Aussi, face aux différents manquements, défaillances du scrutin, violations flagrantes des textes relatifs aux élections, et aux derniers évènements concernant la tentative de coup d’Etat militaire du 17 novembre, l’AOSC réitère son appel du 02 novembre 2010 :

 La crise qui pénalise fortement et principalement la population doit d’abord être résolue à travers un dialogue entre les partis politiques et scellé par un accord politique pour la mise en œuvre d’une Transition consensuelle et inclusive afin de pouvoir avancer sereinement vers une consultation populaire crédible et légitime ;

 Le retour dans les meilleurs délais à la table de négociation initiée par la CNOSC est la voie unique qui pourra assurer dans l’immédiat et durablement le retour à la paix sociale, à la confiance, à la relance de l’économie et de la machine administrative.

A travers la déclaration présente, l’Alliance, inlassablement, en appelle à nouveau à l’esprit de responsabilité de chaque acteur impliqué dans la recherche de solution de sortie de crise. Cet esprit consiste à mettre les intérêts supérieurs de la Nation et le respect de la population au-dessus de toute considération individuelle ou de groupe.