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La crise en RCA reste dramatique. et ignorée

D 20 juin 2013     H 05:05     A IRIN     C 0 messages


NAIROBI- D’après les responsables, la terrible situation humanitaire et sécuritaire du pays est en partie due à un désintérêt international pour la crise en République centrafricaine (RCA). La crise touche l’ensemble de la population de 4,6 millions d’individus, et des dizaines de milliers de personnes ont besoin d’un hébergement d’urgence, de soins médicaux et de nourriture.

« La République centrafricaine continue de souffrir de l’indifférence générale. La crise du pays est perçue comme une crise nationale avec quelques débordements régionaux, mais toutefois moins grave pour la paix et la sécurité internationales que la Somalie, le Sahel ou l’est de [la République démocratique] du Congo », a déclaré à IRIN Alex Vines, responsable du programme Afrique du groupe de réflexion Chatham House.

Pendant des décennies, la RCA a était marquée par un besoin d’aide humanitaire et une instabilité gouvernementale. Le gouvernement de l’ancien président François Bozizé avait pris le pouvoir après un coup d’État en mars 2003. Dix ans plus tard, le 24 mars 2013, M. Bozizé a été renversé à son tour par un coup d’État mené par les rebelles de la Séléka.

Cette dernière crise a causé le déplacement interne de 206 000 personnes. Elle a aussi forcé des milliers de personnes à se réfugier au Cameroun, au Tchad et en République démocratique du Congo (RDC).

Selon M. Vines, « toute la difficulté consiste à réunir les conditions pour la tenue d’élections crédibles, alors que les institutions solides font défaut et que les donateurs internationaux [sont] pour la plupart indifférents, car ils sont pris par de plus grandes priorités ailleurs ».

Le financement de l’aide humanitaire en RCA, par exemple, reste faible malgré les besoins croissants du pays. L’appel humanitaire de 139 millions n’est financé qu’à hauteur de 31 pour cent, selon une déclaration du 4 juin émise par le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

La menace de la Séléka

L’insécurité reste dramatique.

« Les forces de la Séléka se sont révélées indisciplinées et destructrices, et constituent la principale source d’instabilité », a affirmé M. Vines.

Dans un rapport du 10 mai, Human Rights Watch (HRW) a révélé les exactions commises par les forces de la Séléka de décembre 2012 à avril 2013.

Lorsque la Séléka a pris le contrôle de Bangui, les rebelles se sont déchainés, pillant, tuant des civils, violant des femmes et réglant leurs comptes avec les membres des Forces armées centrafricaines (FACA). De nombreuses tueries ont eu lieu dans des zones urbaines en plein jour », précise le rapport.

« D’après Human Rights Watch, les déclarations de témoins tentent à prouver que les rebelles ont obéi, au niveau local, à leurs commandants directs. Comme l’a déclaré à Human Rights Watch un témoin du meurtre de civils non armés en fuite, « le [commandant en poste] a donné l’ordre, puis ils ont tiré ».

Le directeur de la division Afrique de HRW, Daniel Bekele, a appelé le gouvernement de la Séléka à « contrôler les rebelles qui l’ont mise au pouvoir, à éviter les exactions et à punir ceux qui les commettent ».

Une analyse réalisée en juin par Assessment Capacities Project (ACAPS, un regroupement de trois organisations non gouvernementales) a révélé que de récents rapports suggèrent « que des membres de la Séléka occupent de force des résidences, notamment celles appartenant à des gens considérés comme proches du gouvernement de M. Bozizé ».

« De plus en plus de signes montrent que le peuple se mobilise contre les crimes et les violations des droits de l’homme perpétrés par les membres de la Séléka, et les tensions montent entre la Séléka et la population.

« Les fractures se sont aggravées au sein de la coalition, empêchant le commandement de la Séléka de contrôler ses propres troupes. Une tentative de coup d’État a été signalée le 14 mai à mesure que les tensions se font plus vives entre deux des principaux groupes qui se disputent le contrôle ».

Les conditions pour assurer la sécurité

En avril, le Conseil de sécurité des Nations Unies a exprimé son inquiétude quant à la dégradation de la situation et a souligné que « les responsables de tels actes et d’atteintes au droit international humanitaire et au droit international des droits de l’homme, notamment les violences à l’encontre des civils, les tortures, les exécutions sommaires, les violences sexuelles et sexistes, le recrutement et l’exploitation d’enfants dans le conflit armé » devaient répondre de leurs actes.

Le déploiement supplémentaire de troupes de maintien de la paix en RCA fait partie des mesures qui permettront, comme l’espèrent les responsables, d’améliorer la sécurité.

Mi-mai, Margaret Vogt, la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la RCA, a réclamé le déploiement de forces supplémentaires pour « maîtriser l’état actuel de chaos » et pour forcer les rebelles à respecter l’accord de Libreville, un accord de paix qui demande le cantonnement, la démobilisation et la sélection des rebelles pour leur réintégration dans une armée réformée.

Selon Thibaud Lesueur, analyste pour la RCA auprès de International Crisis Group (ICG), la Force multinationale d’Afrique centrale (FOMAC) est en train d’être renforcée, « mais si l’envoi de troupes supplémentaires aide à protéger Bangui, le reste du pays restera toutefois incontrôlable ».

« Le retour à un niveau de sécurité minimal dans le pays implique trois étapes : garantir la sécurité à Bangui, lancer le DDR [désarmement, démobilisation et réintégration] et reformer le secteur de la sécurité », a expliqué M. Lesueur dans un courriel adressé à IRIN.

« La première étape implique une décompression de la sécurité dans la capitale ; une première opération visant à repousser certaines troupes de la Séléka à l’extérieur de Bangui a été lancée mi-mai. Deux cents ex-rebelles ont été escortés jusqu’à Bria, mais cela reste insuffisant. Dans un deuxième temps, un véritable processus de démobilisation, de désarmement et de réintégration des anciens soldats doit être engagé, et des offres de réinsertion civile attrayantes doivent être proposées.

« Et enfin, seul [un] nombre limité de combattants de la Séléka doit être réintégré [dans] l’armée. En effet, une réintégration massive des membres de la Séléka dans [l’]armée nationale serait certainement néfaste pour la stabilité de la RCA à long terme ».

Les inquiétudes d’ordre humanitaire

Le 4 juin, le Fonds central d’intervention d’urgence des Nations Unies (CERF) a alloué 7,1 millions de dollars pour venir en aide à plus d’un million de personnes en RCA, dont 595 000 enfants âgés de moins de cinq ans.

« Nous fournirons une aide alimentaire et médicale, un accès à l’eau potable et à l’assainissement, un soutien psychologique aux victimes de violences sexistes, une aide à la gestion des déchets et des soins de santé reproductive », a déclaré la coordonnatrice humanitaire de l’action humanitaire en RCA, Kaarina Immonen, dans un communiqué de presse.

Du 22 au 24 mai, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et ses partenaires ont vacciné 122 869 enfants de moins de cinq ans dans huit quartiers de Bangui à la suite d’une épidémie de rougeole. Près de 56 enfants âgés de 12 à 17 ans ont également été libérés des groupes armés, d’après un rapport de situation publié par OCHA.

Selon Abdoulaye Sawadogo, directeur adjoint du bureau d’OCHA à Bangui, les principales inquiétudes sécuritaires concernent les droits de l’homme, les violences sexistes et la démobilisation des enfants enrôlés dans les groupes armés. L’insécurité alimentaire est également un problème à cause des hausses de prix et de l’épuisement des ressources alimentaires. Il y a une pénurie de semences et d’équipements.

Le manque de médicaments et de fournitures médicales dans la plupart des centres de santé à l’extérieur de Bangui est tout aussi problématique, car la population n’a qu’un accès limité, voire inexistant, aux centres de soins.

L’accès humanitaire est toujours inégal. « L’accès reste difficile dans certaines régions du pays, principalement pour des raisons de sécurité, ce qui empêche les organisations humanitaires [de] reprendre leurs opérations », a déclaré M. Sawadogo, ajoutant que les négociations d’accès avec les autorités de la Séléka sur place sont assurées par OCHA et le Département de la sureté et de la sécurité des Nations Unies.

Certaines organisations ont repris leurs opérations sur le terrain et déploient leurs équipes sur place lorsque les conditions de sécurité le permettent, a-t-il dit.

Selon M. Vines de Chatham House, la sécurité est un élément essentiel pour résoudre la situation humanitaire « vraiment alarmante » en RCA « mais, quant à savoir si la FOMAC est capable d’assurer la sécurité, cela reste à démontrer ».

source : http://www.irinnews.org