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Pénurie de financement pour répondre à l’afflux de réfugiés de la RCA

D 16 juillet 2014     H 05:08     A IRIN     C 0 messages


GBITI - Depuis le début de l’année, plus de 80 000 Centrafricains se sont réfugiés au Cameroun voisin pour fuir la recrudescence des violences dans leur pays. Alors que les réfugiés continuent d’affluer, les responsables humanitaires disent que le montant des fonds accordés par les donateurs ne suit pas la demande accrue, entravant les efforts de secours et laissant les réfugiés toujours plus vulnérables.

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a dit qu’il n’avait reçu que 4,2 millions de dollars sur les 22,6 millions dont il a besoin pour venir en aide à ceux qui fuient les violences en République centrafricaine (RCA). L’appel de 247 millions de dollars du plan d’intervention régional pour les réfugiés en RCA, qui implique le HCR et 14 organisations d’aide humanitaire partenaires, n’a été financé qu’à hauteur de 12 pour cent.

Quelque 226 000 personnes ont fui la RCA pour se réfugier au Cameroun, en République du Congo, en République démocratique du Congo (RDC) et au Tchad depuis décembre 2013. Parmi ces quatre pays, le Cameroun est celui qui accueille le plus grand nombre de réfugiés.

« Je crains que la crise ne s’aggrave si nous ne nous attaquons pas à ce problème très rapidement et de manière coordonnée, surtout que nous savons tous que la crise en RCA ne risque malheureusement pas d’être réglée de sitôt », a dit Najat Rochdi, la coordonnatrice résidente des Nations Unies pour le Cameroun.

Mme Rochdi estime que le profil du Cameroun explique en partie le problème et que la faible présence des organisations non gouvernementales (ONG) humanitaires dans le pays y participe.

« Le Cameroun n’a jamais été sur la carte de la communauté humanitaire ou connu pour être une urgence humanitaire », a-t-elle dit à IRIN. « Par le passé, le gouvernement n’a jamais lancé d’appel et n’a jamais demandé officiellement de l’aide, même s’il accueille des réfugiés depuis plusieurs années. Cela explique pourquoi le financement met autant de temps à arriver. »

Le Cameroun avait déjà accueilli quelque 90 000 réfugiés centrafricains en 2004. Nombreux sont ceux qui ont été attaqués et blessés alors qu’ils fuyaient la recrudescence des violences en RCA. Les réfugiés parlent des membres de leur famille qui ont été tués dans des raids menés par les anti-balaka contre les membres de la Séléka, la coalition rebelle qui a renversé le président François Bozizé en mars 2013.

Selon le HCR et le Programme alimentaire mondial (PAM), les taux de malnutrition aiguë chez les réfugiés qui arrivent au Cameroun - qui oscillent entre 20 et 30 pour cent - sont bien au-dessus du seuil critique de 15 pour cent fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les interventions d’urgence. « Nous devons tous agir maintenant pour qu’il n’y ait plus d’enfants qui souffrent inutilement. Nous devons intervenir pour sauver des vies et empêcher la situation de s’aggraver », a dit Ertharin Cousin, la directrice du PAM, à l’occasion d’une conférence de presse organisée récemment à Rome.

Débordés

À l’hôpital de la ville de Batouri, dans l’est du Cameroun, des dizaines d’enfants provenant d’un camp de transit situé près de la frontière RCA-Cameroun ont été admis pour malnutrition sévère et pour d’autres affections. D’autres continuent à arriver. Des briques et des planches sont empilées à l’extérieur, car le HCR veut accroître sa capacité.

« Nous nous débrouillons avec ce que nous avons », a dit John Majaliwa, un nutritionniste du HCR, ajoutant que de nombreux enfants ont été affaiblis par le voyage difficile qu’ils ont dû faire depuis la RCA. « Les enfants sont très maigres. Nous avons des cas de marasme et de kwashiorkor. Tous les enfants qu’on nous amène souffrent d’autres affections comme l’anémie ou le paludisme. »

Plus de la moitié des réfugiés qui affluent dans les régions camerounaises de l’Est, de l’Adamaoua et du Nord sont des femmes et des enfants. La plupart d’entre eux sont musulmans et appartiennent au groupe ethnique des Mbororo, des éleveurs nomades. Le HCR tente actuellement de relocaliser certains des réfugiés installés à Gbiti, l’un des principaux points d’entrée au Cameroun depuis la RCA, dans des camps situés dans des villages. Les histoires de fuite des réfugiés donnent des frissons.

Un responsable humanitaire a raconté à IRIN que des hommes armés avaient attaqué une famille de cinq personnes. Ils ont tiré une balle dans la jambe du père pour l’empêcher de fuir. L’homme a dit à sa famille de continuer sans lui, mais, après plusieurs jours de marche, alors que toute la famille avait mal aux pieds au point de ne plus pouvoir marcher, la mère a été forcée d’abandonner deux de ses enfants. Elle est arrivée à Gbiti avec l’enfant qu’elle portait sur le dos.

Il arrive aussi que les attaquants armés étendent des cadavres sur les routes pour dissuader les gens de fuir. Certaines familles ont décidé de marcher pendant la nuit pour éviter les attaques. Elles ont mangé ce qu’elles parvenaient à trouver le long du chemin ou se sont nourries du lait de leurs bêtes, dont la plupart sont mortes pendant le trajet.

« Nous avons dormi sous les arbres, mais n’avons pas été attaqués pendant que nous prenions la fuite », a dit Amina Amadou. « Toutes nos bêtes sont mortes pendant le trajet. »

Souleiman Hamadou, 67 ans, est arrivé à Gbiti en mars après avoir marché pendant deux mois. « Les anti-balaka ont attaqué notre village. Ils ont tué mon fils et mon troupeau a été dispersé. Je suis faible et ma santé n’est pas bonne. Mon épouse doit aller dans la forêt pour y ramasser du bois de chauffage qu’elle vend pour gagner un peu d’argent. »

Mme Rochdi, la coordonnatrice résidente des Nations Unies, a dit que l’explosion du nombre de réfugiés avait rendu la planification difficile.

« Ce qui a rendu la situation encore plus critique pour nous, c’est que nous avons reçu 60 000 réfugiés entre janvier et mars, alors que nous prévoyions d’en recevoir 45 000. Dans ce genre de situation, il est très difficile pour n’importe qui ou pour n’importe quel gouvernement de fournir un soutien [adéquat] à un nombre aussi important de réfugiés. »

Elle a cependant remarqué que les bailleurs de fonds étaient de plus en plus nombreux à répondre à la crise. « Je vois de plus en plus de bailleurs de fonds qui interviennent. Il faut se dépêcher de fournir un soutien pour éviter que [l’afflux de réfugiés] ne menace la stabilité du Cameroun. »

Seulement 9,6 pour cent des 117 millions de dollars demandés pour la réponse humanitaire au Cameroun en 2014 ont été reçus, a-t-elle dit.