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Une crise alimentaire majeure se profile en RCA

D 30 janvier 2014     H 05:50     A IRIN     C 0 messages


BANGUI - Les agriculteurs de République centrafricaine (RCA) ont un besoin urgent de semences et d’outils pour éviter une crise alimentaire dans ce pays en proie à la violence depuis le coup d’État de mars 2013, ont prévenu les agences d’aide humanitaire.

Jusqu’à « 94 pour cent des communautés indiquent qu’elles n’ont pas suffisamment de semences pour la prochaine campagne de semis » qui débute en mars, indiquent les conclusions de l’évaluation multisectorielle initiale rapide (MIRA) des besoins humanitaires en RCA menée par plusieurs agences des Nations Unies.

« Une grande partie des agriculteurs n’ont pas été en mesure d’ensemencer leurs champs ou n’ont pu ensemencer qu’une partie de leurs champs, donc les stocks de nourriture s’amenuiseront plus rapidement cette année », a dit Dominique Burgeon, Directeur de la Division des opérations d’urgence et de la réhabilitation à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) lors d’une conférence de presse tenue à Bangui cette semaine.

« Des gens nous ont dit que leurs champs avaient été brûlés, ils ont perdu leurs outils, leurs chèvres et leurs volailles, et bon nombre de groupes de femmes ont perdu leur matériel de meunerie. Tout cela a eu de graves répercussions sur la sécurité alimentaire ; nous estimons à 1,2 million le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire dans le pays, et 40 pour cent de ces personnes sont en situation d’insécurité alimentaire grave ».

Il a ajouté : « Normalement, la période de soudure débute en juillet dans le pays, mais cette année, nous pensons qu’elle débutera en février ».

M. Burgeon a dit qu’une quantité importante d’aide alimentaire est nécessaire immédiatement pour couvrir la période de soudure, et qu’il est essentiel de donner à la population les moyens de relancer la production.

La FAO, a-t-il dit, a décidé de faire de la RCA sa priorité et de faire pression non seulement pour trouver une réponse à court terme, mais aussi pour favoriser une reprise durable de l’agriculture du pays.

M. John Ging, directeur des opérations du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), a lui aussi fait état de la gravité de la crise agricole lors de la conférence de presse.

« Les besoins les plus urgents sont . une aide sous forme de semences et d’outils pour aider les populations à retrouver leurs moyens de subsistance. Nous, la communauté internationale, devons nous mobiliser en faveur de l’agriculture de ce pays. Nous devons avant tout aider les populations à s’aider elles-mêmes », a-t-il dit.

OCHA estime que 886 000 personnes sont déplacées en RCA, dont 500 000 à Bangui. Les centaines de milliers de déplacés des zones rurales doivent rentrer chez eux pour la campagne des semis, a dit M. Ging.

Il a souligné que 2,6 millions de personnes - soit la moitié de la population - ont besoin d’aide humanitaire, en raison de l’extrême pauvreté et des déplacements de masse.
Selon l’évaluation rapide, dans beaucoup de régions, les superficies ensemencées par les agriculteurs ont diminué par rapport à l’année précédente, en raison de l’insécurité : ils ont été contraints d’ensemencer des terres éloignées de leurs villages et dont la superficie cultivable était moins importante.

Les stocks de semences et de nourriture sont faibles en raison du bouleversement des activités agricoles, des destructions et des pillages : la majorité des personnes interrogées ont indiqué qu’elles ne faisaient plus qu’un repas par jour contre trois auparavant.

De manière encourageante, le rapport note que « 78 pour cent des répondants indiquent que les agriculteurs vont reprendre le travail de la terre dans les semaines à venir . d’après des observations directes, même les agriculteurs déplacés jouiront d’un meilleur accès à la terre et auront plus de temps que l’année dernière pour ouvrir des champs. La distribution d’intrants, notamment de semences, et la fourniture d’un soutien agricole sont essentiels pour rétablir leurs capacités productives ».

Besoins immédiats

Outre la sécurité alimentaire, le rapport identifie les besoins prioritaires dans les districts du Nord-Ouest : la santé, la protection, l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Dans la capitale, l’évaluation indique que les besoins prioritaires sont l’aide immédiate et l’aide à la survie, la santé, la sécurité, la protection et les informations sur l’aide humanitaire.

Partout où il s’est rendu, M. Ging a rencontré des femmes qui lui ont dit que l’éducation était aussi une priorité. À Bangui, 62 pour cent des écoles avaient été occupées, a-t-il ajouté.

Il a salué le fait que 76 organisations humanitaires soient présentes en RCA, mais il a noté qu’il en fallait davantage.

« Si vous allez dans l’un des pays où nous menons de grandes opérations humanitaires, vous constaterez que toutes les grandes organisations non gouvernementales (ONG) y sont présentes. Beaucoup de ces grandes organisations ne sont pas présentes dans ce pays et nous avons besoin qu’elles viennent rapidement. Nous avons besoin de leur expertise et de leur expérience ».

Et il faut beaucoup plus de fonds, a-t-il ajouté.

« Nous avons un projet humanitaire qui [coûte] 247 millions de dollars et il n’est financé qu’à hauteur de 30 millions de dollars pour l’instant ».

Ce montant de 247 millions de dollars a été fixé l’année dernière, a-t-il ajouté, et les besoins devraient augmenter de manière significative.

Sécurité

Dans ses observations préliminaires, M. Ging a également évoqué, « les conditions dangereuses et difficiles » dans lesquelles les travailleurs humanitaires interviennent en RCA, et il a salué la mémoire des six membres des organisations humanitaires internationales qui ont été tués au cours de leurs interventions dans le pays en 2013.

Un travailleur humanitaire aurait trouvé la mort cette semaine à Bangui, et un autre est porté disparu depuis peu.

Bangui connaît les pires violences depuis les affrontements intercommunautaires survenus à Bossangoa au mois de septembre. À l’apogée des combats, au début du mois de décembre, quelque 750 personnes ont été tuées dans la capitale.

Depuis la flambée de violences qui s’est produite à Bangui après la démission du président Michel Djotodia le 10 janvier, les troubles subsistent dans la capitale ; les soldats français déployés dans le cadre de la mission Sangaris et les soldats de la mission de l’Union africaine en République centrafricaine, la MISCA, ont renforcé leurs patrouilles. Les nuits sont plus calmes depuis le début du mois de décembre.

Cette semaine, plusieurs centaines de soldats des forces de l’ancien président François Bozizé, les FACA, se sont rassemblés dans un centre d’enrôlement de l’armée. Après le renversement de M. Bozizé en mars, les soldats des FACA se sont cachés, sont retournés la vie civile ou ont rejoint les milices anti-balaka (groupe ennemi de la Séléka de M. Djotodia, une milice majoritairement composée d’ex-rebelles musulmans et officiellement dissoute au mois de septembre).

La quasi-totalité des soldats des FACA présents au point de rassemblement étaient en civil. L’un d’entre eux a dit à IRIN : « Nous n’avons pas osé prendre notre service lorsque M. Djotodia était au pouvoir, car les Séléka nous auraient tués ».

Aujourd’hui, la moitié des habitants de Bangui préfèrent toujours ne pas dormir chez eux : la nuit, ils rejoignent le camp surpeuplé établi à l’aéroport, qui accueille près de 100 000 personnes, ou ils s’installent aux abords des églises, tandis que la minorité musulmane se concentre dans quelques districts.

L’évaluation rapide a montré que l’insécurité est moins forte dans la plupart des zones rurales, mais elle reste une source d’inquiétude. Les villageois des environs de Bossangoa - ville située au Nord, dans une zone très dangereuse où des affrontements entre les ex-Séléka et les anti-Balaka ont éclaté au mois de septembre ; aujourd’hui, les soldats de la mission Sangaris patrouillent autour de la ville - commencent à rentrer chez eux, selon un travailleur humanitaire qui a demandé à conserver l’anonymat.

« Ils vivaient dans le bush depuis septembre », a-t-il dit. « On pouvait voir l’épuisement et la souffrance sur leur visage et sur leur corps ».

Source : http://www.irinnews.org/