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Rwanda : 20 ans après, la France peine à poursuivre et condamner les génocidaires et leurs complices

D 7 avril 2014     H 05:19     A Survie     C 0 messages


A quelques jours de la commémoration des 20 ans du génocide des Tutsi au Rwanda, Survie a organisé le 2 avril à Paris une conférence de presse au cours de laquelle Me Olivier Foks, Me Jean Simon et Me Eric Plouvier ont exposé les avancées et les obstacles rencontrés dans plusieurs affaires dans lesquelles l’association est partie civile, visant des Français et des Rwandais soupçonnés de complicité de crime de génocide ou de crime contre l’humanité.

Le Président et les avocats de Survie ont tenu à rappeler qu’au-delà du procès de Pascal Simbikangwa, qui vient de s’achever à Paris par la condamnation à 25 années de réclusion de cet ex-capitaine rwandais pour crime de génocide et complicité de crime contre l’humanité (décision qui a été frappée d’appel par l’accusé), le travail de la justice française contre les personnes soupçonnées de génocide poursuivies en France et sur l’implication et le rôle de l’Etat français dans les évènements qui ont eu lieu au Rwanda de 1990 à 1994 est loin d’être terminé.

Maitre Jean Simon, avocat de Survie dans le procès Simbikangwa, a souligné l’importance du verdict de la Cour d’Assises de Paris, rappelant que les avancées dans l’instruction de ce dossier sont dûes en grande partie à la création d’un Pôle génocide et crimes contre l’humanité au sein du TGI de Paris le 1er janvier 2012. "Jusque-là, il n’y avait pas de volonté politique de poursuivre les accusés "selon l’avocat. "Ce premier procès était attendu depuis longtemps. Il a permis de rappeler de façon précise et documentée ce qui s’est passé au Rwanda, le génocide des Tutsi, ce qui n’a pas empêché certaines thèses nauséabondes d’être exprimées par la défense".

Plus de 25 informations sont ouvertes et confiées aux magistrats spécialisés du Pôle crime contre l’humanité, et le procès qui vient de se tenir devant la Cour d’assises de Paris devrait être le premier d’une longue série, ce qui constituera une lourde charge pour la justice française et pour les parties civiles, qui comme cela a été rappelé lors de la conférence de presse, ont systématiquement été à l’origine des poursuites. »

Me Olivier Foks, avocat de Survie, qui s’est constituée partie civile dans une procédure ouverte à la suite de 6 plaintes déposées en février 2005 par des ressortissants rwandais mettant en cause des officiers français pour des actes s’étant produits sur les collines de Bisesero en juin 1994 et dans le camp de réfugiés de Murambi, a rappelé lui aussi l’impact de la création du pôle génocide pour faire progresser, après de nombreux retards et de nombreuses embûches cet imposant dossier de près de 16 000 cotes).

A la différence de l’action de Survie et d’autres associations parties civiles dans les dossiers tels que celui de Pascal Simbikangwa, ces plaintes sont« directement liées à la suspicion de collusion entre officiers français et génocidaires ». "Depuis leur dépôt, en 2005, ces dossiers sont particulièrement surveillés au niveau politique et ont suscité de vives polémiques sur le degré de connaissance et d’implication des militaires dans les faits qui leurs sont reprochés". Malgré les avancées récentes (déplacement d’un Juge au Rwanda, auditions de militaires), ce dossier n’a pas encore débouché sur des mises en examen. "9 ans après le dépôt des plaintes, le délai d’instruction ne peut pas être considéré comme raisonnable" pour Me Foks.

Me Eric Plouvier, qui suit également ce dossier, a évoqué à son tour l’importance de l’accès aux archives et de la déclassification de documents sensibles pour faire avancer l’instruction. L’avocat a insisté sur l’importance de l’accès à de tels documents dans le dossier Paul Barril, ouvert suite à une plainte déposée par Survie en juillet 2013 avec la FIDH et la LDH, a rappelé les faits reprochés à l’ancien gendarme de l’Elysée, proche de la garde rapprochée de Juvénal Habyarimana et qui aurait conclu un contrat de fournitures d’armes au régime génocidaire le 28 mai 1994, soit après l’embargo des Nations unies. Le 28 février, Survie et les autres associations parties civiles dans ce dossier ont adressé au juge une demande de mise en examen de Paul Barril.

En conclusion de la conférence, le Président de Survie, Fabrice Tarrit a précisé que l’implication dans ces dossiers judiciaire constitue un des leviers de mobilisation de l’association, qui travaille depuis 20 ans sur contre l’impunité des auteurs et complices du génocide au Rwanda. L’association vient de lancer une pétition demandant la déclassification et la publication de tous les documents se rapportant à l’action de la France au Rwanda de 1990 à 1994 dans ses volets diplomatiques militaire, politique et financier.

Cette revendication est un thème phare de la campagne « 20 ans d’impunité, la France complice du génocide des Tutsi au Rwanda », lancée aujourd’hui par Survie. Cette campagne s’ouvre sur plusieurs dizaines d’évènements et actions partout en France, notamment ce weekend du 5-6 avril, à la veille d’une journée internationale de commémoration au cours de laquelle l’association attend que l’Etat français reconnaisse officiellement le génocide des Tutsi et ses responsabilités dans ce crime.