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Rwanda : Intervention lors du colloque de Bordeaux

D 15 octobre 2012     H 05:18     A Moulzo     C 0 messages


Le 4 juin 2011, le GTA (Groupe de Travail Afrique) du NPA organisait à Paris une rencontre intitulée « LE RÔLE DE LA FRANCE DANS LE GENOCIDE DES TUTSI AU RWANDA » autour des livres de Jacques Morel « La France au cœur du Génocide des Tutsi », (l’esprit frappeur, 2010) et Raphael Doridant co-auteur de "La complicité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda", (L’Harmattan, 2009). Vous pouvez retrouvez leurs interventions sur notre site www.afriquesenlutte.org en allant dans la rubrique Rwanda.

Lors de cette conférence, le rôle actif de la France dans ce qui fut un des plus grands génocides du XXème siècle a été clairement posé. Les deux intervenants avaient tous deux pointé du doigt les inepties dans les conclusions du juge Bruguière et les interrogations qui étaient les leurs. Quelques mois plus tard, le rapport des juges Trévidic et poux confirmaient leurs propos.

Ainsi, comme le dit si bien un proverbe africain : « Le mensonge peut courir une année, la vérité le rattrape en une journée ». Les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux ont mis à plat le travail biaisé et uniquement à charge contre le FPR (Front Patriotique Rwandais) du juge Bruguière dont le principal objectif a été certainement la dissimulation du rôle de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda, aidé en cela par certains médias français. Le rapport rendu public le 10 janvier 2012 oriente désormais les recherches vers une réelle conspiration des extrémistes Hutu. L’attentat du 6 avril 1994 qui a coûté la vie aux Présidents rwandais et burundais marque bien le point de départ d’un plan diabolique élaboré par les extrémistes Hutu, lequel plan conduira au génocide des Tutsi du Rwanda. Rappelons que le président Juvenil Habyarimana venait tout juste de promettre d’appliquer l’accord de paix prévoyant le partage du pouvoir avec la rébellion Tutsie.

La boîte de pandore est désormais ouverte et aucun expert ni aucun journaliste ne peut désormais se cacher derrière les fausses conclusions du juge Bruguière. Il faut à présent aller plus loin afin de connaître le vrai rôle de la France dans cette tragédie humaine qui a conduit à la mort de presque un million de personnes en majorité des Tutsi.

Au nom de la real politik, les hommes politiques français ont ils soutenu l’insoutenable, les militaires français ont-ils participé à l’inavouable ? Contre le FPR de Paul Kagamé pro américain, les démons de Fachoda ont ils pris le dessus ? Nous ne demandons qu’à savoir la vérité car elle est nécessaire pour que les morts dorment enfin en paix.

Pour comprendre ce qui s’est passé au Rwanda en 1994, Afriques en lutte a continué la réflexion après le débat organisé le 4 juin 2011 en remontant beaucoup plus loin car notre conviction est que l’armée française n’a appliqué au Rwanda que ce qu’elle savait faire le mieux depuis toujours : « la guerre contre révolutionnaire ». Cette doctrine militaire qui vise à obtenir le soutien de la population dans le cadre d’un conflit opposant un mouvement insurgé à une force gouvernementale de contre-insurrection, se base sur des actions civilo-militaires, des activités de renseignement, de guerre psychologique et sur le quadrillage par des patrouilles mobiles afin de mailler le territoire. En regardant le film « Tuez-les tous ! », il est indéniable que c’est cette théorie militaire dont la France est l’inventrice qui a été appliquée au Rwanda de façon terriblement efficace. Les paradoxes de la guerre contre-insurrectionnelle, plus on protège ses forces moins on est en sécurité : « Le succès ultime est remporté en protégeant la population, pas ses propres forces. Si les forces militaires restent bloquées dans leurs bases, elles perdent le contact avec la population, donnent l’impression d’avoir peur et cèdent l’initiative aux insurgés. Des patrouilles doivent être menées, le risque partagé et le contact maintenu. ». Appliquée en Algérie, la guerre contre –révolutionnaire ou contre-insurrectionnelle n’a pas atteint ses objectifs puisque l’Algérie a fini par obtenir son Indépendance en payant le prix fort. L’ennemi à abattre en Algérie, c’était le fellagha.

Exportée en Amérique latine par les ex-OAS, elle servit à y mater toute velléité communiste et fit des milliers de morts. Au Cameroun, ce sont les bamiléké qui en payèrent le prix fort. Et déjà, une ethnie était la cible de cette « sale guerre » théorisée par la France. Dans le livre « Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la françafrique (1948-1971) » de Manuel Domergue, Jacob Tatsitsa et Thomas Deltombe, les auteurs racontent comment furent assassinés, un à un, les leaders de l’UPC : Ruben Um Nyobè en 1958, Félix Moumié en 1960 et Ernest Ouandié en 1971. Et ils montrent comment l’administration et l’armée françaises, avec leurs exécutants locaux, ont conduit pendant des années une effroyable répression : bombardements des populations entières, escadrons de la mort, lavage de cerveau, et torture généralisée.

Les propos racistes de certains militaires français comparant les « Bamiléké » à des rats nous rappellent certains propos déshumanisants à l’égard des Tutsi pendant le génocide.

Il faut donc savoir, car c’est sous une président de gauche que le génocide s’est passé, qu’il ne faut rien attendre de leur démocratie, qui n’est rien d’autre qu’une alternance de défenseurs des intérêts du Capital. L’armée en est bien le bras armé et la seule solution, pour une démocratie citoyenne, c’est de réduire son pouvoir grâce à un véritable contrôle citoyen. La propagande militaire pendant le génocide a été fort efficace puisque beaucoup de journalistes n’ont fait que reprendre les informations militaires. Si certains ont fait leur travail de bonne foi, d’autres se sont comportés en véritables relais de la désinformation militaire française.

Est-ce donc la guerre contre-révolutionnaire qui a été enseignée aux extrémistes Hutu ? Ceux-ci l’ont-ils perfectionné et en ont-ils fait l’instrument du génocide des Tutsi du Rwanda. La France était-elle au courant de ce qui se préparait ? A-t-elle participé activement au génocide ? En est-elle complice ?

A nous, internationalistes, progressistes en France, de nous saisir de la question des responsabilités des complices français du dernier génocide en date. Certains protagonistes de ce génocide ont été condamnés à Arusha (Tanzanie), siège du Tribunal pénale internationale pour le Rwanda, TPIR. Aucun politique ou militaire français n’a été inculpé ou condamné à ce jour. Pourtant, ceux qui – à Paris ou ailleurs en France - portent des responsabilités écrasantes, derrière cet assassinat systématique et planifié d’un million de personnes, ne doivent pas échapper à jamais à leur juste sanction.

Moulzo pour Afriques en lutte