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Rwanda : la France complice du génocide

D 16 février 2014     H 05:58     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Nous commémorerons bientôt le vingtième anniversaire du génocide au Rwanda. Depuis le 4 février et jusqu’au 14 mars inclus, la Cour d’assises de Paris doit juger un ancien co-responsable de ce génocide.
Du soir du 6 avril jusqu’à la fin juin 1994, des milices racistes composées par des membres de la population Hutu – les « Interahamwe » – et les forces armées de l’État rwandais ont massacré méthodiquement les membres de la minorité Tutsi. Entre 800 000 et un million de personnes ont été tuées dans ce génocide, le plus récent de l’histoire.

Un procès qui devrait être celui des responsables

Des procès contre des génocidaires rwandais ont déjà eu lieu aux États-Unis, au Canada, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Et, bien sûr, devant le Tribunal international pour le Rwanda – TPIR – basé à Arusha, en Tanzanie, qui a cessé de fonctionner aujourd’hui (sauf pour les décisions en appel dont les dernières sont attendues en 2015). Mais jamais encore en France, devant les tribunaux du pays qui en a été le principal complice.

Pascal Simbikangwa a été arrêté en 2008 à Mayotte, devenue depuis un département français dans l’océan Indien. Non pas pour des faits de génocide, mais parce qu’il s’y était livré à un trafic de faux papiers. Une fois identifié, le Rwanda avait réclamé son extradition, mais en vain. La France, qui héberge un bon nombre d’anciens dirigeants rwandais à l’époque du génocide – jusqu’à la veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana, Aujourd’hui, Agathe Habyarimana s’est vu refuser le statut de réfugié qu’elle avait réclamé (en raison de son implication politique dans les crimes du génocide), mais mène une existence de « sans papiers de luxe ».

Simbikangwa avait intégré la Garde présidentielle du régime rwandais en 1986, mais un accident de voiture l’a cloué à un fauteuil roulant à partir de 1988. En 1994, il était membre du groupe Akazu – noyau dur opaque du régime, dont faisait aussi partie l’épouse du président –, et il lui est reproché d’avoir dirigé des escadrons de la mort. Il est aujourd’hui accusé d’avoir surveillé des barrages sur lesquels étaient identifiés et assassinés les Tutsis, pendant le génocide, et d’avoir distribué des armes aux miliciens.

Les preuves de la complicité

Les tueries du génocide avaient commencé une demi-heure après la mort du président Habyarimana, après avoir été minutieusement préparées au moins deux ans auparavant. Les machettes, arme principale des tueurs, avaient été commandées en grosse quantité en Chine à l’été 1993, avec un prêt garanti par la BNP. La France soutenait alors à fond le régime rwandais, au sein duquel grandissait la force raciste du « Hutu Power » qui allait commettre le génocide. Aux yeux du président François Mitterrand, le FPR (Front patriotique rwandais), guérilla dont l’ossature était composée de Tutsis auparavant chassés du Rwanda ou nés en exil dans les pays voisins, constituait une menace pour la zone d’influence française en Afrique : le fameux « précarré ».
Pire : le GIR ou Gouvernement intérimaire rwandais, le régime qui organisa le génocide tout au long de ces 100 jours sombres, fut formé dans les locaux de l’ambassade française à Kigali, le 9 avril 1994. Contrairement à une vision parfois répandue en France, le génocide n’avait rien d’inorganisé, et encore moins de « colère spontanée contre les Tutsis ». Entre la mort du président Habyarimana et la formation du GIR, entre le 6 et le 9 avril, eut d’ailleurs lieu un putsch organisé notamment par la Garde présidentielle. Le Rwanda n’était pas un pays sans direction après la mort d’Habyarimana, mais la Première ministre Agathe Uwilingiyimana – opposée au génocide – fut froidement assassinée, avec tous ceux, même Hutus, qui gênaient les plans des tueurs.

Le rôle de la France au Rwanda fut sinistre, mais certaines questions sont encore sans réponse notamment, le rôle de l’ex-gendarme de l’Élysée Paul Barril. Il débarqua à Kigali en plein génocide, le 6 mai, titulaire d’un contrat avec le GIR baptisée « Opération insecticide ». Sachant que les Tutsis furent alors qualifiés de « punaises » par les tueurs, cela fait froid dans le dos. Pourtant, beaucoup reste à éclaircir sur son rôle exact, et notamment les trafics d’armes entre certains Français et le gouvernement du génocide.

Bertold du Ryon
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