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Un ancien militaire français témoigne aux côtés du présumé génocidaire rwandais et défend la thèse d’un « double génocide »

Procès Simbikangwa

D 15 février 2014     H 05:42     A Survie     C 0 messages


Survie, partie civile dans le procès de Pascal Simbikangwa, revient sur l’audition, ce mardi 11 février, du Colonel Michel Robardey.

Les avocats de la défense de Pascal Simbikangwa, jugé depuis le 4 février à Paris pour complicité de génocide, ont appelé à titre de « témoin de contexte » le colonel Michel Robardey, officier français présent au Rwanda de 1990 à 1993 avec le grade de commandant puis lieutenant-colonel, qui y dirige le programme de formation des officiers de police judiciaire (OPJ).

Le Colonel Robardey est chargé de réorganiser le fichier central : la section de recherche et de documentation criminelle (CRCD), lieu de torture où aurait sévi le capitaine Simbikangwa, qui travaillait à l’époque au service des renseignements. Alors que les avocats de la partie civile s’interrogent sur sa connaissance ou non d’actes de torture alors qu’il parle de « culture de l’aveu » et du fait qu’avant son arrivée « Ils n’avaient pas été formés et se laissaient aller à ces facilités », le Colonel Robardey parle de la torture comme d’une « affaire mineure » car « en temps de guerre ». Repris, il ajoute : « ce n’est pas mineur, mais je n’avais pas les moyens d’enquêter » […] « On n’avait pas le temps ». Le Colonel Robardey, à plusieurs reprises, semble suggérer que toutes les enquêtes des militaires français sur place portaient sur le FPR et jamais sur l’Etat rwandais. Ainsi, il avoue n’avoir jamais cherché à enquêter sur la constitution en 1992 d’un service de renseignements parallèle au seul service de la Présidence rwandaise.

Le Colonel Robardey est un témoin de contexte, mais appelé par la défense, il la sert, défendant « l’Etat rwandais, avec lequel je collaborais ». Sa description du contexte rejoint en bien des points celle du Capitaine Simbikangwa. Comme lui, il évoque une montée de tension et des violences qui ne seraient qu’une réaction aux actes de guérilla du FPR et aux crimes perpétrés au Burundi voisin (contre des dirigeants Hutu). Il insiste sur la confusion, la peur, l’ « injustice », désignant implicitement le FPR comme l’ennemi et les Tutsi comme les complices, niant ainsi la préméditation et la planification du génocide.

Ainsi, bien que ne niant pas le génocide des Tutsi, Robardey mentionne les « massacres de Tutsi » : « Les chiffres des massacres commis par les uns et les autres entre 90 et 94 n’ont pas été vérifiés sur le terrain » ; « Tous les chiffres cités à propos des massacres au Rwanda sont invérifiables ».

Robardey affirme que « si tout cela s’est fait, ce n’était pas organisé ». Il a également suggéré « je sais c’est difficile à croire, mais la thèse du génocide spontané n’est pas totalement stupide. En tout cas ce n’est certainement pas de manière étatique que les massacres ont été organisés ». Il va ainsi à l’encontre de tout ce qu’ont établi les experts de l’ONU, le Tribunal Pénal International, ou en France le Conseil d’Etat et les services de renseignement.

Plus tard, il ajoute « Le génocide, je l’ai empêché pendant trois ans », sans expliquer comment, indiquant simplement que la présence de la France dans le cadre de l’opération Noroit aurait retardé les massacres. Finissant son intervention par des propos alimentant la thèse négationniste du « double génocide », exprimés comme un « bémol » : « Mais j’aimerais savoir pourquoi quand un Tutsi est tué, c’est un génocide, alors que quand un Hutu est tué, c’est un crime de guerre. Il faudrait revoir la qualification juridique de ces crimes ». Robardey s’inscrit dans la lignée de militaires, politiques et essayistes français qui en défendant l’existence d’un supposé génocide des Hutu par des Tutsi relativisent le seul génocide ayant été perpétré, celui des Tutsi au Rwanda, et la complicité des autorités françaises dans ce crime.

L’association Survie, partie civile dans ce procès comme dans une dizaine d’autres affaires à l’encontre de présumés génocidaires installés en France et de militaires et mercenaires français accusés de complicité de génocide, s’interroge : pourquoi ces officiers français qui ont servi au Rwanda viennent-ils défendre des présumés génocidaires, devant la justice française comme devant le TPIR, et non les victimes ? Ainsi, le Général Lafourcade, venu défendre Théoneste Bagosora, inculpé devant le TPIR pour génocide, complicité de génocide, incitation publique et directe à commettre le génocide et crime contre l’humanité, s’était justifié : « C’était un geste d’humanité. Il avait droit à une défense équitable ».

Survie, en tant que partie civile au procès de Pascal Simbikangwa, est représentée par Maitre Jean Simon, avocat à la Cour. Le procès devrait se prolonger au moins jusqu’à mi-mars.

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