Vous êtes ici : Accueil » Afrique centrale » Tchad » TCHAD-FRANCE : Déby, l’allié objectif

TCHAD-FRANCE : Déby, l’allié objectif

D 3 juin 2014     H 05:53     A Moulzo     C 0 messages


La participation du Tchad d’Idriss Déby à l’intervention française au Nord du Mali a été décisive dans la victoire finale contre les djihadistes de tous bords qui s’étaient emparés du nord du Mali. Cette opération qui a débuté en janvier 2013 a permis au dictateur Idriss Déby de se poser en rempart contre le terrorisme grâce à la participation directe de 550 militaires tchadiens des forces armées tchadiennes d’Intervention au Mali (Fatim). Les Fatim paieront d’ailleurs un lourd tribut (une centaine de morts) à comparer aux sept morts français de l’opération Serval. Cela prouve par ailleurs que les militaires tchadiens ont été en première ligne et ont certainement fait le gros du boulot. Par la suite, les Fatim (autour de 2000 militaires) ont été intégrées à la Misma (mission Internationale de soutien au Mali sous conduite africaine) en mars 2013.

La communication du gouvernement tchadien sur le Mali

Les troupes tchadiennes représentent donc le plus gros contingent de la Misma avant le Nigeria (1200 hommes), le Bénin (650), le Sénégal et le Niger (500 hommes chacun). L’effectif de l’armée tchadienne est évalué à 36 575 hommes, tout corps confondus mais en réalité c’est certainement beaucoup plus (aux alentours de 50 000 hommes). Il s’agit par ailleurs d’une armée aguerrie au combat qui a l’habitude de faire face aux menaces extérieures à cause de l’instabilité politique du Tchad. Déby est par ailleurs considéré comme un vrai chef de guerre qui n’hésite pas à prendre la tête de ses troupes pour combattre ses ennemis. Le dictateur sort donc renforcé de la crise malienne et parvient même à obtenir pour le Tchad, le 18 octobre dernier, un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.

23 ans de dictature par les armes, voilà le régime du nouvel allié objectif de la France qui a failli être chassé du pouvoir en 2008 et qui n’a dû sa survie qu’à l’intervention française. Depuis 1990, Déby règne donc sur le Tchad grâce aux assassinats politiques impunis ou couverts, aux enlèvements et au musellement de toute la presse. L’excellent document réalisé par le collectif pour les luttes sociales et politiques en Afrique (dont Afriques en lutte est un des membres fondateurs) fait une très bonne analyse du Tchad d’Idriss Déby[1].

Soudan, Libye, Centrafrique, Déby est de toutes les crises de la région. Fin stratège, il sait manier le bâton et la carotte pour toujours se maintenir au pouvoir. En Centrafrique, c’est Déby qui fait et défait les présidents avec l’assentiment de la France. Protecteur de Bozizé puis de Michel Djotodia, il est donc incontournable en RCA et la France le sait. Depuis son arrivée au pouvoir en 1990, il a eu le soutien de la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) dont une vingtaine d’agents entrainaient sa garde républicaine. Les militaires tchadiens ont aussi aidé la France à remettre Sassou Nguesso au pouvoir au Congo Brazzaville.

A force de soutenir Déby, la France se retrouve avec une grosse épine dans le pied qu’il lui est difficile de retirer : l’assassinat en 2008 du mathématicien et chef de file du parti pour les libertés et le développement (Ibni Oumar Mahamat Saleh[2]) dont les enfants ont porté plainte en France.

Comme son homologue dictateur du Burkina Faso, Blaise Compaoré, (au pouvoir depuis 1987 après l’assassinat de Thomas Sankara) devenu un poids lourd de la sous-région ouest-africaine, Idriss Déby est en train de devenir un poids lourd de la sous région centrafricaine. Les dictateurs soutenus par la France ont de beaux jours devant eux et le signal qu’elle donne aux potentiels dictateurs en herbe est fort : au nom des intérêts, elle soutient les dictateurs sans aucun état d’âme.

Mais comme le signale à juste titre le collectif pour les luttes sociales et politiques en Afrique[3] : « La réhabilitation de Déby, c’est la réhabilitation de tous les dictateurs de la Françafrique. L’amnistie des crimes de Déby, c’est l’amnistie des crimes des dictateurs de la Françafrique. Idriss Déby est devenu le centre de la Françafrique du quinquennat de François Hollande, qui est une Françafrique du renouveau de l’influence militaire. [4] »

Moulzo

[1]http://electionsafrique.org/IMG/pdf/131216TchaddossierinformationCollSolidaritevfinale.pdf

[2] En 2009, les sociétés savantes de mathématiques SMF, SMAI et SFdS ont créé un prix Ibni Oumar Mahamat Saleh, annuel, à sa mémoire. Il est attribué à un(e) jeune mathématicien(ne) d’Afrique Centrale ou de l’Ouest et finance un séjour scientifique de quelques mois. Ces mêmes membres de la communauté scientifique responsables du prix ont mis une pétition en ligne, dans laquelle ils demandent la vérité sur le sort d’Ibni Saleh aux présidents de la République française et de la République du Tchad (Wikipedia).

[3] www.electionsafrique.org

[4]http://electionsafrique.org/IMG/pdf/131216TchaddossierinformationCollSolidaritevfinale.pdf page 32