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DJIBOUTI : Importance stratégique et fragilité politique

D 16 juin 2009     H 21:32     A David Yohannes     C 0 messages


Djibouti, dans le dispositif militaire français à l’étranger, est
une étape importante dans la mesure où 2800 soldats y
sont stationnés en permanence. Les événements du 11
Septembre 2001 aux Etas-Unis ont renforcé l’importance
stratégique de Djibouti. Conséquences : 1 800 GI’s s’installent
dans la capitale, au camp Lemonnier, auxquels il faut ajouter 900
soldats allemands, toujours dans le cadre
de la lutte internationale anti-terroriste.
Depuis 2006, les multiplications de la
piraterie maritime sur les côtes
somaliennes ont donné un nouveau
souffle, sur le plan stratégique, au petit
Etat. Plusieurs pays ont décidé de déployer
des navires de guerre au large des côtes
somaliennes, pour contrer les actions de
piraterie.
Sur ce site éminemment stratégique
qualifié de porte-avion international, vivent
environ 650 000 personnes soumises à une implacable dictature.
Depuis 32 ans, les Djiboutiens subissent dans le silence le plus
total, une répression féroce, un régime clanique. L’analyse faite,
deux ans après l’indépendance, par l’avocat français Antoine
Comte qui a défendu les victimes de la répression à Djibouti reste
pertinente. « La République de Djibouti a deux ans, écrit-il à
l’époque, mais à Djibouti l’histoire tourne en rond, et
l’Indépendance dans les libertés, et dans le respect des droits des
communautés, reste à inventer ». (Le Monde diplomatique,
septembre 1979) Cette situation n’a fait que se dégrader :
notamment, par l’appropriation mafieuse de l’économie, qui a eu
pour conséquence, la paupérisation de la population. Selon
l’organisme américain Famine Early Warning Systems Network
(FEWS Net), service d’alerte précoce, au moins 350 000
personnes sur les 632 000 que compte le pays sont en danger et
ont besoin d’une aide d’urgence alimentaire (fin 2008).
Ce système mafieux, au profit du président Ismael Omar
Guelleh (sixième fortune en Afrique) et de son entourage
immédiat, a aussi engendré l’effondrement de l’ensemble des
infrastructures sociales, sanitaires et économiques. Les
privatisations des établissements publics, encouragées par le FMI,
nourries par un libéralisme effréné, se conjuguent, dans ce micro-
Etat, avec l’appropriation mafieuse des biens publics, qui ont
abouti à leur effondrement. La coopération française incite les
dirigeants djiboutiens à se plier aux directives de FMI, et favorise
même cette gestion calamiteuse. Résultat : le service de santé
est inexistant, le seul hôpital du pays est devenu un mouroir, les
dispensaires sont dans un état de délabrement inimaginable.
La résistance, face à cette prédation mafieuse et à cette
oppression ininterrompue, a pris des formes
différentes selon l’époque, y compris la lutte
armée. Le mouvement social a été décapité.
Des dirigeants syndicats ont été arrêtés,
beaucoup ont été licenciées en 2006. Djibouti
est un des rares pays où il n’existe qu’un seul
journal. La liberté de presse est constamment
violée. Des journalistes courageux qui ont
essayé de faire des journaux indépendants ont
été arrêtés et emprisonnés. Même ceux du seul
bi-hebdomadaire gouvernemental, La Nation, ne
sont pas à l’abri des sanctions s’ils s’écartent de
la ligne officielle : en avril 2009, le rédacteur en
chef, Ali Barkat, a été licencié.
La lutte armée a été déclenchée, dès novembre 1991, par Le
Front pour la Restauration de l’Unité et de la Démocratie (FRUD).
Deux accords de paix, signés respectivement en 1994 et en 2001,
n’ont abouti ni à une paix définitive, ni à une véritable
démocratie. Le FRUD, qui est toujours présent avec des éléments
armés dans certaines régions, s’est renforcé considérablement
ces derniers mois.
C’est dans ce contexte de crise économique et sociale et de
l’impasse politique que, à l’instar de certains de ses collègues
africains, le président djiboutien veut briguer un troisième
mandat en 2012 en retouchant la constitution, ouvrant ainsi la
voie à une présidence à vie. Ce qui n’est pas du goût de tout le
monde, y compris parmi ses partisans. Ces derniers
développements révèlent une configuration paradoxale de ce
pays, super protégé par des bases militaires étrangères, mais en
proie à une crise politique susceptible d’éclater d’un jour à l’autre.
L’opposition composée de deux ensembles, le FRUD et l’UAD
(Union pour l’Alternance Démocratique, coalition de partis
légalisés), renforcés par les déçus du pouvoir, dont l’influent
homme d’affaire Borreh, essaie de trouver une parade, en
adoptant une plateforme commune.

David Yohannes