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DJIBOUTI : Vers le tout répressif

D 18 janvier 2016     H 12:17     A Paul Martial     C 0 messages


L’année 2015 s’est terminée dans le sang. En effet les forces répressives de la dictature d’Ismaïl Omar Guelleh n’ont pas hésité à ouvrir le feu sur les participants à une cérémonie religieuse qui se déroulait à Buldhoqo, près de Balbala, proche de la capitale. Le bilan est de 27 morts et 150 blessés. Puis, elles ont attaqué le local de l’Union pour le salut national (USN) qui fédère plusieurs mouvements d’opposition. Trois blessés ont été hospitalisés dont le président de cette organisation

Quelques jours plus tard, c’est au tour des organisations de la société civile d’être victimes des agissements de cette dictature. C’est ainsi qu’Omar Ali Ewado, président de l’organisation de défense des droits humains (rattachée à la Fédération internationale des droits de l’homme), vient d’être emprisonné.

Cette vague répressive peut paraître inattendue, alors qu’à l’été 2014, le gouvernement manifestait son intention de renouer un dialogue avec l’opposition (regroupé dans l’USN) et permettait ainsi d’offrir une alternative politique crédible. L’USN avait donc joué le jeu et entrepris des négociations en avançant des revendications des plus démocratiques, comme le droit d’expression, l’arrêt de la répression et elle avait même accepté de mettre en sourdine l’une de ses principales revendications, à savoir la reconnaissance de leur victoire électorale aux élections législatives pour arriver à un accord sur 10 députés.

Le gouvernement de Guelleh après des hésitations, feintes ou non, mais surtout après les pressions de son clan, notamment celles du secrétaire général de la présidence, Ismaël Houssein Tani et du chef d’état-major, le général Zakaria Cheik Ibrahim[i] a fermé la porte à tout dialogue politique.
Cette fuite en avant dans le tout répressif reste le seul moyen pour Guelleh de demeurer au pouvoir, en se présentant à l’élection présidentielle pour un quatrième mandat, qu’il remportera au vu des coutumières mascarades électorales.

Une situation géographique exceptionnelle

La richesse de Djibouti est sa situation géographique. Situé d’une part sur le détroit de Bab el Mandeb, entre l’océan Indien et la mer Rouge, qui est considéré comme le quatrième point de passage maritime pour le pétrole et reste un axe majeur pour les exportations japonaises. C’est donc à partir de Djibouti que la lutte de la piraterie somalienne s’est organisée. D’autre part, près de la Somalie où sévissent les shebab et en face d’un Moyen-Orient en crise, notamment le Yémen, en proie à une guerre civile impliquant les puissances régionales, l’Iran en soutien des Houthis et l’Arabie Saoudite qui s’est lancée dans une opération militaire, « tempête décisive », avec des bombardements meurtriers pour la population civile.

Cette situation exceptionnelle lui a valu l’installation par bon nombre d’armées de pays riches de bases, en contrepartie de locations censées rentrer dans les caisses de l’État Au départ, on dénombrait seulement la base de l’armée française, puis au fil du temps d’autres ont vu le jour, comme celles des États-Unis, de l’Italie, de l’Allemagne et même du Japon. L’installation de ces bases militaires reste la principale source de revenus, imposant à Guelleh une certaine modération dans ses ardeurs répressives. En effet, pour les gouvernements occidentaux, il est toujours plus facile de justifier leurs liens avec un régime dont la répression se fait discrète plutôt qu’un régime, du genre Assad en Syrie, qui massacre ouvertement et à tour de bras sa population.

Mais Guelleh se sent moins obligé vis-à-vis de ses partenaires occidentaux du fait que la Chine, elle aussi, souhaite ouvrir une base militaire navale[ii], contrariant d’ailleurs amplement le Pentagone. Cette possibilité de diversification de l’offre, comme diraient les économistes, explique certainement la posture d’une dictature décomplexée de Guelleh, qui fait couler le sang et ne cache plus sa volonté de rester au pouvoir coûte que coûte.

D’autant qu’un pays comme l’Éthiopie, qui est en train de prendre une part grandissante au niveau économique en Afrique de l’Est, souhaite développer un véritable partenariat avec Djibouti qui reste son unique débouché sur la mer. Ce partenariat se trouve renforcé par la Chine qui a déjà entrepris de multiples chantiers, comme la rénovation de la ligne de chemin de fer entre les deux pays, la construction du port minéralier de Goubet, sans parler du palais présidentiel flambant neuf.

Mais il n’est pas sûr que cette situation perdure indéfiniment tant la souffrance des habitants est grande, au niveau économique et social. La répression, la peur, les emprisonnements, les tortures, la politique ethniciste contre les Afars n’ont qu’un temps, même s’il est toujours trop long. Le seul avenir des dictatures, c’est de tomber.

Paul Martial

[i] Lettre de l’océan Indien, n°1388 du 3/10/2014

[ii] http://www.rfi.fr/afrique/20151126-chine-renforce-presence-djibouti-corne-afrique