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Soudan : Les affrontements avec le Sud-Soudan attisent la répression de la dissidence

D 4 juin 2012     H 05:15     A     C 0 messages


Les combats qui ont commencé il y a un mois entre le Soudan et le Sud-Soudan dans la région frontalière du Heglig, riche en pétrole, ont provoqué la recrudescence de la répression au Soudan, surtout dans les médias, rapportent le Réseau arabe d’information sur les droits de la personne (Arabic Network for Human Rights Information, ANHRI), Human Rights Watch, Index on Censorship et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).

« Le Soudan s’attaque aux droits civils et politiques lorsqu’il est confronté au conflit et à l’opposition », dit Daniel Bekele, directeur du bureau africain à Human Rights Watch. « Toutefois, l’incarcération des critiques et la répression de la dissidence ne régleront pas les problèmes du Soudan. »

Voici quelques-uns des moyens utilisés par le Soudan pour faire taire ses critiques.

Harcèlement des journalistes

Les officiels de la sécurité harcèlent et menacent les journalistes et les membres de l’opposition politique. Dans un cas très remarqué, des agents des Services de renseignement et de sécurité nationale ont convoqué le mois dernier un journaliste soudanais indépendant et défenseur des droits de la personne, Faisal Mohamed Salih, à leurs bureaux de Khartoum où il a été interrogé pendant plusieurs heures, rapportent Human Rights Watch, l’ANHRI et le CPJ.

Salih avait critiqué un discours du Président Omar al-Bashir retransmis sur la chaîne arabe Al Jazeera, dans lequel le Président exprimait sa volonté de s’emparer du Sud- Soudan. Salih a reçu l’ordre de se rapporter tous les jours au bureau des NISS. Il s’agit d’une stratégie « pour m’humilier et entraver mon travail », a écrit Salih dans une déclaration portant sur ses difficultés.

Après avoir refusé de se présenter, des officiels de la sécurité se sont rendus chez lui et l’ont forcé à se rapporter. Il a été inculpé pour avoir refusé de se conformer à leurs ordres. En cas de culpabilité, il est passible d’un mois de prison.

« Il apparaît clairement qu’il est visé rien que parce qu’il critique les politiques du gouvernement », indique à Human Rights Watch un avocat soudanais de la liberté des médias, Faisal al-Baqir. « Ils veulent lui nier son droit de parole. »

Interdiction aux journalistes de travailler

Plus de 15 journalistes se sont vu interdire de travailler ces derniers mois. Cette tactique semble dénuée de tout fondement juridique explicite, selon Human Rights Watch.

Le mois dernier, des officiels de la sécurité ont convoqué Haidar al-Mokashfi, journaliste à « Al-Sahafa », après que celui-ci eut publié un article au sujet de l’incendie d’une église par des adeptes d’un imam local radical, selon ce que rapporte Human Rights Watch. Les officiels lui ont interdit de travailler tant qu’il n’en recevrait pas l’autorisation. Au 15 mai, il attendait toujours.

« Interdire aux journalistes d’écrire est une arme utilisée par l’agence de sécurité pour priver les journalistes de leur gagne-pain afin de les contraindre à la docilité », dit Abdelgadir Mohammed Abdelgadir, un journaliste soudanais qui écrit pour le CPJ.

Si les NISS ne peuvent atteindre certains journalistes en particulier, ils font pression sur leurs patrons. D’après Abdelgadir, l’agence de sécurité est connue pour enjoindre aux conseils de gestion et aux rédacteurs en chef de suspendre certains journalistes et de les empêcher d’écrire. Si les patrons n’obtempèrent pas, leurs journaux risquent la confiscation, peut-être la suspension et même la fermeture.

Censure

Aux termes de la loi du Soudan, les officiels de la sécurité nationale peuvent interdire à une publication considérée comme une menace pour la sécurité nationale.

Depuis le début de mai, les NISS ont confisqué plus de 14 éditions de divers journaux au Soudan pour avoir publié des articles critiques du gouvernement, dit le CPJ.

« En confisquant les journaux, l’agence de sécurité vise à susciter d’importantes pertes financières et à forcer les journaux soit à fermer boutique soit à se plier à ses instructions », dit Abdelgadir.

Les autorités seraient en outre revenues à la pratique de la censure préalable à l’impression, allant jusqu’à se rendre dans les bureaux de la rédaction et ordonner de retirer des articles prévus dans l’édition à venir, pratique utilisée de manière intermittente ces dernières années, dit Human Rights Watch.

Plus tôt ce mois-ci, le journal « Al-Jarida » a été censuré avec une telle lourdeur qu’il a suspendu sa parution, rapporte Human Rights Watch.

Instauration de sujets tabou

Le Soudan a déterminé une vingtaine environ de sujets tabou à ne jamais aborder dans la presse, souvent des « sujets de portée nationale qui touchent à l’avenir du pays », dit Reem Abbas, journaliste soudanais qui écrit pour Index on Censorship. Parmi les sujets tabou se trouvent la critique des NISS, les forces armées, la police et le Président, ou des allusions à des menaces à la liberté de la presse dans le pays. D’après Abbas, « la liste des sujets interdits s’allonge tous les jours ».

À Khartoum, les agents de sécurité envoient chaque jour aux rédacteurs en chef une lettre qui contient la liste des « lignes rouges ». « Cette liste de lignes rouges est longue et est renouvelée quotidiennement », indique au CPJ Idris al-Douma, journaliste et
directeur de la rédaction au journal « Al-Jarida ». « Nous nous conformons habituellement aux directives de l’agence de sécurité et nous n’en avons jamais fait fi. Pourtant, l’agence de sécurité perturbe toujours l’impression du journal », dit al-Douma.

« Si nous publions un numéro [du journal] qui se montre critique et qui inclut des sujets qui mettent le gouvernement mal à l’aise - comme les conflits dans la région du Nil Bleu et dans le Kordofan du Sud - ils nous punissent en confisquant le numéro suivant », dit au groupe Index Adil Color, écrivain et rédacteur en chef du journal « Al-Midan », organe du Parti communiste soudanais (PCS).

La censure de l’agence de sécurité adopte des formes différentes, notamment des ordres transmis au rédacteur en chef ou au directeur de la rédaction par un bref appel téléphonique lui enjoignant de ne pas publier d’articles sur certains sujets que l’agence considère comme tabou.

« J’ai reçu dans la soirée du 5 mai un appel des Services de renseignement et de sécurité », a déclaré au CPJ Madiha Abdullah, rédacteur en chef d’« Al-Midan ». « Habituellement toutefois, nous ne nous plions pas à ces directives, parce qu’elles sont trop nombreuses et trop restrictives et qu’elles violent notre droit de publier et le droit d’accès des gens à l’information. » L’attitude de défi du journal pourrait expliquer pourquoi, au moment de mettre sous presse, celui-ci a été confisqué pour la huitième fois ce mois-ci seulement, rapporte l’ANHRI.

La légende du tabloïd porte maintenant « journal quotidien, mais publié temporairement les dimanches, mardis et jeudis », dit Index.

Arrestation des opposants politiques

Le 21 avril, les officiels de la sécurité ont arrêté Alawiya Osman Ismail Kibaida, ancienne ministre de la Santé de l’État du Sennar, et Ezdhar Juma, avocate et ancienne ministre d’État, sans explications, selon ce que rapporte Human Rights Watch. Les deux femmes détiennent des positions au Mouvement populaire de Libération du Soudan-Nord, le parti d’opposition qui a émergé à la suite de l’indépendance du Sud, en juillet 2011.

Le lendemain, des officiels de la sécurité ont arrêté sept autres membres du parti, qui sont toujours détenus, indique Human Rights Watch.

Aux termes de la loi soudanaise, les NISS disposent de vastes pouvoirs de fouille, de saisie, d’arrestation et de détention des gens pendant une période qui peut aller jusqu’à quatre mois et demi, sans révision judiciaire, en violation des normes internationales. Le service de sécurité est connu pour infliger aux détenus de mauvais traitements et pour les torturer.

« Ces détentions sont honteuses », dit Bekele. « Les autorités doivent libérer immédiatement ces personnes ou les inculper d’un délit reconnaissable, et leur permettre d’avoir accès à un avocat, à leur famille et à des visites médicales. »

Source : http://www.ifex.org