Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Est » Sud Soudan » L’éducation en crise dans un climat de violence au Soudan du Sud

L’éducation en crise dans un climat de violence au Soudan du Sud

D 18 juillet 2014     H 05:17     A IRIN     C 0 messages


Le dernier conflit au Soudan du Sud compromet la plupart des progrès éducatifs réalisés dans le pays depuis l’accord de paix de 2005 entre Khartoum et les rebelles du sud qui avait mis fin à des décennies de guerre civile.

Les enfants représentent environ la moitié des 1,5 million de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) ou de l’autre côté de la frontière depuis que le conflit a éclaté entre les deux armées rivales à la mi-décembre.

De nombreuses PDIP vivent dans des centres de protection des civils (Protection of Civilian centres, POC), des sites normalement prévus pour les Casques bleus où il y a peu de place pour l’installation de structures scolaires temporaires.

« Les camps temporaires où vivent les personnes déplacées n’ont jamais été conçus pour accueillir autant de personnes, et cela signifie que même l’installation d’écoles temporaires est un gros problème auquel nous devons encore faire face. Le conflit a aggravé les conditions d’enseignement au Soudan du Sud », a déclaré à IRIN Doune Porter, chef des communications stratégiques du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Dans les zones les plus affectées par le conflit, près de 100 écoles ont été détruites ou sont occupées par les troupes gouvernementales, les forces armées de l’opposition ou les civils déplacés.

« Les violences ont amené avec elles la malnutrition, l’insécurité et les épidémies comme le choléra ; tout ceci pèse sur l’éducation de nombreux enfants ici, au Soudan du Sud », a dit Mme Porter.

Selon Hollyn Hammond, coordinatrice du secteur éducation du Soudan du Sud de l’organisation Save the Children, « de nombreux enseignants des trois États les plus touchés n’ont pas été payés depuis décembre 2013 ».

Besoins non satisfaits

« Nous avons appris que des enfants et leurs familles passaient la frontière vers des camps de réfugiés, afin d’avoir accès à l’éducation qui n’est pas disponible dans les régions touchées. Nous savons que la population tient à ces services. Les enfants et les adolescents qui se trouvent dans les camps de PDIP et les bases de la UNMISS [Casques bleus] sont désoeuvrés et laissés pour compte, ce qui engendre des problèmes de sécurité pour eux-mêmes et pour les autres », a expliqué Mme Hammond.

Depuis la mi-décembre, sur les 200 000 enfants ciblés par le secteur, 110 463 reçoivent une éducation d’urgence. L’éducation est l’un des secteurs les moins financés au Soudan du Sud. À la date du 31 mai, la couverture des besoins en matière d’éducation était de seulement 32 pour cent (contre 53 pour cent pour le secteur de la santé et 74 pour cent pour celui du déminage). [ http://fts.unocha.org/reports/daily/ocha_R32sum_A1024___11_June_2014_%2803_00%29.pdf ]

« Les efforts [de financement] actuels sont insuffisants », a dit Mme Hammond, signalant que cela avait « de terribles conséquences sur les organisations en charge des services d’éducation d’urgence ».

Betty Gorle, coordonnatrice de la réponse d’urgence, du plaidoyer et des communications de Plan International, a déclaré à IRIN que le principal problème était la surcharge des écoles dans les régions non touchées par le conflit et les centres pour PDIP. « Lorsque nous nous sommes rendus dans l’école primaire de Gudele East à Juba en mars, il y avait près de 300 enfants dans une salle de classe et certains élèves écoutaient de l’extérieur », a-t-elle expliqué.

Elle a ajouté que le manque de financement était un problème majeur. « Par conséquent, les espaces d’apprentissage et les matériels d’éducation sont insuffisants pour répondre à la forte demande du secteur éducatif. »

D’après l’UNICEF, l’occupation des écoles par des groupes armés avait privé d’école environ 120 000 enfants dans les États d’Unity, du Nil supérieur, des Lacs, du Jonglei et de l’Équatoria-Central.

À Bentiu, les travailleurs humanitaires ont indiqué à IRIN que de fortes pluies avaient entravé l’accès à l’éducation qu’ils s’efforçaient de mettre en place.

« Les enfants veulent aller à l’école, mais à chaque fois que c’est inondé, ils ne peuvent pas apprendre dans de bonnes conditions et ne peuvent pas s’asseoir dans la boue. De nombreux enfants sont traumatisés », a dit à IRIN Henry Anyuol Nyieth, enseignant bénévole à Juba.

Même avant la mi-décembre, le Soudan du Sud présentait l’un des plus bas indicateurs de l’éducation dans le monde à cause de la guerre civile ; près de 1,3 million d’enfants d’âge scolaire - environ 50 pour cent des enfants - n’étaient pas scolarisés. En 2012, l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI) a indiqué que moins de deux pour cent de la population adulte du pays avaient terminé l’école primaire. [ http://www.odi.org.uk/sites/odi.org.uk/files/odi-assets/publications-opinion-files/7716.pdf ]

Dividende de la paix

Pourtant, des progrès importants ont été réalisés après l’accord de paix de 2005, ce qui a permis le retour d’un grand nombre de réfugiés. Selon un rapport de la Banque mondiale, également publié en 2012, 700 000 enfants supplémentaires ont été inscrits à l’école primaire entre 2005 et 2009. Un enfant du Soudan du Sud a maintenant 60 pour cent de chance de recevoir un enseignement, contre 40 pour cent il y a dix ans. [ http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2012/06/28/000333038_20120628035809/Rendered/PDF/705950PUB0EPI0067902B09780821388914.pdf ]

En mai, l’organisation World Vision, inquiète du recul des progrès accomplis, a déclaré qu’il fallait impérativement que les parties en conflit quittent immédiatement les écoles, afin de les laisser à la disposition des civils, conformément au droit international.

Dans un rapport intitulé Sounding the Alarm (Tirer la sonnette d’alarme), World Vision a déclaré que les organisations humanitaires devaient également renforcer l’accès à des espaces d’éducation d’urgence ouverts à tous et sûrs qui protègent les enfants et les jeunes touchés par le conflit. Elles doivent aussi les préparer à la vie active et leur apporter un soutien psychosocial. [ http://www.worldvision.org/sites/default/files/pdf/Sounding-the-Alarm.pdf ]

Un travailleur humanitaire d’une organisation non gouvernementale (ONG) internationale a déclaré à IRIN, sous couvert d’anonymat, que même dans des zones relativement sûres, les écoles sont toujours fermées, soit parce qu’il n’y a pas d’enseignant, soit parce que les parents hésitent à envoyer leurs enfants à l’école à cause de l’insécurité.

« Certains parents disent aussi craindre que les rebelles ou les soldats du gouvernement ne lancent de nouvelles attaques, y compris dans les écoles comme cela s’est produit dans certains établissements de santé. Ils ont très peur », a-t-elle dit.

Pourtant, les organisations humanitaires continuent d’envoyer des bénévoles convaincre les parents de laisser leurs enfants aller à l’école.

Dans le comté d’Awerial, par exemple, l’organisation Save the Children a mis en place trois espaces temporaires d’apprentissage de 23 salles de classe, tout en finançant 20 autres écoles à Akobo, scolarisant plus de 4 000 enfants. De son côté, Plan International a installé sept espaces temporaires d’apprentissage dans le comté. Cependant, les classes restent surchargées et accommodent parfois quatre fois plus d’élèves qu’elles ne peuvent en accueillir.