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Soudan du Sud : Mettre un terme à l’impunité

D 9 mars 2018     H 04:33     A     C 0 messages


Lettre ouverte

A l’intention des Représentants permanents des États Membres et Observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève.

23 février 2018

Objet : Renouveler et renforcer le mandat de la Commission sur les droits de l’Homme au Soudan du Sud afin de garantir la responsabilité des auteurs des violations flagrantes des droits humains et crimes connexes au Soudan du Sud

Madame, Monsieur,

Nous, soussignées, organisations non-gouvernementales nationales et internationales, vous écrivons pour appeler votre délégation à renouveler et renforcer le mandat de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud (la Commission) lors de la 37ème session du Conseil des Droits de l’Homme (CDH) en mars 2018. Il est primordial que la Commission continue son travail crucial de collecte et conservation des preuves des violations flagrantes des droits humains, abus et crimes connexes, et de désignation des responsables en vue de mettre ces derniers en cause et de mettre fin à l’impunité. Le CDH doit aussi renforcer la résolution pour rendre explicite le fait que le mandat de la Commission inclut l’identification des responsables, en vue de futures poursuites judiciaires.

La guerre civile a éclaté le 15 décembre 2013 à Juba, puis s’est propagée rapidement au nord et à l’ouest du pays. Dès fin 2015, le conflit avait gagné la région d’Equatoria au sud. Malgré la signature d’un traité de paix en août 2015, d’importants combats ont repris en juillet 2016, lors d’affrontements à Juba qui ont opposé l’Armée Populaire de Libération du Soudan (APLS) et les soldats de l’opposition, entraînant des pertes en vies humaines, des pillages de biens et de nouveaux déplacements.

Selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), plus de 4 millions de Soudanais du Sud ont été déplacé depuis 2013, parmi lesquels 1,9 millions de déplacés internes. Pendant la seule année 2017, 700 000 réfugiés sud-Soudanais ont fui vers les pays voisins. OCHA fait aussi état de 7 millions de Soudanais du Sud ayant besoin d’assistance et de protection.

Après la visite de la Commission en décembre 2017, le Commissaire Clapham a exprimé son inquiétude face à l’augmentation des violations et des abus, y compris les violences sexuelles, commis à l’encontre des Soudanais du Sud. Il a souligné queles « atrocités et les violations ne se limitent plus à quelques parties du Soudan du Sud, mais se produisent partout dans le pays »

Les commissaires ont renouvelé leur appel pour que les auteurs des violations généralisées des droits humains soient traduits en justice. La commissaire Yasmin Sooka a souligné la nécessité d’établir immédiatement le Tribunal mixte, et la Commission Vérité, Réconciliation et Guérison. Bien que, le conseil des ministres du Soudan du Sud aurait approuvé le statut d’un Tribunal mixte, ainsi que le mémorandum of understanding (MoU) du Gouvernement avec l’Union Africaine, le gouvernement sud-soudanais n’a toujours pas pris de mesures supplémentaires pour rendre le Tribunal opérationnel.

Les acteurs régionaux ont également exprimé leurs insatisfactions et inquiétudes au sujet des violations continues des droits humains et du droit international humanitaire. En janvier, l’Autorité Intergouvernementale pour le Développement (IGAD) a exprimé sa frustration face à l’échec des parties de respecter l’Accord de cessation des hostilités, de protection des civils, sur l’accès humanitaire et face aux violations des droits humains et du droit international humanitaire commises par les parties. Le conseil des ministres de l’IGAD s’est résolu à « prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des sanctions ciblées, à l’encontre des individus violant et perturbant l’accord de paix ».

De plus, à l’occasion de la 30ème session ordinaire du sommet de l’Union Africaine (UA), le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, a réitéré le soutien de l’UA à l’IGAD à propos de l’imposition de sanctions aux leaders qui violent les accords de cessez-le-feu. « Au Soudan du Sud, comment ne pas répéter que l’on ne peut pas comprendre la violence insensée que les belligérants infligent, avec une cruauté indescriptible, à une population qui a trop souffert. Le temps est venu d’imposer des sanctions à ceux qui entravent la paix ». Le 2 février 2018, les États-Unis ont imposé unilatéralement au pays un embargo sur les armes.

Compte-tenu des violences continues, en l’absence d’un autre mécanisme international pour surveiller et documenter les violations et abus des droits humains, et en attendant la mise en place et le fonctionnement opérationnel du Tribunal mixte, le rôle de la Commission est vital. En outre, la Commission pourrait s’avérer nécessaire même en présence d’un Tribunal mixte. Nos organisations exhortent le CDH à prendre des mesures fortes et utiles lors de la 37ème session afin de renforcer le mandat de la Commission, et lui permettre de soutenir l’accès à la justice, à la vérité, et aux réparations pour les victimes des violations graves des droits humains perpétrées au Soudan du Sud.

Nous appelons les Etats Membres du CDH à adopter une résolution qui :

 Renouvelle le mandat de la Commission afin d’enquêter de manière indépendante sur les allégations de violations des droits humains et du droit international humanitaire, de recueillir et conserver les preuves des violations flagrantes des droits humains, abus et crimes connexes, avec une attention particulière portée aux crimes sexuels et basés sur le genre, et aux attaques et représailles à l’encontre des défendeurs des droits humains, et de désigner des responsables en vue de mettre ces derniers en cause et afin de mettre fin à l’impunité ;
 Renforce le langage sur la question de la responsabilité, afin de rendre explicite dans le mandat de la Commission l’identification des individus responsables, en vue de futures poursuites ;
 Exhorte le gouvernement du Soudan du sud à autoriser et faciliter l’accès de la Commission à tous les lieux et personnes d’intérêts ;
 Demande que le rapport de la Commission soit transmis à la Commission de l’UA, afin de soutenir et d’éclairer les futures enquêtes du Tribunal mixte pour le Soudan du Sud, et au Conseil de Sécurité des Nations-Unies pour examen et action supplémentaire ;
 Encourage l’UA à prendre des mesures immédiates pour mettre en place le Tribunal mixte pour le Soudan du Sud, conformément aux recommandations de la Commission d’enquête sur le Soudan du Sud, et comme prévu par l’accord de paix de 2015.
 Exhorte tous les États à encourager de nouvelles mesures concrètes pour prévenir toute nouvelle escalade de la violence et du conflit, et pour dissuader et répondre aux violations continues des droits humains et du droit international humanitaire au Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ces questions urgentes, et vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’assurance de notre respectueuse considération.

 1. African Centre for Democracy and Human Rights Studies (The Gambia)
 2. Association for Human Rights in Ethiopia
 3. Burundian Coalition of Human Rights Defenders (CBDDH)
 4. CIVICUS
 5. Community Empowerment for Progress Organisation (South Sudan)
 6. DefendDefenders (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)
 7. End Impunity Organisation (South Sudan)
 8. Eritrean Law Society
 9. Eve Organisation for Women Development (South Sudan)
 10. Global Centre for the Responsibility to Protect
 11. Global Society Initiative for Peace and Democracy (South Sudan)
 12. Human Rights Centre Somaliland
 13. Human Rights Watch
 14. International Federation for Human Rights (FIDH)
 15. International Refugee Rights Initiative
 16. International Service for Human Rights (ISHR)
 17. International Youth for Africa (South Sudan)
 18. Pan African Human Rights Defenders Network
 19. South Sudan Christian Community Agency
 20. South Sudan Human Rights Society for Advocacy
 21. South Sudan Law Society
 22. Tanzania Human Rights Defenders Coalition
 23. West African Human Rights Defenders Network (Togo)
 24. Women Monthly Forum (South Sudan)