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Burkina Faso : analyse de la crise par l’UNIR/PS

D 27 mai 2011     H 12:43     A     C 0 messages


Le Burkina Faso depuis le mois de février dernier traverse une crise militaire et sociale sans précédent. Cette crise a occasionné, des pertes en vies humaines, des casses et des pillages. C’est cette situation qui a amené certains partis de l’opposition à demander le départ du Président du Faso, Blaise Compaoré à travers un meeting le samedi 30 avril 2011. De ces partis politiques figurent l’UNIR-PS dont le président n’est autre que Me Bénéwendé Stanislas Sankara, chef de file de l’opposition. Il fut le premier à jeter le pavé dans la mare en parlant de vacance de pouvoir. Nous l’avons rencontré pour parler du meeting et des mesures prises par le gouvernement pour apaiser les cœurs. La rédaction de l’hebdomadaire Bendré


Le Burkina Faso vit actuellement une crise. Quel commentaire faites-vous des mesures prises par les autorités du pays ?

Je ne pense pas qu’il y ait des mesures dans une crise comme celle-là qui puissent être des solutions à travers ce que j’ai vu et entendu, qui se résument principalement à la suppression, j’allais dire, du « youré » de la TDC. De facto elle n’existait pas. Beaucoup de citoyens refusaient même de la payer. Ensuite un rabattement de l’UITS de 10%. Je ne pense pas que ça puisse véritablement influer sur le salaire quand on sait que les revendications des travailleurs notamment les syndicats consistaient à obtenir une augmentation de salaire et subséquemment à la cherté de la vie. Sur les franchises académiques, la police universitaire a été supprimée. Je pense que ça ne joue pas véritablement sur la crise à l’université. Maintenant, il y a des négociations pour voir parmi la dizaine de produits annoncée, est-ce qu’il peut y avoir une subvention de l’Etat de façon à ce que ces produits soient accessibles aux burkinabè. C’est pourquoi nous avons parlé de promesses douteuses parce qu’elles sont toujours à la table de négociation. Si vous faites allusion à ces mesures, je ne vois pas en quoi ça peut nous sortir de la crise. Maintenant il y a eu des mesures politiques, la dissolution du gouvernement trois mois après une élection présidentielle. Cela dénote de la gravité et de la profondeur de la crise. Et bien sûr, il y a eu ce que Jérôme Bougouma a appelé la crise du commandement qui n’est ni plus ni moins que le reflet du manque de cohésion dans l’armée. Quand dans l’armée il n’y a pas l’unité, c’est le reflet d’une crise institutionnelle. C’est également la preuve que l’Etat en tant que tel n’existe plus, il n’a plus d’autorité. C’est pourquoi nous avons assisté à des actes de vandalisme comme le saccage des biens, le viol des femmes et aujourd’hui vous avez, par exemple, les meilleurs élèves qui prennent des balles dans les cerveaux. C’est ça qui m’amène à dire que ce ne sont pas des mesures qui tendent à nous sortir de la crise. C’est plutôt ridicule, il faut avoir le courage de le dire. La crise est structurelle, beaucoup d’observateurs aussi le disent et « aux grands maux, les grands remèdes » !

Effectivement, vous dites que la crise est profonde et c’est dans cet esprit que les 34 partis de l’opposition ont organisé un meeting (ndlr samedi 20 avril 2011) pour demander le départ de Monsieur Blaise Compaoré. Apparemment la mobilisation n’était pas forte. Est-ce votre constat ?

Ce n’est pas mon constat, parce que je ne sais pas ce qu’on entend par forte mobilisation.

Le parti au pouvoir le CDP, à travers Jérôme Bougouma, a affirmé qu’il n’y avait pas beaucoup de monde, que cela prouve que le peuple aime son président et qu’il n’y a pas de vacance de pouvoir. Qu’en pensez-vous ?

C’est au peuple de juger. Moi je suis un élément du peuple. Les 34 partis de l’opposition qui ont pris la décision suite à deux assemblées générales ne sont pas en dehors du Burkina. Beaucoup de partis suivent l’évolution du contexte politique depuis 20 ans. Il y a des partis nés au retour de l’Etat de droit, particulièrement les événements du mois de février dernier avec la mort de l’élève Justin Zongo. Les 34 partis se sont régulièrement retrouvés pour apprécier l’évolution de la situation. Et nous sommes arrivés à une prise de position unanime et consensuelle qui est de demander le départ de Monsieur Blaise Compaoré, de faire un meeting. Je crois que « meeting » est un mot anglais qui veut dire simplement une rencontre. Nous avions rencontré nos militants pour leur dire de vive voix ce que nous pensions. On aurait pu le faire sous forme de conférence de presse, de tracts, mais on a préféré cette voie de rencontrer nos militants à la Place de la nation. Je précise que c’était un meeting d’information et nous avons déposé les documents administratifs nécessaires, nous avons eu les réponses et le meeting s’est tenu en toute légalité.

Mais est-ce que vous pensez qu’une telle initiative peut faire partir le président du Faso ?

Je ne sais pas. Nous sommes des partis politiques et nous travaillons chacun en ce qui le concerne en fonction de sa sensibilité politique, de son idéologie et de ses méthodes. Le chef de file n’est que le porte-parole attitré des partis politiques. Si vous prenez ceux qui prônent le putsch où le coup d’Etat et qui ont les armes, ils feront par exemple un coup d’Etat. Mais pour un parti politique, la conquête du pouvoir d’Etat obéit à un certain nombre de normes et de méthodes. C’est comme si vous demandez est-ce qu’un journaliste peut à travers sa plume ou son micro faire partir le chef de l’Etat, qui est armé et qui a un Régiment de sécurité présidentielle, il peut au moins le faire fuir ne serait-ce qu’une nuit ou deux.

Pensez-vous que le moment est indiqué pour demander au président du Faso de partir parce que certains partis de l’opposition avaient demandé le report de la manifestation ?

Vous m’informez à ce sujet. Un parti d’opposition qui est venu demander le report, je ne vois pas, à moins que vous ne me donniez l’information.

On a vu notamment Me Hermann qui s’était prononcé par rapport à cette initiative et qui ne comptait pas trop s’y mêler.

Ah ! Il faut respecter la loi et ici au siège du chef de file de l’opposition, les partis politiques qui ont fait leur déclaration officielle d’appartenance à l’opposition sont les partis qui respectent la loi sur le statut de l’opposition. Aujourd’hui, si on tient compte de l’espace institutionnel conformément à la légalité, tout parti politique de l’opposition doit faire cette déclaration. Je n’ai pas connaissance dans les 34 partis déclarés qu’il y ait un parti UNDD dont le président serait Me Hermann Yaméogo.

Vous dites dans votre déclaration du 30 avril qu’on ne devrait pas se tromper de cible et que le problème c’est Blaise Compaoré. Comment vous définissez ce Blaise Compaoré aussi fort et problématique, un homme ou un système ?

C’est comme si aujourd’hui vous me demandez de définir Ben Laden. Même mort les ambassades de certains pays occidentaux sont obligées de renforcer leur système de sécurité. Est-ce que Blaise Compaoré c’est le système ? Quelqu’un nous avait dit qu’il y a la ‘‘Compaorose’’. Je ne veux pas être un étudiant en politologie pour rentrer dans des schémas et dans les stéréotypes. Moi je dis que Monsieur Blaise Compaoré a aujourd’hui façonné notre pays à son image et nous estimons qu’il est devenu l’obstacle de tout le processus démocratique. Voilà pourquoi nous avons exigé son départ parce que je pense qu’il a roulé tout le monde depuis la profonde crise de 1998. Les gens n’ont plus confiance à ce qu’il dit. La preuve, il a créé lui-même un collège de Sages à un moment où beaucoup de citoyens étaient dubitatifs et quand les recommandations sont tombées, les gens se sont mis d’accord en disant « oui », ça peut nous amener à sortir de la crise et à aller plus en profondeur dans la démocratie. Il a récupéré des deux mains ce qu’il a donné d’une main. Si nous mettons Monsieur Blaise Compaoré de côté pour parler de système qui ne serait pas véritablement le système à lui, est-ce qu’on ne se trompe pas de combat aussi ? Parce qu’en ce moment on va nous envoyer à l’analyse du contexte international, de l’impérialisme tentaculaire alors que le mal est tout juste à côté. C’est Blaise Compaoré qui a façonné le Burkina Faso à l’image de l’impunité, de la corruption, du clientélisme, de la confusion des pouvoirs. Quand les magistrats ne peuvent plus véritablement rendre justice, c’est un ministre de Blaise Compaoré que sort dire que ce sont des magistrats acquis et de se dire que c’est normal. Donc le système n’est pas en dehors de celui qui veut s’éterniser au pouvoir. Mais s’il y avait une alternance démocratique comme nous le souhaitons, je pense que le citoyen aurait plus confiance aux gouvernants qui seront jugés en fonction de ce qu’ils font pour les populations. C’est ce que nous souhaitons. Si monsieur Blaise Compaoré est là, c’est sûr et certain que, c’est une nomenclature qui se renforce et cela détruit tout le processus démocratique. C’est une négation des acquis de nos libertés et de la démocratie. Vous avez vu qu’il s’est donné le portefeuille de la défense, d’autres hommes de tenue sont rentrés dans le gouvernement avec le retour du tristement célèbre Djibril Bassolet que moi personnellement je ne peux pas oublier, pour avoir été rasé pendant qu’il était ministre de la Sécurité. Est-ce que vous ne pensez pas que pour s’attaquer à un mal il faut poser un diagnostic ? En faisons notre diagnostic, nous pensons que le premier mal dans ce pays-là est celui qui est arrivé au pouvoir par les armes et qui pense être démocrate.

A vous entendre, il n’y a pas autre solution que le départ du président Compaoré. Et si votre initiative comme le meeting du 30 avril n’a pas d’effet et que le président est encore là ! Quel autre acte poserez-vous encore pour y arriver ?

Suivez-nous. Personne n’aurait cru que 34 partis de l’opposition toutes tendances confondues arriveraient un moment à dire de façon unanime voilà un mot d’ordre : « Blaise dégage ». Qui aurait cru à cela il y a deux mois de cela ? Mais on y est arrivé, nous partons à notre rythme. On a eu toutes les volées de bois vert quand on a osé dire « Blaise dégagé » que ce soit les gens du pouvoir ou autres. Aujourd’hui en tout cas, nous savons désormais qui sont nos ennemis et nos adversaires politiques.

Est-ce que vous pensez que le meeting du samedi a eu un effet au niveau du pouvoir en place ?

Je pense oui ! Très sincèrement je crois que ça a eu un effet. D’abord, en amont, tout ce qui a été développé comme batterie de mesures pour que le meeting n’ait pas lieu. Je crois qu’il faut saluer le courage, la ténacité de ceux qui sont sortis. Ce n’est pas la démocratie qu’on vienne vous dire officiellement que c’est le gouvernement qui a demandé qu’on arrête les sms. Vous avez vu l’action des militaires dans les artères. Les décisions par sms, par exemple, de fermer les établissements, ça aussi vous avez suivi. L’impact c’est ce qui a été à la cause de cela. Pourquoi le gouvernement panique tant ? Je pense qu’aujourd’hui il ne s’agit pas de juger l’opposition à travers le meeting du 30 avril. Il faut juger l’opposition à travers sa conviction qui est qu’il faut un changement. S’il n’y a pas de changement, nous serons pratiquement dans un goulot d’étranglement parce que les propositions qui seraient faites, si c’est pour duper la démocratie, ne nous avancent pas et tout opposant l’exprime d’une manière ou d’une autre. Cela peut être sous forme d’un meeting, à travers la plume, à l’Assemblée ou nous avons des députés, ça peut être dans les conseils municipaux et ça peut être aussi à travers ceux qui utilisent facebook pour appeler les gens à manifester autrement. C’est ça aussi la démocratie.

La lutte engagée s’inscrit dans quelle durée ?

Dans quelle durée ? Moi je ne sais pas. Si Blaise est là et que le peuple burkinabè pense que c’est Blaise qui doit être là, il n’y a aucun problème.

Vous avez dit sur les antennes de RFI que l’opposition burkinabè « c’est la résistance du peuple burkinabè » et vous dites que si le peuple veut qu’il soit là.

Vous me rejoignez maintenant dans mon analyse. L’UNIR – PS a sa conviction qui est que l’alternance ne se fait pas seulement à travers les urnes, ça c’est notre conviction. L’alternance peut se faire aussi par la rue, par la désobéissance civile mais nous sommes des légalistes. Et nous avions dit que pour créer les conditions objectives et subjectives d’un changement, c’est avec tout le peuple. Voilà pourquoi dans notre parti nous disons « Pas un pas sans le peuple ». Si aujourd’hui avec cette crise le peuple estime que Blaise doit partir pour qu’il y ait véritablement une avancée de la démocratie, c’est au peuple de prendre ses responsabilités. Ce n’est pas à Me Sankara.

Votre message à l’endroit de la population burkinabè ?

D’abord, je voudrais féliciter cette population qui a compris notre message. Les gens nous ont présentés comme des casseurs, des gens violents. On a même dit qu’on faisait le meeting pour brûler le pays. Dieu merci, aucune ampoule ne s’est cassée. Ça montre jusqu’où nous sommes convaincus, déterminés et disciplinés. C’est ce type de combat qui peut nous amener à aller loin. Nous voulons des gens conscients, qui savent ce qu’ils font, qui savent où ils mettent les pieds et qui sont déterminés à gagner des victoires. Ce n’est pas venir, parce qu’on est dans l’opposition, croire qu’on peut faire véritablement toute la pagaille. Nous avons été de cœur avec les différents responsables des partis politiques, en tout cas, jusqu’au bout de notre logique pour démontrer notre maturité politique et dire que c’est un début d’une autre forme de lutte que l’opposition a engagée. Nous pensons la mener comme nous pouvons avec détermination, abnégation et jouer notre partition. Moi je suis un militant de l’UNIR – PS et c’est cette philosophie politique que nous défendons à travers notre parti politique et nous partageons notre expérience avec les autres partis politiques qui ont accepté de travailler à visage découvert comme étant des opposants ayant des droits, des obligations, mais aussi des devoirs. Donc mon message, c’est une fois de plus appeler les gens à se mobiliser, à se déterminer parce que la lutte ne devrait pas se mesurer à l’aune d’un meeting d’un matin mais se mesurer à l’aune de notre mobilisation dans tous les secteurs, les villages, les départements, les communes, les provinces, les régions.

Propos recueillis par Akim Amazebo & Nibel Ché

Source : Bendré N° 642 du 7 mai 2011

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