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Burkina Faso : ONEA ET SONABEL, les rescapées des privatisations !

D 21 juillet 2010     H 17:21     A Attac Burkina     C 0 messages


De 1991 à 2010, le Burkina Faso s’est illustré comme étant l’un des bons élèves sous régionaux, voire continentaux, en ce qui concerne la mise en application stricte des PAS (Programmes d’ajustement structurel). En plus du retrait progressif de l’Etat des secteurs sociaux de base comme l’éducation et la santé, la mise en œuvre de ces programmes a également concerné la privatisation d’environ 27 entreprises issues du maigre tissu industriel de notre pays. Les premières séries de privatisation ont concerné des entreprises comme X9 (société de transport urbain), FASOTEX (ex FASO FANI), etc. Cette première phase de privatisation des entreprises paraétatiques a, par la suite, été suivie d’une seconde série de privatisation d’entreprises dont la plus médiatisée et la plus impopulaire fut celle de l’Office Nationale des Télécommunications (ONATEL) racheté par le groupe français Vivendi sous la couverture de Maroc Télécom. Le troisième lot d’entreprises à privatiser, au plus tard en 2011, concernait principalement l’ONEA, la SONABBHY et la SONABEL.

ATTAC Burkina avait, comme il est de coutume depuis sa date de création, manifesté son opposition contre ces types de privatisations exécutées sous pression et sous bonne escorte du FMI et de la Banque mondiale. Il avait également interpellé le gouvernement burkinabè sur la gravité des crises socioéconomiques que ces privatisations pouvaient engendrer dans notre pays. Dans un article intitulé "Stoppons l’hémorragie : ONEA, SONABEL" et publié sur Internet , ATTAC Burkina avait, en effet, pris une position contre cette troisième vague de privatisation de nos entreprises stratégiques restantes, parce que les précédentes avaient non seulement freiné l’essor de notre économie nationale, mais s’étaient également soldées par entre autre :
le renforcement de la vulnérabilité du Burkina Faso vis-à-vis des pays du Nord en général, et de leurs multinationales en particulier ;
les compressions massives d’employés et la non sécurisation des emplois par les nouveaux repreneurs de la plupart des entreprises privatisées ;
l’augmentation des coûts des biens et services offerts par les nouveaux repreneurs.

La Banque mondiale refusait un allégement de la dette de 600 millions de dollars à la Bolivie au cas où elle ne privatiserait pas son système de distribution d’eau. Cédant aux pressions et chantages, les autorités de Cochabamba, la troisième ville de ce pays d’Amérique latine, signèrent en septembre 1999 avec Aguas del Tunari, un consortium international contrôlé par la société américaine Bechtel, un contrat de 2,5 milliards de dollars aux termes duquel elles lui confiaient la gestion du réseau de distribution d’eau de la ville pour une durée de 40 ans. Par la suite, les factures d’eau des ménages augmentèrent de 35% un mois après la signature du contrat, tandis que le service demeurait généralement sporadique avec moins de quatre heures de distribution quotidienne d’eau dans certaines parties de la ville. Dans un contexte burkinabè actuellement marqué par des délestages permanents (dont il faudra chercher les causes dans la gestion interne au lieu de se dédouaner à peu de frais en culpabilisant l’extérieur) et la rareté de l’eau potable, nous demeurons convaincus du fait que la privatisation aurait été une belle occasion pour l’Etat et les repreneurs éventuels de l’ONEA et de la SONABEL de procéder à :
l’augmentation des coûts des biens et services offerts par ces deux entreprises ;
l’utilisation des taxes payées par le contribuable burkinabè pour entretenir les infrastructures de production de ces deux entreprises afin de permettre aux repreneurs de maximiser leurs profits.

Trois ans après la publication de notre article, l’évolution du contexte financier mondial a fini par nous donner raison. La crise financière de l’an 2008 a, en effet, montré que les donneurs traditionnels de leçons, avec à leur tête les USA, ne sont pas aussi neutres, comme ils le prétendent, dans le jeu économique qu’ils ont conçu et qu’ils tentent de mettre en application à l’échelle planétaire. Face à cette crise, les pays dits développés n’ont pas hésité à dépenser des centaines de milliards de dollars et d’euros pour sauvegarder leurs entreprises stratégiques et leur éviter de faire faillite. Tout en imposant à des pays appauvris comme le Burkina Faso de ne pas subventionner leurs paysans, ces mêmes pays continuent, quant à eux, de subventionner leurs producteurs issus de divers secteurs ayant un lien avec l’agriculture. Nous avons en mémoire la subvention accordée à coût de milliards de dollars aux cotonculteurs des USA pendant que l’Organisation Mondiale du Commerce interdit toute subvention aux cotonculteurs du Sud.

Après avoir été pendant longtemps l’un des principaux bons élèves de la Banque mondiale et du FMI durant ces deux décennies, le gouvernement du Burkina Faso a, selon notre entendement, pris acte du non respect des conventions signées par ces Etats du Nord et a décidé, à l’issue de la tenue du conseil des ministres du 10 mars 2010, de retirer l’ONEA et la SONABEL de la liste des entreprises à privatiser. ATTAC Burkina apprécie cette décision et adresse ses félicitations et remerciements à l’ensemble des organisations de la société civile qui ont œuvré à ce que ces deux entreprises ne soient pas, comme tant d’autres liquidées ou exposées aux caprices et aux diktats des multinationales. Bien que satisfait de cette nouvelle orientation gouvernementale, ATTAC Burkina estime toutefois que "c’est bien, mais c’est pas arrivé" pour trois raisons essentielles :

la première se résume au fait que la non privatisation des secteurs stratégiques de l’économie burkinabè ne doit pas se limiter seulement à l’ONEA et à la SONABEL. Elle doit également s’étendre à des mastodontes de l’économie nationale comme par exemple la SONABHY, le BUMIGEB (Bureau des mines et de la géologie du Burkina), les aéroports internationaux de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, le Centre de contrôle des véhicules automobiles (CCVA), etc.

la seconde inquiétude d’ATTAC Burkina est, quant à elle, relative à la question des tarifs de l’eau et de l’électricité appliqués respectivement par l’ONEA et la SONABEL. En dépit de la bonne santé financière de ces deux entreprises (il paraîtrait que c’est aussi pour cette raison qu’elles ont été retirées de la liste des sociétés à privatiser), la grande majorité des ménages affaiblis par le contexte de vie chère éprouve de plus en plus de difficultés à honorer les factures de l’eau et de l’électricité qui, du reste, sont classées parmi les plus élevées au niveau mondial.

la troisième raison, enfin, prend en compte le type de gestion qui veut être appliqué à l’ONEA et à la SONABEL. Bien qu’appréciant la décision du gouvernement de retirer ces deux sociétés de la liste des entreprises à privatiser, ATTAC Burkina demeure cependant très préoccupée, voire inquiète, vis-à-vis de la "gestion de type privé assortie d’un contrat de performance" que l’Etat veut leur appliquer. Face au caractère flou de cette dernière proposition, ATTAC Burkina tient, avant de conclure, à :
interpeller nos gouvernants sur la nécessité de renoncer à la "gestion de type privé assortie d’un contrat de performance" qu’ils veulent expérimenter avec l’ONEA et la SONABEL ;
inviter les organisations de la société civile à se mobiliser et à demeurer vigilantes afin que le peu d’entreprises qu’il nous reste ne passe pas sous le contrôle exclusif des multinationales étrangères et des privés locaux véreux.

ATTAC BURKINA
Le bureau exécutif