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Le Burkina Faso fête les 50 ans de son indépendance

50 ans sans véritable politique agricole et alimentaire, c’est long !

D 28 décembre 2010     H 04:11     A Maurice Oudet     C 0 messages


Ce samedi 11 décembre, le Burkina Faso est en fête : il fête ses 50 ans d’indépendance. Le Burkina est en fête, mais qu’en est-il des burkinabè ? Sans doute la ville de Bobo-Dioulasso est en fête, elle qui accueille les festivités de cet aniversaire. Mais qu’en est-il dans les villages ?

Il est probable que dans les villages, cette fête passe inaperçue. Dans les zones cotonnières, ils continueront à récolter le coton. Les autres prépareront la fête de Noël ou la fête des récoltes, voire la fête du nouvel an qui prend chaque année un peu plus de place dans le monde rural.

Mais la véritable question est celle que posait, il y a deux ans, M. Mahourou Kanazoe dans le quotidien burkinabè « Le Pays » en août 2008 : « A quoi sert l’indépendance quand on a faim ? »

L’auteur s’exprimait quand la crise de la vie chère était encore dans tous les esprits. Il écrivait : « Et voilà posée, dans toute sa cruauté, la question de la souveraineté alimentaire. Quelle fierté les Etats africains ont-ils à célébrer 48 ans (aujourd’hui, il s’agit des 50 ans ! - ndlr) d’indépendance quand ils ne sont pas en mesure de nourrir leurs populations ? …/… On a ainsi vu, au début de cette campagne agricole, une mobilisation jamais égalée autour de la question agricole. Que va donner ce branle-bas de combat bien tardif ? Sans doute ne faut-il pas s’attendre à un miracle. Ce n’est pas en une saison qu’on rattrapera les errements des années passées. Il faudra recadrer les politiques agricoles, en rationalisant les stratégies et les moyens, au service des produits vivriers. »

De fait, le miracle n’a pas eu lieu. Les politiques agricoles n’ont pas été recadrées. La Confédération Paysanne, qui a fait 7 propositions à l’occasion de la vie chère, n’a pas été entendu. Nous les avons publiées en son temps (6 juin 2008). A mon sens, elles sont toujours valables. Aussi, nous les publions à nouveau. Au nombre de sept, elles se résument à un soutien consistant au secteur de l’agriculture et précisément aux producteurs.

Le développement du Burkina passera par celui de son agriculture Les paysans burkinabè (décembre 2005) réclame la souveraineté alimentaire

1) L’accroissement de l’investissement dans le secteur agricole

Au Burkina Faso, le niveau actuel d’investissement dans le secteur de l’agriculture doit être revu à la hausse et orienté vers les productions alimentaires. Un effort doit être fait pour consacrer au moins 10% net du budget national à l’agriculture, conformément à la décision AU/Déc. 61 (IV) prise au cours de la 4e session de la Conférence des chefs d’Etat de l’Union africaine à Maputo (Mozambique). Nous parlons bien d’un investissement direct pour financer des activités agricoles au profit des producteurs et non des dépenses de fonctionnement des ministères en charge des questions agricoles.

2) L’accès aux intrants, aux équipements agricoles et aux produits vétérinaires

Les intrants, les équipements agricoles et les produits vétérinaires sont des facteurs importants d’accroissement de la production agro-sylvo-pastorale. Or, au Burkina Faso, l’accès à ces facteurs traduit la grande souffrance des producteurs. Malgré certains avantages fiscaux accordés (concernant la subvention des tracteurs et motopompes), les intrants agricoles (engrais, semences, pesticides, produits zootechniques, etc.), les tracteurs et les motopompes ne sont pas à la portée des petits agriculteurs qui, jusque-là, ont produit 45% des richesses du pays. La facilitation de l’accès aux intrants doit commencer avec l’opération « 700 tracteurs » lancé par le gouvernement. La CPF encourage l’Etat à mettre le matériel à la disposition des organisations paysannes sous forme de coopératives d’utilisateurs de matériel afin de le rendre plus accessible au plus grand nombre. Au sujet des intrants toujours, un système de centrale d’achat des engrais se doit d’être envisagé et assorti d’un mécanisme de contrôle systématique pour veiller sur la qualité des engrais importés.

3) La disponibilité du crédit agricole

La disponibilité du crédit agricole s’entend par la baisse du taux d’intérêt qui est actuellement de deux chiffres, à un chiffre (7%) comme dans certains pays de la sous-région. Cette disponibilité passe également par la suppression de la TVA sur le crédit agricole et la mise en place de mécanismes adaptés à l’investissement agricole (conditions de garanties) et de penser à la garantie des risques liés aux activités de production et de commercialisation des produits agricoles.

4) Le rétablissement du système d’appui/conseil

Le démantèlement du système d’appui/conseil intervenu à la faveur du Programme d’ajustement structurel (PAS) a été d’une grande fatalité pour les producteurs burkinabè. Abandonnés à eux seuls, les producteurs perdent progressivement leurs capacités, tâtonnent dans les systèmes de production et se butent finalement à la baisse de la productivité. Pour parer à cette éventualité, l’Etat doit réinventer un système d’appui/conseil aux producteurs essentiellement basé sur l’appui aux filières agricoles et en concertation avec les organisations paysannes et d’autres acteurs de terrain.

5) Accompagner franchement la commercialisation des produits agricoles

Pour permettre à chaque producteur de maîtriser sa filière d’amont en aval et pour permettre aux consommateurs d’accéder en permanence à la nourriture, l’Etat doit s’impliquer dans la commercialisation en facilitant la mise en place de circuits de distribution, en instaurant un prix minimum garanti et en assurant une meilleure jonction entre la production et le marché. Cette solution paysanne est possible dans la mesure où elle rejoint les propos d’un haut responsable du FMI qui pense que la résorption de la crise actuelle passe en bonne partie par un interventionnisme étatique dans les différentes économies nationales.

6) La protection du marché des produits agricoles et la promotion de l’intégration régionale

Depuis 2002 et dans un élan de visionnaire, la CPF a toujours signalé le danger d’ouvrir nos frontières à des produits agricoles subventionnés à l’exportation. Même compétitifs à court terme, nous assurions qu’à long terme, ces importations allaient mettre à rude épreuve la souveraineté alimentaire au Burkina et en général en Afrique de l’Ouest. L’histoire et la crise nous donnent raison et nous permettent de saisir une opportunité pour inviter le gouvernement à accorder non seulement la priorité à la production, à la transformation et à la consommation des produits locaux, mais aussi à mettre l’accent sur sa participation à la construction de l’intégration ouest-africaine. Espace par excellence de production agro-sylvo-pastorale et d’écosystèmes diversifiés, l’Afrique de l’Ouest dispose d’un marché qui, fondé sur les complémentarités écologiques, facilitera les échanges de produits agricoles entre les Etats et garantira surtout une sécurité alimentaire durable à 255 millions de consommateurs.

7) La méfiance à l’égard des agro-carburants

A l’heure où les agro-carburants sont identifiés comme partie intégrante des causes de la vie chère dans le monde, on constate qu’une faction de Burkinabè manifeste un engouement à l’endroit du jatropha. Elle encourage les producteurs à cultiver massivement cette plante et pense qu’elle peut réduire la pauvreté. La CPF recommande à tous les producteurs de la prudence et propose qu’une étude d’impact des biocarburants sur les ménages ruraux et sur l’environnement soit commanditée. »

Et le président DAO Bassiaka de conclure : « En conclusion, les paysannes et paysans du Burkina tiennent et croient en ces mesures. Ils fondent l’espoir de les voir appliquer par l’Etat, les opérateurs économiques, les commerçants et les consommateurs. Elles sont incontournables pour assurer une souveraineté alimentaire au Burkina Faso où l’agriculture reste le principal moteur du développement. »

Le 16 octobre dernier, le ministre de l’agriculture, Laurent Sédégo, promettait « Très bientôt, nous ferons les états généraux de l’agriculture et de la sécurité alimentaire au Burkina Faso pour que l’ensemble des acteurs se donnent la main afin que nous puissions définir les voies et moyens pour atteindre très rapidement cette sécurité alimentaire ».

Nous attendons avec impatience ces « états généraux de l’agriculture et de l’alimentation . Avec la Confédération Paysanne du Faso, nous pensons que nous avons un besoin urgent « d’une véritable politique agricole et alimentaire » basée sur la pleine reconnaissance de la souveraineté alimentaire du Burkina Faso et de la CEDEAO.

Koudougou, le 11 décembre 2010

Maurice Oudet

Président du Sedelan

Source : abcBurkina