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Côte d’Ivoire : Amnesty international craint des représailles de « grande envergure » contre les partisans de Gbagbo

D 3 avril 2011     H 18:50     A     C 0 messages


L’avancée des Forces républicaines, fidèles à Alassane Ouattara, s’accompagne de graves violations des droits de l’homme s’inquiète Amnesty international. Selon l’organisation de défenses des droits humains, certains des actes commis par les hommes armés des deux camps, en particulier les Forces pro-Ouattara, sont des crimes de guerre. Salvator Saguès, un des responsables Afrique d’Amnesty international répond aux questions de RFI.

Salvator Saguès : Les deux camps se sont livrés à des exactions extrêmement graves. Du côté des partisans de Laurent Gbagbo, des jeunes patriotes ont continué aux barrages d’arrêter des gens et, dans certains cas, à mettre le feu à des personnes à qui on avait préalablement mis un pneu autour du cou parce qu’on les considérait comme des dioulas, donc des étrangers, donc des rebelles.

Et du côté des Forces nouvelles, qui s’appellent maintenant les Forces républicaines, il s’est passé des choses extrêmement graves, notamment dans l’ouest du pays où Amnesty international, qui a une délégation sur place actuellement, a enquêté, notamment à Duékoué, une ville qui se trouve à 600 km à l’ouest d’Abidjan. Selon les informations que nous avons recueillies, à la suite de la prise de cette ville par les Forces républicaines des cadavres jonchaient les rues, des dizaines de milliers de personnes se trouvaient réfugiées dans la mission catholique de la ville, sans eau, sans nourriture et sans service d’assainissement.

Surtout, les Forces républicaines ont tué plusieurs civils, dont Jean Louana, le directeur de campagne de l’une des ministres nommées par Laurent Gbagbo, ainsi que le pasteur d’une église évangélique et plusieurs fidèles de cette église. De l’autre côté, un imam et un Burkinabé ont été tués, eux, le 28 mars par des miliciens loyaux à Laurent Gbagbo.

Cette situation-là, qui est une situation de conflit interne, où le droit international humanitaire s’applique, Amnesty International estime que ces actes, directement menés contre des civils sans discrimination, peuvent constituer des crimes de guerre et les deux parties peuvent devoir répondre de crimes de guerre. Nous sommes extrêmement inquiets de ce qui se passe maintenant dans l’Ouest où nous risquons de voir les Forces républicaines se livrer à des représailles de grande envergure envers des partisans avérés ou supposés de Laurent Gbagbo. Nous lançons réellement un appel à Alassane Ouattara qui s’est dit responsable des Forces républicaines pour qu’il donne des ordres pour que ces actes s’arrêtent et que les responsables soient suspendus de leurs fonctions et qu’ils rendent des comptes.

RFI : Quelle est la situation des droits de l’homme à Abidjan ?

Salvator Saguès : A Abidjan, nous avons eu, je l’ai dit, des informations récentes sur des exactions commises par des jeunes patriotes. Il y a également les tirs à l’arme lourde de ces derniers jours et les tirs sur le palais présidentiel de Laurent Gbagbo. Il y a toujours le « commando invisible » [pro-Ouattara, Ndrl] qui, à Abobo, se livre à des actes très graves. Il y a quelques jours à Anonkoua, qui est un petit village au nord d’Abidjan, une quarantaine de personnes ont été tuées par le « commando invisible ».

Les deux camps se trouvent dans une situation de violence extrême avec des éléments incontrôlés. Il y a, des deux côtés, des mercenaires libériens, des informations très préoccupantes sur le recours à des enfants soldats, c’est-à-dire des jeunes hommes âgés de moins de 18 ans, et nous avons vraiment l’impression que la chaîne de commandement ne suit pas ou alors que les responsables des deux côtés laissent ces éléments agir à leur guise en toute impunité.

RFI : Le rôle de l’Onuci n’est-il pas justement de protéger les civils ?

Salvator Saguès : Nous sommes inquiets à propos du rôle de l’Onuci. Effectivement, l’Onuci a connu certaines attaques de la part de partisans du président Gbagbo. Il n’empêche que, à Duékoué par exemple, alors que des dizaines de milliers de personnes s’étaient réfugiées dans la mission catholique et que la ville était livrée aux Force républicaines, l’Onuci qui était à 3 km a mis beaucoup de temps à se déployer pour protéger ces personnes.

Donc nous avons fait plusieurs appels disant à l’Onuci qu’elle a pour mandat de protéger les populations. Nous avons parfois l’impression que ce mandat n’est pas réellement accompli de manière rapide pour vraiment défendre la population et nous appelons l’Onuci à protéger la population dans l’ouest du pays mais également à Abidjan. Nous avons l’impression qu’il y a une population qui est sans aucune protection et qui peut être livrée aux mains de ces éléments incontrôlés, d’autant plus que, comme vous le savez la crise a causé des centaines de milliers de déplacés qui ont quitté des quartiers d’Abidjan, qui ont quitté des zones dans l’ouest du pays et qui se trouvent totalement démunis et sans aucune protection.

Source : http://www.rfi.fr