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Côte d’Ivoire : DECLARATION DE LA FESACI RELATIVE AU CONTEXTE POLITIQUE DE L’ELECTION PRESIDENTIELLE DU 25 OCTOBRE 2015

D 22 octobre 2015     H 12:07     A FESACI     C 0 messages


Depuis 20 ans, chaque élection présidentielle en Côte d’Ivoire constitue un moment de grande inquiétude pour les citoyens et un danger réel pour la cohésion nationale et pour la sécurité des populations.

En 1995, en 2000, et en 2010, la crispation de la situation politique était perceptible à l’approche de la date des élections présidentielles : le pouvoir et l’opposition ne s’accordaient pas sur les conditions consensuelles nécessaires à la tenue d’une élection transparente, crédible et apaisée. Cette absence de consensus a conduit le pays dans un cycle de violence à répétition entrainant de nombreux morts, des mutilations et des destructions massives de biens publics et privés.

En 1995, le refus du gouvernement d’alors de mettre en place une commission électorale et un code électoral consensuels, a eu pour réplique, le boycott actif organisé par le Front-Républicain sanctionné par une répression qui a abouti à des morts et à de nombreuses arrestations.

En 2000, l’invalidation de la candidature du président Alassane Ouattara à l’élection présidentielle par la Cour Suprême a conduit les militants de son parti à contester les résultats de l’élection présidentielle au moment où la junte militaire, de son côté, avait pris en otage, M. Honoré GUIE, Président de la Commission Electorale (COSUR) pour maintenir au pouvoir le Général GUEI par les armes ; conséquence, plus de 300 morts dont le charnier de Yopougon.

En 2010, alors que le 1er tour de l’élection présidentielle s’était déroulé sans incident, le 2ème tour a été émaillé de violences graves dans certaines régions du pays où des citoyens ont été empêchés d’exprimer leur droit de vote tandis que des personnels commis aux opérations dans les bureaux de vote, avaient été molestés. La controverse née de la proclamation mouvementée des résultats par le président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), M. Youssouf BAKAYOKO, dans le QG de l’un des 2 candidats du 2ème tour, a entrainé une crise post-électorale sans précédent avec les conséquences connues de tous.

A cet instant précis, il convient de rappeler à l’opinion nationale et internationale que la FESACI, notre organisation syndicale faitière est privée de l’usage de son siège pillé et occupé depuis 4 ans par des hommes armés membres d’une milice qui en ont fait leur QG.
Depuis le début de l’année 2015, des signes perceptibles de tensions et de crispations s’amoncellent au fil des mois et plus particulièrement, à l’approche du 25 octobre 2015, jour de l’élection présidentielle.

Tandis que l’opposition et des candidats réclament des discussions dans un cadre de dialogue politique en vue de trouver un consensus sur les conditions, modalités et mesures consensuelles pour une élection crédible, transparente, équitable, démocratique et apaisée, le gouvernement sortant reste campé dans une logique univoque et intransigeante en refusant tout dialogue avec son opposition.

Cette situation politique telle que décrite, interpelle la Fédération des Syndicats Autonomes de Côte d’Ivoire (FESACI), centrale syndicale attachée au respect des principes démocratiques, des droits humains et de la paix sociale, indispensables pour le bon fonctionnement des organisations syndicales ainsi que l’existence du dialogue social entre les partenaires sociaux et le gouvernement.

Fort de ce principe, et s’appuyant d’une part sur les dispositions constitutionnelles sur la liberté d’expression et d’association et, d’autre part, sur l’art. 2 de ses statuts qui dispose que : « La FESACI n’adhère à aucun groupement politique confessionnel. Toutefois, elle se réserve le droit de se prononcer sur tous les problèmes d’intérêt national ou international touchant directement ou indirectement les intérêts matériels, moraux, économiques et sociaux de ses membres », la FESACI, en prenant à témoin la Nation toute entière devant l’Histoire, s’autorise à s’adresser aux acteurs politiques sur les dangers qu’ils font planer sur la Côte d’Ivoire dans leur refus obstiné de s’asseoir pour discuter.

Les stigmates de l’élection présidentielle controversée de 2010 et de l’affreuse crise post-électorale, sont encore présents dans le quotidien de chaque Ivoirien où qu’il se trouve. Selon les chiffres officiels près de 58 000 Ivoiriens sont toujours en exil.

Au plan interne, des centaines de détenus politiques croupissent dans différentes prisons du pays, notamment Mme Simone GBAGBO l’ex-première dame qui vit dans l’isolement total et dans divers camps d’internement du pays depuis 2011.

Au plan externe l’ancien chef de l’Etat, Laurent GBAGBO et l’ex Ministre de la Jeunesse et de l’Emploi Charles Blé GOUDE sont en détention à la Haye. Pendant ce temps, les chefs de guerre de 2002 à 2010, connus de tous, jouissent curieusement d’une liberté jusque là inconcevable. La réconciliation nationale chantée à cor et à cri n’a pas eu lieu. Dans un tel décor, la FESACI s’interroge pourquoi le gouvernement tient à organiser vaille que vaille l’élection présidentielle le 25 octobre.

Des signes prémonitoires qui peuvent être perçus comme des chants du cygne s’accumulent. Des organisations de défense des droits de l’homme dénoncent les arrestations d’opposants dont celle du Dr ASSOA ADOU, ancien Secrétaire Général du SYNACASS-CI et ancien Membre du Secrétariat Général de la FESACI, entre autres et exigent leur libération avant la tenue du scrutin. Des candidats et des groupements politiques battent le pavé pour exiger l’ouverture du dialogue avec tous les acteurs politiques nationaux.

Dans son adresse du 1er mai 2015, la FESACI a recommandé au gouvernement, la prise de mesures nécessaires à la décrispation politique et à la réconciliation nationale afin de permettre à tous les citoyens de contribuer à la construction d’une nation démocratique et prospère.

Le 06 octobre dernier, le candidat ESSY AMARA, ancien ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, a produit un communiqué de presse suspendant sa participation à l’élection présidentielle. Dans une déclaration publiée dans la presse le 14 octobre 2015, on apprend que ce candidat s’est retiré définitivement de l’élection présidentielle.

Le 10 octobre 2015, le candidat Mamadou KOULIBALY, ancien Président de l’Assemblée Nationale, à son tour, a décidé du retrait pur et simple de sa candidature.

Ces deux personnalités disent qu’elles ne veulent pas être complices d’une mascarade électorale et proposent le report de cette élection pour sauver le pays d’une autre crise politique aux conséquences dramatiques.

Le FPI dirigé par Aboudramane SANGARE a fait une déclaration le 11 octobre 2015 indiquant que sans dialogue politique, il n’y aura pas d’élection le 25 octobre 2015. Devant une telle situation, la FESACI tient à exprimer ses vives préoccupations par rapport à la dégradation du climat politique ne garantissant aucunement ni la tenue d’une élection paisible, apaisée et crédible, ni la sécurité des populations et particulièrement celle des travailleurs.

Aussi, s’appuyant sur la charte des Nations Unies et les Conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) garantissant les droits des travailleurs dont la sécurité au travail et à domicile, la FESACI interpelle le Bureau International du Travail (BIT), l’ONUCI, la Confédération Syndicale Internationale (CSI) et la CSI-Afrique en attirant leur attention sur l’évolution inquiétante de la situation politique en Côte d’Ivoire.

La FESACI demande aux travailleurs de demeurer extrêmement vigilants. Quant aux militants engagés dans les opérations électorales dans les bureaux de vote, la FESACI leur recommande une extrême prudence et précise qu’ils doivent rester à l’écoute du Conseil Exécutif Fédéral.

Aux candidats engagés dans la course à l’élection présidentielle du 25 octobre 2015, la FESACI attire leur attention sur les dangers d’une élection présidentielle à hauts risques en l’absence de tout accord minimal sur les conditions politiques et les questions techniques de l’organisation du scrutin. La FESACI rappelle que leur responsabilité entière est engagée en cas de dérapages et autres violences préjudiciables à la vie des Ivoiriens, eu égard aux événements malheureux survenus lors des précédents scrutins. Les mêmes causes produisant inévitablement les mêmes effets, le pire est aussi à craindre cette année.

La FESACI lance également un appel pressant à toute la classe politique, en particulier, au Président Alassane OUATTARA, et lui dit qu’il n’est jamais trop tard pour discuter et pour se réconcilier avec ses frères Ivoiriens si l’on veut servir le bien-être et la paix aux populations de Côte d’Ivoire. Monsieur le Président, vous avez entre vos mains, la vie des Ivoiriens et le destin du pays. Vos concitoyens, partisans ou adversaires sont inquiets. Le monde entier vous observe.

Fait à Abidjan le, 15 octobre 2015.

Le Secrétariat Général