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France-Côte d’Ivoire : Les représailles de l’empire

D 20 février 2011     H 05:19     A Dr Gary K. Busch     C 0 messages


Une fracture est née en Côte d’Ivoire, dont Gbagbo n’est pas l’auteur, mais dont les origines remontent à la présidence de Bédié, avec l’Ivoirité. Le conflit nord-sud s’est nourri de cette division, alimenté par la France pour continuer à assurer sa mainmise coloniale sur les richesses de ce pays. Dès lors, analyse Gary K. Busch, tout le processus électoral a été une succession de putschs contre le régime de Gbagbo.

La dispute qui faite suite aux élections présidentielles en Côte d’Ivoire est dans l’impasse. La commission électorale, liée et financée par la France, a déclaré Alassane Ouattara vainqueur, cependant que la Cour constitutionnelle en a fait de même pour le président sortant Laurent Gbagbo. La ‘’communauté internationale’ des pays occidentaux, les ONG, les colombes des Nations Unies, ainsi qu’une palette de lâches de la Françafrique et autres opportunistes soutiennent Ouattara, malgré les fraudes massives avérées lors du scrutin dans le nord du pays aux mains des rebelles.

Ce résultat électoral ne devrait étonner personne. Il n’y a pas eu de désarmement réel des seigneurs de guerre de pacotille, rebelles du nord, et pas d’unification du pays en anticipation des élections. Une ligne de séparation de ‘sécurité’ entre le nord et le sud a été maintenue par les troupes françaises d’occupation, prétendument des troupes des Nations Unies. Même les soi-disant faiseurs de paix comme Blaise Campaore du Burkina Faso prétendent être neutres. Campaore, un criminel de guerre non inculpé, un profiteur de guerre, avec à son bilan la subversion, du trafic d’armes au Liberia, en Sierra Leone et la Côte d’Ivoire, a réussi à se présenter comme étant neutre.

Lorsque des armes étaient envoyées en Afrique de l’Ouest par Chirac et Kadhafi, elles parvenaient à destination après être passé dans les mains de Campaore et de Tandja, qui ont tous deux profités de ces livraisons. Ouattara, connu comme étant ‘’ le père de la rébellion’’ en Côte d’Ivoire, a été soutenu en opérant en sécurité depuis le Burkina Faso, lorsqu’il n’était pas occupé à cultiver ses relations personnelles avec la première épouse du président Sarkozy à Paris. Il n’y avait pas de mystère en ce qui concerne les efforts conjoints de Ouattara-Campaore. Il existe plusieurs heures d’enregistrement des réunions convoquées par Campaore au Burkina Faso, qui ont appelé la population du nord à soutenir de Ouattara. En témoigne la manière dont il a activement comploté avec deux officiers français, envoyés par Paris, pour une tentative de coup d’Etat contre le gouvernement Gbagbo

Les tricheries et les fraudes électorales ont été la norme dans le nord depuis plus de sept ans. Même lorsque l’Union africaine a nommé Banny comme Premier ministre par intérim et Thabo Mbeki comme médiateur, les fraudes ont persisté. Le président Mbeki s’est rendu en Côte d’Ivoire et a invité les factions belligérantes à rencontrer le président Gbagbo à Pretoria, où deux séries d’accords ont eu lieu. Ces accords de Pretoria ont permis une résolution qui englobe la majeure partie des questions litigieuses pour les deux parties, parce que le président Gbagbo a fait les concessions nécessaires à cette fin. Le point le plus important de la résolution de Pretoria était le désarmement des rebelles.

Ceci était en effet une précondition pour cessez-le-feu originel singé à Linas Marcoussis. L’article 3 (g) stipule : « Dans le but de restaurer la sécurité des personnes et de la propriétés dans tout le territoire national, le gouvernement de réconciliation nationale organisera le regroupement et le désarmement subséquent de toutes les forces. Il s’assurera qu’il ne restera pas de mercenaires à l’intérieur de ses frontières. »

Telle était la teneur des accords de Linas–Marcoussis et de Pretoria. Néanmoins, aucun désarmement n’a eu lieu. Les rebelles ont accepté les plans, calendriers et procédures du désarmement mais n’ont respecté aucun des délais. Ils ont refusé la médiation du président Mbeki, en raison de son insistance sur le désarmement des rebelles. A ce jour, il n’y a eu aucun désarmement en dépit des appels répétés du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

La résolution 1633 des Nations Unies, qui a repoussé le délai pour une élection présidentielle d’une année, au-delà du 3 octobre 2005 (comme prévu par la Constitution), arguant que des élections libres et justes ne pourraient avoir lieu dans les conditions actuelles, a créé le poste de Premier ministre avec des pouvoir étendus. La résolution exigeait que ‘’toutes les parties signataires des accords de Linas Marcoussis, Accra III, et de Pretoria ainsi que toutes parties ivoiriennes concernées, la mette en œuvre immédiatement’’. Ces responsabilités ont été clairement stipulées plus loin dans la résolution, ainsi qu’il suit :

‘’14. Exige que les Forces Nouvelles se conforment avec diligence aux programmes de désarmement afin de faciliter la restauration de l’autorité de l’Etat dans tout le territoire national, la réunification du pays et l’organisation d’élection aussitôt que possible ;
15. Affirme que le processus d’identification doit commencer sans délai.’’

Depuis lors, il n’y a pas eu de réel progrès en matière de désarmement. Ceci est à la base de la crise ivoirienne.

Un programme avait été mis en place afin ‘d’identifier’ les citoyens ivoiriens et d’établir une liste électorale actualisée. La question identitaire est au cœur de la rébellion. Sans solution, il ne peut y avoir d’élections ni de sérieux espoirs pour que la paix s’établisse entre les deux camps armés.

Depuis 1993, lorsqu’Henri Konan Bédié succéda à Houphouët-Boigny comme président, les musulmans du nord ont lutté pour obtenir des papiers d’identité. Les fonctionnaires les ont accusés de cacher leurs origines étrangères et les abus liés à de constantes vérifications d’identité ont augmenté. Les tensions nord-sud se sont incarnées dans le face à face entre Bédié, qui provient du sud-ouest, et l’ancien Premier ministre d’Houphouët, Allassane Dramane Ouattara (ADO) qui provient du nord et est musulman et un ancien vice-directeur exécutif du FMI.

Konan Bédié a promis le concept nationaliste ‘d’ivoirité’ et a changé la Constitution afin que seul ceux à 100% ivoiriens puissent prétendre à la présidence. Il prétendait que la famille de Ouattara provenait du Burkina Faso et qu’il a falsifié ses papiers d’identité afin de cacher ses origines. Des agents de sécurité ont déchiré les documents d’identité des gens du nord ou ont rendu impossible leur renouvellement, les privant ainsi de leur nationalité. Le premier acte présidentiel de Bédié a consisté en l’expulsion de 12 000 résidents de Côte d’Ivoire, affirmant qu’ils venaient en réalité du Burkina Faso. Ça c’était l’œuvre de Bédié et non de Gbagbo !

Le cabinet de Bédié a approuvé un nouveau processus d’identification, avec des nouvelles cartes d’identité et un nouveau registre électoral. Gbagbo et le FPI étaient en désaccord avec le programme de Banny parce qu’il ne faisait aucune place au désarmement avant les enregistrements. L’insistance sur ce point tient à la Constitution ivoirienne qui prévoit que les enregistrements et l’émission des cartes d’électeur ne peuvent se faire légalement que par des officiers d’état civil formés et nommés par l’Institut National de la Statistique (INS). L’INS était sous la tutelle du ministre de la Planification, l’ancien ministre des finances FPI Paul Bohoun Boubre.

Le projet de Banny reposait sur un office ad hoc d’identification qui n’était pas prévu par la Constitution. Sans désarmement, la sécurité des officiers d’état civil nommés ne pouvait être garantie lorsqu’ils se rendaient dans les régions du nord aux mains des rebelles, afin d’examiner les documents des électeurs potentiels et des citoyens. Banny a déclaré que des conseils villageois pourraient se réunir et procéder aux identifications. Compte tenu du fait que ces conseils étaient dominés et contrôlés par les bandes de rebelles locaux, il s’en suivit que toute personne déclarée ivoirienne par les rebelles le devenait sur le champ. Les fraudes sont devenues la norme.

En fait, ce genre de fraude a été largement rapporté. L’Assemblée Nationale a déclaré que la police avait des preuves selon lesquelles le RDR (le parti de Ouattara) vendait des documents d’enregistrements. Le président de l’Assemblée nationale, Mamadou Koulibaly, a alors présenté un document d’enregistrement d’un homme qui affirmait être Ivoirien et qui a fait usage, pour s’enregistrer, de documents existants, appartenant à un autre du nom de Sanago Aboubakar. Le véritable Sanago Aboubakar, un délégué FPI d’Abobo, a été très surpris de découvrir le visage de quelqu’un d’autre sur ses papiers d’identité. La police a rapporté que ces documents d’identité falsifiés étaient vendus pour la somme de 15 000 F CFA par les conseillers villageois du RDR dans le nord.

Tout le processus est discrédité en raison de l’impossibilité de ceux nommés et formés de participer à ces ‘conseils de village‘ pour procéder à l’identification. Tout registre électoral établi selon ce processus est sérieusement sujet à caution et n’est guère valide.

Le nœud du problème réside dans le fait que plus de la moitié des forces rebelles regroupées sous le nom de ‘Forces Nouvelles’ ne sont pas des Ivoiriens et ne l’ont jamais été. Ils ont été enrôlés par les Français comme mercenaires et bandits à gages et recrutés au Burkina Faso, au Liberia, au Mali, en Sierra Leone avec d’autres bandes de malfrats assortis engagés dans les guerres civiles de l’Afrique de l’Ouest. Ils ont été transportés en Côte d’Ivoire et armés par les Français, avec le soutien et la participation de Blaise Campaore du Burkina Faso, Touré du Mali et Tandja du Niger.

Il y avait un traité de paix en place en Côte d’Ivoire depuis 2003. Dans l’intervalle, la ‘’communauté internationale’’ est intervenue dans le processus politique de la Côte d’Ivoire. Elle a extorquée des concessions à Gbagbo et au gouvernement FPI et a passé des accords formels avec les bandes rebelles. A ce jour, les engagements pris par les bandes rebelles sont restés lettres mortes. La communauté internationale a usé de beaucoup de ressources pour mettre Gbagbo sous pression, mais a refusé de traiter de façon un tant soit peu sérieuse la question des rebelles.

Ces rebelles n’ont pas introduit la bonne gouvernance dans leurs fiefs. Ils ont détruit les infrastructures. Ils vivent au détriment de la population résistante, ont volé ses maisons, ses voitures, ses enfants, ses boulots, ses opportunités. Tout ceci se passe au mépris de la loi, des traditions coutumières, et des normes supposées des Nations Unies. Les rebelles ne paient ni impôts ni loyers, pas plus que des taxes d’importation. Toutefois, ni les Nations Unies ni la communauté internationale n’ont fait quoi que ce soit pour les en empêcher ou assister les citoyens du nord déchus, démunis, spoliés qui n’ont le choix que de courber l’échine.

Les rebelles volent le cacao, le coton, la laine et se constituent de petites fortunes qu’ils vont mettre sur des comptes en banque à Ouagadougou. En toute justice, il faut reconnaître que la communauté internationale n’aime pas beaucoup les rebelles, mais elle a été entraînée pas la France qui a de grands intérêts en jeu dans le pays.

Cinquante ans après l’indépendance, la France contrôle toujours la plus grande part des infrastructures et détient les réserves de devises étrangères, constituant ainsi une zone ‘’franc’’ comprenant quatorze nations. La compagnie d’aviation, le téléphone, l’électricité et la compagnie des eaux ainsi que certaines grandes banques sont contrôlées par la France. Les ‘’accords de coopération’’ signés après l’indépendance par feu le président Félix Houphouët-Boigny et le Premier ministre français d’alors, Michel Debré, sont techniquement toujours valides. La France garde une mainmise sur le commerce ivoirien et la monnaie qui inhibent les initiatives nationales en faveur de l’indépendance.

Les privilèges de la France sont confirmés dans un rapport d’une commission des Nations Unies : ’’ Les témoignages que nous avons rassemblés nous ont permis de voir que la loi de 1998 qui concerne la propriété rurale découle de la position dominante de la France et des intérêts français en Côte d’Ivoire.’’ Selon ces sources, les Français possèdent 45% des terres et, curieusement, les bâtiments de la Présidence et de l’Assemblée nationale ivoirienne sont l’objet de baux à loyer avec la France. Il est dit que les intérêts français contrôlent le secteur de l’eau et de l’électricité. ‘’ Le rapport ne fait qu’effleurer la question de la domination des intérêts français en Côte d’Ivoire mais ils ne sont pas difficiles à identifier.

Ci-après, les principaux acteurs du monde des affaires français en Côte d’Ivoire :

 Bollore, la compagnie de transport maritime française dominante et principal opérateur des transports maritimes en Côte d’Ivoire avec Saga, SDV (Switched Digital Video), Delmas, contrôle le port d’Abidjan, le principal port de transit de l’Afrique de l’Ouest. Bollore contrôle aussi le chemin de fer ivoirien burkinabé, Sitarail. Bien qu’elle se soit récemment retirée du cacao, elle garde une position dominante dans le tabac et le caoutchouc.

 Bouygues (chef de file dans la construction et les travaux publics), domine les projets de construction ivoiriens des autoroutes et des barrages, financés par des fonds publics et construit par le gouvernement. Depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire elle a été la principale compagnie dans le domaine de la construction et des travaux publics (on trouve également Colas, au troisième rang des constructeurs de route en France). Bouygues, grâce à la privatisation, a obtenu des concessions additionnelles comme le contrôle de la distribution des eaux (Société des eaux de Côte d’Ivoire), de la production et de la distribution de l’électricité au travers de la Compagnie ivoirienne d’électricité et de la Compagnie ivoirienne de production d’électricité. Elle a aussi été impliquée dans l’exploitation récente du pétrole ivoirien.

 Total, la plus grande compagnie pétrolière française, détient un quart des actions de la Société ivoirienne de raffinage pétrolier (numéro un en Côte d’Ivoire), possède 160 stations à essence et contrôle le ravitaillement en bitume.

 France Telecom (au septième rang des compagnies en France et chef de file dans le secteur des Télécom) est le principal actionnaire de Télécom de la Côte d’Ivoire et de la Société ivoirienne des Mobiles (elle détient 85% des capitaux) depuis l’octroi des concessions dans ce secteur, dans le contexte de la privatisation des entreprises publics.

 Dans le secteur bancaire et des assurances, on trouve la Société Générale (6ème banque française, la Société Générale a 55 succursales en Côte d’Ivoire) ainsi que le Crédit lyonnais et BNP-Paribas. Axa, 2ème compagnie la plus importante de France et leader du secteur des assurances, a été présente en Côte d’Ivoire depuis la période coloniale.

 Des compagnies établies depuis le plus longtemps en Côte d’Ivoire, il y a le Groupe de Compagnies françaises de l’Afrique de l’Ouest de Côte d’Ivoire (CFAO-CI). Il opère dans de nombreux secteurs (automobiles, pharmaceutiques, nouvelles technologies, etc.). Pendant longtemps le CFAO a exercé un monopole sur les exportations et le commerce de détail et ses profits (pas une seule année avec des pertes depuis sa création en 1887) a conduit récemment le groupe Pinault-Printemps-La Redoute à s’en rendre acquéreur.

 Il y a aussi le patron des chefs d’entreprises, le baron Ernest Antoine Seilleres, au travers de Technip (dans le domaine pétrolier) et Bivac (qui a récemment installé un nouveau scanner dans le port d’Abidjan).

La présence du capital français montre à quel point la Côte d’Ivoire est profitable. Et bien que l’investissement français direct se monte seulement à quelque 3,5 milliards d’euros - les anciennes entreprises étatiques ayant été acquises à vil prix- le profit annuel est astronomique. Malgré la fuite de certains ressortissants français au cours de la guerre récente avec les rebelles, les Français sont revenus et les affaires ont repris de plus belle.

Une des principales influences sur le secteur économique et politique, dans les Etats africains qui avaient été des colonies françaises, s’exerce du fait de la monnaie commune : la Communauté Financière de l’Afrique, le Franc ‘’CFA’’. Il y a présentement deux différents francs CFA en circulation. L’un est celui de l’Union monétaire et économique de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) qui comprend 8 pays de l’Afrique de l’Ouest (Le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée Bissau, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo). L’autre est la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) qui comprend 6 pays d’Afrique centrale (Cameroun, République centrafricaine, Tchad, Congo, Guinée équatoriale et Gabon). Cette division correspond à l’Afrique occidentale française de l’époque coloniale, à l’exception de la Guinée Bissau qui est une ancienne colonie portugaise et la Guinée équatoriale qui était aux mains des Espagnols.

Chacun de ces deux groupes produit ses propres Francs CFA. Le franc CFA de l’UEMOA est émis par la banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et le franc CFA de la CEMAC est émis par la Banque centrale de l’Afrique centrale (BEAC). Au départ, ces monnaies avaient une parité fixe avec le Franc français, mais après que la France a rejoint la zone Euro de la Communauté européenne et que le taux ait été fixé à 6,65957 Franc pour un euro, le taux du franc CFA a été fixé à 665,957 pour un euro, maintenant ainsi la proportion de 100 pour 1. Il est important de noter que c’est la responsabilité du Trésor français de garantir la convertibilité des Francs CFA.

La gouvernance d’une telle agrégation de pays est sans complication, parce que, de fait, c’est le Trésor français qui opère, sans en référer aux autorités fiscales centrales d’aucun des pays de UMEAO ou de la CEMAC. L’accord contient des dispositions qui établit ces banques et le CFA ainsi que la banque centrale dans chacun de ces pays qui sont obligés de garder au moins 65% de leur réserve monétaire dans des ‘’comptes opérationnelles’’ détenu par le Trésor français, ainsi que 20% pour couvrir les passifs financiers.

Les banques centrales CFA maintiennent aussi un strict contrôle sur les crédits alloués à chaque Etat membre, qui se montent à 20% des revenus publics de ce pays au cours de l’année précédente. Bien que la BEAC et la BCEAO puissent avoir un découvert, celui-ci est conditionnel et dépend du consentement du Trésor français. La décision finale appartient au Trésor français qui investit les réserves monétaires des pays africains, en son nom propre, à la Bourse de Paris.

La création et la maintenance de la domination française sur l’Afrique francophone sont le résultat d’une longue colonisation française et de la dépendance apprise par les pays africains. Il n’a été alloué qu’un pouvoir limité à la plupart des banques centrales de l’Afrique francophone. Ce sont des économies dont la vulnérabilité, dans une globalisation économique accrue, augmente chaque jour. Il ne peut y avoir de politique commerciale sans une politique monétaire, pas plus qu’il ne peut y avoir d’investissements sans référence à des réserves.

Les politiciens africains et les partis élus pour promouvoir la croissance, la réforme, les changements des politiques commerciales et fiscales ont tôt fait d’être rendu inopérants, sauf s’ils obtiennent le consentement du Trésor français qui rationnent leurs finances.

Au cœur de tout cela, il y a un accord signé entre la France et ses anciennes colonies africaines nouvellement libérées qui emprisonnent ces dernières dans l’étreinte économique et militaire de la France. Ce Pacte colonial a non seulement créé l’institution du franc CFA, mais également un mécanisme légal par lequel la France obtient une place privilégiée dans la vie politique et économique de ses colonies.

Les accords du Pacte Colonial ont entériné une préférence marquée pour la France dans tout processus politique, commercial et militaire (défense) des pays africains. En matière de défense, l’accord prévoit deux types de contrat. Le premier de ces accords est un contrat ouvert pour la coopération technique militaire (CTM) qui n’est pas légalement contraignant et qui peut être suspendu selon les circonstances. Ils incluent la formation et l’entraînement des soldats et des forces de sécurité africaines. Les deuxièmes, secrets et contraignants, sont des accords de défense supervisés et appliqués par le ministère de la Défense français et ont servi de base légale à l’intervention française. Ces accords permettent à la France de maintenir des troupes de réserve en Afrique. En d’autres termes, ils permettent la présence permanente d’unités militaires françaises en rotation dans des bases et des installations militaires en Afrique, entièrement en mains françaises.

En résumé, le Pacte Colonial a maintenu le contrôle de la France sur les économies des Etats africains. Il lui a permis de prendre possession de leurs réserves de devises étrangères, de contrôler leurs matières premières stratégiques, de stationner des troupes ainsi que le droit de libre passage. Ce pacte exigeait en outre que tout l’équipement militaire soit acquis en France, laquelle a aussi pris en charge la formation de la police et de l’armée. Elle a encore exigé que le commerce français puisse maintenir un monopole sur les entreprises dans des secteurs cruciaux (l’eau, l’électricité, les ports, le transport, l’énergie, etc.). Il est difficile d’imaginer quels sont les changements entre l’époque coloniale et le présent, qui soient plus que cosmétiques.

La guerre civile, qui a éclaté entre le nord et le sud de la Côte d’Ivoire, est largement le résultat des efforts du gouvernement Gbagbo pour réaliser une véritable indépendance, pour se défaire de la domination coloniale française qui contrôle presque tous les aspects de la vie nationale. Il avait le soutien du peuple ivoirien. Néanmoins, à l’heure actuelle, après tous ces combats et cette souffrance par les deux parties, la présente politique de Gbagbo semble s’éloigner de la confrontation pour revenir au statu quo ante, c’est-à-dire au néocolonialisme français. Mais ceci n’a pas fonctionné, générant une grande amertume et beaucoup de rancœur chez la population qui voit le joug se remettre en place. Malgré l’apathie et le découragement, après des années de combats et de sacrifices, elle comprend, au nord comme au sud, qu’elle n’a rien à perdre en faisant table rase des Français noirs et en installant d’authentiques patriotes ivoiriens à leur place.

Malheureusement ce n’était pas une option lors du scrutin. La difficulté qu’il y a à essayer de résoudre le problème par la négociation réside dans un gouvernement en guerre avec lui-même. Suite aux accords de Linas Marcoussis et aux accords subséquents de 2002, qui ont culminé dans les accords de Ouagadougou, le Cabinet a été composé de représentants de partis légitimes du passé (FPI, PDCI, RDR, PIT) et une bande de seigneurs de la guerre promus, appartenant aux mouvements rebelles. Chacun avait son ou ses propres ministères à sa disposition. Des remaniements ministériels n’ont guère amené de changements, hormis celui des personnalités. Il n’y a pas de cabinet et il ne règne une anarchie compétitive. Ces membres imposés du Cabinet avaient des salaires substantiels, tous frais payés et circulaient dans des limousines avec chauffeur, cependant qu’ils complotaient la chute de leurs collègues de Cabinet et la paupérisation de leurs concitoyens.

L’Assemblée nationale n’a pas été élue depuis l’an 2000 et de nombreux députés sont morts, mourants ou ne se sont pas rendus dans leur circonscription depuis des années. Ils ne représentent aucun espoir pour la population.

Il reste le vol et le désordre dans le nord et les choses ne sont pas mieux dans le sud. Dans les années qui ont suivi la rébellion, les courtiers du pouvoir se sont accommodés avec les compagnies qui prospèrent grâce aux riches récoltes de café et de cacao. Plus grave encore, ils accaparent une bonne part du marché pétrolier et gazier en pleine expansion. Une nouvelle raffinerie est en construction. De nouveaux oléoducs sont connectés. Les rebelles du nord qui n’ont aucune chance d’obtenir une part du gâteau puisent dans les deniers publics en toute bonne conscience, considérant ce que les politiciens du Sud se mettent dans la poche.

A l’instar des rebelles du nord, peu susceptibles de renoncer à leurs entreprises pirates au profit de la paix et de l’unité nationale qui les verraient redevenir cordonnier ou chauffeur de camions, les gros pleins de soupe du sud ne vont pas renoncer au profit rapide de la communauté des affaires et mettre leur argent pour des routes, des écoles, l’électricité et des hôpitaux. Raison pour laquelle ces élections ont été un simulacre sans conclusion claire.

Les Français, encouragés par leur succès lors de leur intervention en Guinée où ils ont réussi à promouvoir leur candidat, Alpha Condé, jusqu’à la présidence, étaient certains que leur manipulation des listes électorales et la protection qu’ils offraient aux dirigeants des rebelles du nord leur donneraient un avantage imparable lors des élections. Toutefois, les fraudes électorales flagrantes dans plusieurs circonscription du nord (où il y a eu plus d’électeurs que de personnes sur les listes électorales) et où les rebelles ont encerclé les bureaux de vote, s’assurant que les électeurs votaient ‘’correctement’’, étaient tellement criantes qu’il n’a pas été possible de procéder au dépouillement des bulletins dans les délais.

La Cour constitutionnelle a examiné la situation et la procédure d’élection et a déclaré que le président Gbagbo était réélu. Ceci en opposition avec la commission électorale de Ouattara qui a déclaré ce dernier élu. Et maintenant, il y a deux présidents putatifs. L’armée est restée loyale à Gbagbo malgré les offres alléchantes faites aux officiers supérieurs par l’armée française et des diplomates.

Les Français ont réussi à convaincre la ‘’communauté internationale’’ (un euphémisme pour désigner ceux qui ne veulent pas vraiment s’impliquer au-delà de propos tièdes) que les élections ont été libres et justes. Ceci est bien entendu grotesque. Dans un pays divisé en deux camps, occupé par un groupe de militaires étrangers de ‘’ soldats pour le maintien de la paix’’ à la solde de l’ancienne puissance coloniale, en même temps qu’armés jusqu’aux dents, de quelles élections ’’libres et justes’’ est-il question ? Les Français ont usé de leur influence sur les pays francophones voisins afin qu’ils reprennent à leur compte les conclusions de la France. Et encore plus bizarre : Comment se fait-il que des criminels de guerre avérés mais non inculpés du Burkina Faso, Niger et Mali, qui ont accordé leur soutien ouvertement aux rebelles du nord sur les injonctions de leurs maîtres français, soient pris au sérieux par la communauté internationale.

L’économie de ces pays consiste en la main tendue, leurs dirigeants sont des despotes qui gouvernent sans institutions démocratiques. Ils survivent grâce aux subsides français et avec ce qu’ils parviennent à voler à la Côte d’Ivoire. L’élévation de l’assassin d’Abidjan au poste de ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, n’offre de satisfaction à personne. C’était elle, alors ministre de la Défense, qui, en novembre 2006, a donné l’ordre aux soldats français de tirer sur des manifestants désarmés à l’hôtel Ivoire, avec pour résultat la mort de 68 hommes, femmes, et enfants et un grand nombre de blessés,.

Cette situation ne peut pas durer. La crainte existe toujours d’une autre confrontation militaire. La communauté internationale a entravé la préparation militaire ivoirienne par des sanctions et en abattant les forces aériennes ivoiriennes. Toutefois, il n’y a nul besoin de violence si le nouveau gouvernement Gbagbo décide d’entreprendre une action positive pour aborder le problème des rebelles du nord. Ce qui est requis pour remédier à la situation actuelle, ce sont des représailles légales et sans effusion de sang. Le nord survit grâce à la bonne volonté du sud. Il est temps pour le gouvernement Gbagbo d’insister que ceci doit être payé selon contrat. Puisqu’on ferme les aqueducs vers le nord, qu’on coupe l’électricité, qu’on interrompe les communications vers le nord et qu’on arrête le ravitaillement en pétrole du nord par le sud. Le nord ne paie pas pour ces prestations. Pas plus qu’il ne paie des impôts sur le revenu ou le chiffre d’affaires ou les droits douaniers.

Que le gouvernement agisse en privant le nord de ces services. Que les Français amènent l’eau, l’électricité, le carburant et les communications. S’ils veulent le colonialisme, qu’ils paient pour leurs ambitions coloniales. Nul n’est besoin de guerre ni de conflits. Fermer les valves et les interrupteurs sur des bases commerciales. Ceci amènerait certainement le nord et ceux qui tirent les ficelles à une meilleure compréhension. La France n’a pas les moyens pour cela et cherche désespèrent a éviter que la Françafrique ne devienne un thème lors de la prochaine campagne électorale. Il est temps d’agir.

* Dr Gary K. Busch

Traduit de l’anglais par Elisabeth Nyffenegger

Source : http://pambazuka.org/fr