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Le grand arbre de la Françafrique refleurit-il en Guinée ?

D 16 juin 2009     H 21:40     A Touré     C 0 messages


Le « non » à la colonisation française, exprimé en 1958 face
au général de Gaulle par le peuple révolutionnaire de
Guinée a entraîne une « punition » systématique de ce
pays par la France. Cette dernière a, en fait, « saboté »
l’économie de la jeune Guinée indépendante en enlevant toutes
les technologies qu’elle pouvait emporter au moment de son
départ. Aujourd’hui, connaissant l’immensité des richesses du sol
et du sous-sol guinéens, la France ne voudrait pas rater l’occasion
de faire son « come-back ». Ce qu’elle ne contrôlait pas lors des
deux régimes précédents (sous Sékou Touré, de l’indépendance
en 1958 jusqu’à sa mort en 1984, puis sous Lansana Conté de
1984 jusqu’à fin 2008), le nouveau régime militaire actuellement
en place l’offrira t-il ?
Le secrétaire d’Etat français à la
Coopération, Alain Joyandet, a effectué
une visite en Guinée début janvier
2009, peu de temps après la prise du
pouvoir par des militaires sous la
direction de Moussa Dadis Camara, le
23 décembre 2008. Le ministre français
s’est permis de dire ce que le junte
devait faire pour que la France coopère
avec elle, à savoir nommer un
gouvernement civil et, ensuite,
organiser des élections. Pourtant, avant
son arrivée sur le sol guinéen, un
Premier Ministre civil (nommé par les
militaires du Conseil national pour la
démocratie et le développement CNDD) se trouvait déjà à la tête
du gouvernement. Le président militaire, Moussa Dadis Camara,
avait déjà annoncé publiquement que des élections seraient
organisées, une promesse qu’il avait fait aux partis politiques,
syndicats et organisations de la société civile. Comme s’il
s’agissait de se donner un prétexte pour entrer dans le « jeu »
guinéen, la France, par la voix de Joyandet, s’est dépêchée de
promettre rapidement son aide pour la mise en place des
élections. Paris n’accusera aucun retard pour tenter de tirer profit
du changement intervenu en Guinée. Alain Joyandet s’est attelé à
cette tâche en annonçant que Paris aidera financièrement la
commission chargée d’organiser les élections, et enverra un
juriste pour « rafraîchir » la Constitution guinéenne. Ces paroles
ont enflammé le coeur de nombreux intellectuels guinéens : le
ministre français faisait comme s’il n’existait pas de juristes de
valeur en Guinée ! Combien de juristes guinéens ont enseigné
dans des universités et facultés de droit, en France même ? Telle
était la question soulevée par ces Guinéens, sur un ton de
révolte, dès qu’ils ont appris la nouvelle dans les journaux.
Par ailleurs, comment qualifier ce « rafraîchissement »
annoncé de la Constitution par la France, si on se réfère aux cas
récents de la république du Togo et de la Côte-d’Ivoire ? Dans le
premier cas, la France a soutenu pendant plus de quatre
décennies, et soutient toujours un régime dictatorial détenu par
un seul clan familial, qu’elle a aidé à élaborer ses textes
juridiques et dont elle couvre les mascarades électorales. Dans le
second cas, elle a promis de contribuer à la tenue d’élections,
l’entreprise française Sagem – qui se fait bien évidemment
rémunérer ses services par les contribuables ivoiriens – ayant
procédé à la mise en place de nouveaux documents d’identité et
d’un nouveau registre d’électeurs. Or, les élections promises ne se
profilent toujours pas à l’horizon en Côte-d’Ivoire. Ce n’est pas le
cas de la république de Guinée, où le pouvoir en place a
publiquement annoncé la tenue d’élections législatives, le 11
octobre, de l’élection présidentielle, le 13 décembre. L’actuel
président militaire, Moussa Dadis Camara, a suivi en cela une
feuille de route qu’avaient élaborée des partis politiques
d’opposition et des associations représentant la « société civile ».
La France aimerait bien tirer son épingle du jeu, en profitant
notamment de la renégociation – annoncée par le régime – des
contrats miniers. Alors que jusqu’ici, les
richesses de la Guinée (notamment la
bauxite) étaient plutôt exploitées par des
intérêts nord-américains ou russes, la France
espère sortir grande gagnante d’un éventuel
changement de cocontractants. En attendant,
le peuple guinéen aimerait surtout que la
France revienne sur les conditions humiliantes
et extrêmement draconiennes d’accueil et
d’attribution des visas.

Touré et Berthold