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Nigeria : De Goodluck à Badluck

D 30 janvier 2012     H 12:07     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Pour de nombreux habitant-e-s du Nigeria, pays le plus peuplé
d’Afrique, le nom de leur président Goodluck Jonathan
(littéralement « Bonne chance Jonathan ») ne rime décidément
plus avec bonheur, mais plutôt avec malheur. Ainsi, la semaine
dernière à Lagos, la capitale économique du pays, de milliers de
manifestaient scandaient son nom transformé en « Badluck
Jonathan ».

Au 1er janvier, par surprise, le président en exercice de ce pays
de 160 millions d’habitants qui est le premier producteur pétrolier
d’Afrique (devant l’Angola, avec 2,4 millions de barils par jour)
annonça la suppression pure et simple des subventions sur le prix
du carburant. Jusqu’ici, l’essence était lourdement subventionnée
par l’État, pour environ huit milliards de dollars par an. Le
président annonça la fin de cette subvention, « afin d’investir
dans l’amélioration des infrastructures du pays ». Par ailleurs il
compte poursuivre « une dérégulation complète du secteur »,
afin de le laisser à l’initiative du capital privé.

Ce n’est pas la suppression de la subvention sur l’essence en soi,
qui est scandaleuse. Puisqu’elle soutient la consommation de
carburant sans aucune proportionnalité avec le revenu des
consommateurs/consommatrices, elle bénéficiait aussi aux
revenus supérieurs. Les classes moyennes et supérieures du
Nigeria aiment rouler en voiture de grosse cylindrée, gaspillant
énormément d’essence. Cela est contreproductif sur le plan social
tout en contribuant aux catastrophes écologiques, même si la
pollution pétrolière causée par les grandes entreprises du secteur
 à défaut de protections adéquates - dans le sud du pays (et
surtout dans le delta du Niger) est encore bien pire à cet égard.
Arrêter de faciliter le gaspillage de carburant et d’encourager la
pollution n’est donc pas un problème en soi. Mais aucune
compensation pour les populations pauvres n’étant prévue, alors
que 70 % des habitants du Nigeria vivent avec moins de deux
dollars par jour, c’est surtout celles-ci qui vont être pénalisées.
Alors qu’elles ne roulent pas en grosses voitures rutilantes, elles,
une partie non négligeable de leur budget était déjà consacrée
aux frais liés aux produits pétroliers. Que ce soit pour payer les
transports collectifs (bus, minibus) ou encore le carburant qui
alimente les générateurs électriques, dans un pays où les
coupures d’électricité sont fréquentes - comme dans tous les
États de la région -, les pauvres étaient déjà aux limites de leurs
capacités financières. Désormais, ces frais vont doubler, avec la
fin brusque des subventions.

A partir du lundi 09 janvier, les syndicats les plus importants du
pays, réunis en deux confédérations (Congrès des travailleurs du
Nigeria - Nigeria Labour Congress/NLC et Congrès des syndicats -
Trade Union Congress/TUC), entamèrent une grève générale
contre cette décision du gouvernement. Celle-ci affectaient de
nombreux secteurs, les transports collectifs étant en bonne partie
paralysés et beaucoup de commerces fermés, mais dans un
premier temps pas encore la production pétrolière elle-même,
concentrée dans le delta du Niger et sur des plateformes offshore.
Au début de la grève, les deux principaux syndicats du
secteurs restaient réticents à cette option, car il faut plusieurs
jours pour conduire une installation pétrolière à l’arrêt, et encore
plusieurs jours pour la faire redémarrer.

Berthod du Ryon