Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Ouest » Nigeria » Plus de 200000 Nigérians risquent de se retrouver à la rue

Plus de 200000 Nigérians risquent de se retrouver à la rue

D 7 novembre 2010     H 04:44     A     C 0 messages


Les autorités nigérianes doivent suspendre les projets de démolitions et d’expulsions dans les zones situées au bord de l’eau à Port-Harcourt, projets qui risquent de jeter à la rue plus de 200 000 personnes, a écrit Amnesty International dans un rapport publié ce jeudi 28 octobre 2010.

« Ce projet de démolitions risque fort de faire sombrer dans un dénuement encore plus grand des centaines de milliers de Nigérians parmi les plus vulnérables, a indiqué Tawanda Hondora, directeur adjoint d’Amnesty International pour l’Afrique.

« Le gouvernement doit bloquer les expulsions dans les zones situées au bord de l’eau tant qu’il ne garantit pas qu’elles sont conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. »

D’après le gouvernement de l’État de Rivers, il est nécessaire de démolir les habitations situées au bord de l’eau en vue de réaliser le plan d’aménagement du Grand Port-Harcourt, projet de rénovation urbaine lancé en 2009.

L’aménagement d’une promenade au fil de l’eau est l’un des grands axes de ce plan d’aménagement, qui couvre toute la ville, mais tous les détails n’ont pas été divulgués.

« Les communautés touchées n’ont pas été dûment consultées sur ces projets de rénovation urbaine, ce qui a engendré beaucoup d’incertitude et d’insécurité, a expliqué Tawanda Hondora.

« Le gouvernement doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour proposer d’autres solutions que l’expulsion, et n’y recourir qu’en dernier ressort. »

Les autorités nigérianes n’ont rien prévu en termes de relogement pour les centaines de milliers de personnes qui risquent d’être expulsées.

Le 28 août 2009, Njemanze, quartier situé au bord de l’eau, a été démoli dans le cadre du projet de rénovation urbaine. On estime que plus de 13 000 personnes ont été expulsées de force sans préavis suffisant. Elles ont perdu leur logement et, bien souvent, leurs affaires et leurs moyens de subsistance. Un an plus tard, beaucoup sont toujours à la rue.

Chidi Ekiyor, 15 ans, dort sous un échangeur routier depuis que la maison qu’il partageait avec sa tante à Njemanze a été rasée. Il a raconté à Amnesty International qu’il avait été arrêté cinq fois depuis qu’il n’a plus de toit. Bien souvent, la nuit, Chidi Ekiyor et d’autres garçons sont harcelés par les policiers ou des garçons plus âgés qui les volent et les frappent.

« Le problème c’est l’argent, a affirmé Charity Roberts, institutrice qui vit dans une maison destinée à être démolie. Actuellement, les gens n’ont même pas de quoi se nourrir. Comment pourraient-ils se reloger ? D’aucuns tirent leur subsistance d’activités liées à l’eau [notamment de la pêche]. Que peuvent-ils faire ? »

Le gouvernement de l’État de Rivers assure qu’il a mis en place un programme de rachat et qu’il a acquis toutes les propriétés situées au bord de l’eau et versé aux propriétaires une indemnité compensatoire.

Toutefois, aux termes de ce programme, les locataires, qui forment la grande majorité de la population concernée, ne sont absolument pas pris en compte et ne peuvent faire valoir aucun droit à prestation. En outre, les propriétaires qui ne souhaitent pas vendre leur bien ne se voient proposer aucune autre solution.

« Le Nigeria a adopté des textes de loi visant à protéger les locataires des propriétaires peu scrupuleux. Il est pour le moins hypocrite que le gouvernement d’État, une fois devenu propriétaire, bafoue ses propres règles », a déploré Tawanda Hondora.

Amnesty International engage les autorités nigérianes à mettre un terme à toutes les expulsions forcées tant que ne sont pas mises en place toutes les garanties nécessaires pour que les expulsions se déroulent dans le respect du droit international relatif aux droits humains. Elles doivent notamment mettre sur pied un programme de relogement afin de proposer des solutions adéquates aux habitants.

Elles doivent aussi mener une véritable consultation auprès de la population concernant le plan d’aménagement du Grand Port-Harcourt et veiller à ce qu’il respecte les normes internationales, notamment le droit à un logement convenable.

Par ailleurs, Amnesty International est préoccupée par le recours excessif à la force, notamment à l’usage illégal d’armes à feu, dont font preuve les forces de sécurité lors des opérations d’expulsions forcées. En octobre 2009, une personne est morte et 12 au moins ont été grièvement blessées par balle dans le quartier de Bundu, lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule qui protestait contre les projets de démolition dans ce secteur.

Source : http://www.amnesty.org/fr