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COORDONNATEUR DE LA COALITION NATIONALE NON AUX APE : « Le Sénégal marche, accélère et décolle uniquement pour Macky Sall, Niasse, Tanor et la bourgeoisie bureaucratique au pouvoir »

D 20 novembre 2016     H 00:12     A Guy Marius SAGNA     C 0 messages


Samedi 19 Novembre 2016
« Pour le reste du pays, le Sénégal rampe, stagne et va sombrer », « Les peuples africains auront le dernier mot contre l’impérialisme européen et ses collabos de Présidents », « La démocratie sous Macky Sall rime avec les interdictions de marches et autres manifestations patriotiques », « Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal, il est vraiment possible d’imposer au pouvoir la cohabitation à l’Assemblée nationale ». Voilà ramassées quelques unes des convictions dégagées par Guy Marius Sagna dans cette interview exclusive à lire absolument.

EXCLUSIF- GUY MARIUS SAGNA, COORDONNATEUR DE LA COALITION NATIONALE NON AUX APE : « Le Sénégal marche, accélère et décolle uniquement pour Macky Sall, Niasse, Tanor et la bourgeoisie bureaucratique au pouvoir »

1) Vous vous êtes révélé aux sénégalais grâce à votre acharnement dans la lutte contre la signature des Ape par les pays africains. Malgré tout, vous n’avez pas obtenu gain de cause. Quelles conclusions en tirez-vous ?

Ce n’est pas ma personne que la Coalition Nationale NON AUX APE cherche à révéler. Notre volonté était – et demeure toujours- de travailler à faire connaître les APE à davantage de nos concitoyens afin qu’ils s’approprient ce combat.

A terme, l’objectif de la Coalition Nationale NON AUX APE est que le peuple rejette ces Accords au profit de l’Europe. Les faiblesses du mouvement social sénégalais contre l’APE, les faiblesses de la Coalition Nationale NON AUX APE ainsi que les faiblesses de la presse expliquent ma sur-médiatisation.

« La personnification d’une lutte ou d’un mouvement n’est jamais une bonne chose »

Sur-médiatisation qui sera corrigée car nous pensons que la personnification d’une lutte ou d’un mouvement n’est jamais une bonne chose. Mais cette sur-médiatisation ne remettra jamais en cause le fait que cette lutte est une lutte collective de femmes et d’hommes au Sénégal et dans la diaspora, de sénégalais et de non sénégalais dont je ne suis qu’un des porte-paroles.

Notre pays a une tare que j’appellerai « complexe des quatre communes ». C’est seulement quand Dakar parle de vous que vous vous « révélez ». Mais Koungheul avec des luttes pour une gestion démocratique des intrants agricoles et une démocratie populaire municipale, Tambacounda avec le M23, les animateurs polyvalents des cases des tout-petits et les problèmes fonciers à Wassadou près du parc Niokolokoba, Sédhiou avec les luttes internes au Sutsas pour un syndicalisme démocratique et pour une gestion démocratique de l’hôpital régional pour ne citer que ces localités et les luttes auxquelles j’ai participé n’ont pas attendu la lutte contre l’APE pour me découvrir.

« Le peuple sénégalais a perdu la bataille contre la signature de l’APE »

Bertolt Brech disait « nos défaites voyez-vous, ne prouvent rien, sinon que nous sommes trop peu nombreux à lutter contre l’infamie (…) ». Autrement dit, la lutte contre les APE est juste et légitime. Mais nous n’avons pas encore réussi à édifier un rapport de force pour faire reculer le président Macky Sall et ses pairs ouest-africains qui ont signé l’APE avec l’Union Européenne.

« Même si l’Ape est ratifié, la lutte continuera »

Cependant la lutte est loin d’être terminée. La Coalition Nationale NON AUX APE estime que même si l’APE est ratifié, la lutte continuera. Or, après la signature, l’APE doit être présenté aux parlements nationaux pour ratification. Donc la lutte continue. Et nous sommes persuadés que les peuples auront le dernier mot contre l’impérialisme européen et ses collabos de Présidents.

Beaucoup de signes nous amènent à être optimistes : plus d’une centaine d’intellectuels, d’hommes politiques, de leaders syndicaux, de députés sénégalais ont rendu publique une pétition contre l’APE, des partis politiques de la majorité comme de l’opposition rejettent l’APE, certains estimant que « l’APE est un anti PSE », les media sénégalais et internationaux parlent beaucoup plus de l’APE qu’avant…

2) Vous parlez de perspectives apocalyptiques pour ces pays. Pourquoi ?

L’APE entre l’Afrique de l’Ouest et l’Union Européenne a pour objectif d’enlever totalement les droits de douanes sur 75% des marchandises en provenance de l’Union Européenne. Si 75% des marchandises provenant des 27 pays de l’UE entrent dans les 16 pays de l’Afrique de l’Ouest sans payer de droit de douane, nos Etats vont perdre des recettes douanières et donc des recettes budgétaires.

« Pour un pays comme le Sénégal, on estime à 75 milliards de francs CFA les pertes de recettes douanières dès la première année d’application de l’APE. A 240 milliards de francs CFA par an les pertes de recettes budgétaires à partir de la première année »

C’est énorme pour un Etat qui n’arrive pas à payer depuis 12 mois des bourses à des médecins en spécialisation, pour un Etat qui a des difficultés à résorber 6000 abris provisoires, pour un Etat qui veut demander 10.000 francs pour octroyer une carte d’identité…C’est cela l’Apocalypse !

75% des marchandises en provenance de l’UE ne payant plus de droit de douane seront beaucoup plus compétitifs que les marchandises similaires ou identiques produites localement. Cela entrainera une fermeture de Pme et Pmi, une faillite des agriculteurs et éleveurs. Ce qui signifie plus de chômage, de pauvreté, de violence, de mortalités, d’emprisonnements, de sénégalais qui vont mourir dans le désert du Sahara, l’océan atlantique et la mer méditerranée…alors que comme on l’a vu plus haut, l’Etat aura moins de ressources. C’est cela l’Apocalypse.

3) Pour un pays comme le Sénégal, quelles peuvent être les incidences en cas d’application des Ape sur le Plan Sénégal émergent (Pse) par exemple ?

Si par émergence, le pouvoir en place entend sortie du sous-développement pour aller à une société émergente, l’APE comme l’a dit récemment le PIT est un anti-PSE. L’APE va accentuer le sous-développement, la pauvreté, le chômage…

Si par contre le PSE est le contraire d’un Plan Sénégal Souverain visant à faire du Sénégal un marché émergent, l’APE est conforme au PSE car il va renforcer notre domination et partant la division internationale du travail dans laquelle nos pays africains occuperont la place de consommateur, d’un souk pour multinationales européennes où tout se vend et rien ou presque ne se produit.

4) Que faut-il faire maintenant pour rectifier le tir ?

Il faut suspendre ou bloquer le processus menant à l’APE. Le président Macky Sall l’a signé. Le Sénégal ne doit pas aller plus loin que cette signature. Le Président de la République et son gouvernement peuvent bloquer ce processus en invoquant que les négociations avaient été faites avec une UE des 28.

« Le Brexit est un excellent prétexte pour reconsidérer la signature des Ape »

Et qu’avec le Brexit qui fait qu’on se retrouve - sans la Grande Bretagne - avec une UE des 27 il faut reconsidérer les choses au moins doublement. Premièrement, les marchandises des 16 pays de l’Afrique de l’Ouest auront-elles accès à la Grande Bretagne sans droit de douane et sans quotas ? Si non, le jeu en vaudra t-il toujours la chandelle ?

Deuxièmement, le prétendu Programme des APE pour le développement (PAPED) à travers lequel l’UE promet la chimère de 6,5 milliards d’euros d’aide en 5 ans aux 16 pays d’Afrique de l’Ouest va-t-il se réduire avec la sortie de la Grande Bretagne ? Si oui de combien ? Le jeu continuera t-il à en valoir la chandelle quand on sait que déjà les 6,5 milliards d’euros équivaudront à donner à chaque africain de l’ouest entre 2,5 et 4 euros chaque année ? Voilà ce que le président Macky Sall et ses pairs peuvent invoquer pour suspendre le processus.

Autre chose qu’ils peuvent faire et le combiner avec ce qui a été dit ci-dessus, est de suivre la société civile ouest-africaine qui en 2014 avait suggéré de rejeter l’APE et de taxer à 0,5% toutes les marchandises hors Afrique de l’Ouest. Cette somme collecter permettrait de payer les taxes des marchandises de la Côte d’Ivoire et du Ghana qui ne sont pas des PMA (Pays les moins Avancés) et dont les produits vont devoir payer des droits de douane pour entrer dans le marché de l’UE en cas de non adoption de l’APE.

Il n’est pas trop tard. Et nous demandons à ceux et celles que le Président de la République du Sénégal écoute de lui faire part de ces possibilités pour éviter l’Apocalypse à son peuple.

5) Abordons le volet politique maintenant. Vous êtes membre du Secrétariat permanent de Yoonu Askan Wi. Vous avez été arrêté à plusieurs reprises. Comment jugez-vous l’état des libertés démocratiques aujourd’hui au Sénégal ?

Vous semblez sous-entendre que l’APE ne fait pas partie du volet politique. Détrompez-vous ! L’APE est au cœur de la gestion des affaires de la cité Sénégal. Nous membres de la Coalition Nationale NON AUX APE ne sommes pas d’accord avec une gestion de la cité Sénégal où les affaires ne sont pas démocratiquement discutées, où des décisions sont prises au profit du capital européen et au détriment des peuples de l’Afrique de l’Ouest, où nos peuples seront condamnés à plus de misère, de maladie…L’APE est une question éminemment politique.

12 membres de la Coalition Nationale NON AUX APE ont été arrêtés rien qu’en 2016 dans le cadre de la lutte contre les APE. Et moi-même à quatre reprises pendant l’année 2016.

Je suis en effet membre du secrétariat permanent de Yoonu Askan Wi/Mouvement pour l’autonomie populaire où j’anime la commission politique, plénipotentiaire à la confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS) et plénipotentiaire aux Forces de l’Espoir. Je suis également le chargé de la vie politique du front National de Salut public/Moom Sa Réew. Et je participe au recrutement de militants pour le compte de Pastef-Les patriotes.

La CDS avait écrit au Président de la République pour une rencontre au sujet du référendum avant le 20 mars. Jusqu’au moment où je vous parle, le Président n’a pas répondu à cette demande de rencontre qui lui a été adressée au sujet d’une question qui concerne tous les sénégalais.

Avant cela, le chef de l’Etat avait enlevé le coordonnateur de la CDS, le professeur Pape Demba Sy de la tête d’une commission du Conseil économique social et environnemental (CESE) du simple fait qu’il se trouve à la tête de la CDS qui regroupent des organisations politiques qui se réclament de la gauche. Voilà l’état des libertés au Sénégal.

Avant cela, le Front National de Salut Public/ Moom Sa Réew dirigé par Malick Noël Seck a voulu organiser un contre-sommet de la francophonie. Aucune des activités de ce contre-sommet de la francophonie n’a eu lieu. De la conférence devant se tenir à Ucad II à la marche en passant par le colloque que devait abriter le siège de la fondation Rosa Luxembourg, tout a été interdit jusque et y compris avec des camions de gendarmes. C’est cela la démocratie sous Macky.

« La démocratie sous Macky Sall rime avec l’interdiction des marches et autres manifestations patriotiques »

Yoonu Askan Wi/Mouvement pour l’Autonomie populaire, avant de quitter la coalition Benno bokk Yakar, a exprimé son désaccord avec le PSE néo colonial pour inviter à un Plan Sénégal Indépendant (PSI). Son seul député, Madame Haoua Dia Thiam, qui était présidente de commission à l’Assemblée nationale a vu cette présidence lui être retirée.

Le patriote Ousmane Sonko, au lieu d’être décoré pour service rendu au peuple avec les questions que lui et Pastef n’ont cessé de poser sur la gestion démocratique à l’Assemblée, sur nos ressources naturelles et au niveau du ministère de l’Economie et des finances, s’est vu traduit devant une parodie de Conseil de discipline qui l’a révoqué. Yoonu Askan Wi a vu sa lettre d’information pour un rassemblement de soutien à Sonko déchirée par la préfecture de Dakar.

Les médecins en spécialisation qui courent derrière 12 mois d’arriérés de bourse ont été interdits de marche après les interdictions faites au syndicat des travailleurs des Impôts et domaines de tenir leur réunion à la Chambre de commerce de Dakar et aux organisations de droit de l’homme de tenir un rassemblement à la place de l’Obélisque.

La liste des atteintes aux libertés des citoyens est très longue. Et parfois elles prennent des formes caricaturales comme lorsque Sonko et moi, dans l’hémicycle, avons été invités par des gendarmes à ranger feuilles et stylos quand le Premier ministre est passé tout dernièrement à l’Assemblée nationale.

« Parfois, les atteintes aux libertés des citoyens prennent des formes caricaturales »

Où encore quand le Directeur du Centre culturel Blaise Senghor qui autorise la présentation de l’ouvrage collectif « Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profite le franc CFA ? » demande à la Coalition Nationale NON AUX APE qui y était représentée de remballer tous les documents et T-shirts relatifs aux APE. Il ajoutera que s’il savait qu’il y aurait aussi des choses parlant des APE, il aurait demandé d’aller chercher une autorisation au niveau des autorités administratives.

Cette oppression politique est le complément nécessaire de l’oppression économique dont le peuple est victime. Pour permettre au capital étranger de s’accaparer de 97% de notre or, de plus de 80% de notre pétrole, de notre zircon dans des proportions sans doute similaires, de nos poissons, de notre Sonatel, de notre chemin de fer, de notre système bancaire et d’assurance, de nos réserves de franc CFA et en rajouter une couche avec l’APE, il faut instaurer un système politique oppresseur.

Ce système politique devra garantir dans la quiétude à la fois la perpétuation de cette oppression économique en empêchant ceux qui sont contre le système (patriotes, nationalistes, anti capitalistes, anti-libéraux) d’accéder au pouvoir mais également contre les collabos divergents qui cherchent à remplacer les collabos actuellement au pouvoir et non le système.

Ce qui fait que sur la question des libertés, les différents opposants sont confrontés à la même oppression sans avoir le même objectif stratégique. Cela, ceux qui cherchent à changer le système doivent le garder à l’esprit tout en étant capables de nouer des alliances pour faire face à l’oppression politique.

Autrement dit, cette oppression politique n’est pas étonnante. C’est dans l’ordre normal des choses dans une néo-colonie où depuis 2012, au lieu d’assister à une transformation structurelle des relations du Sénégal avec le reste du monde, on constate plutôt un renforcement de la domination et du pillage de notre pays.

Or vous ne pouvez pas maintenir un peuple dans plus de 50% d’analphabétisme, dans plus de 45% de pauvreté, avec plus de 500.000 citoyens dans l’insécurité alimentaire, avec 6000 abris provisoires et plus de 60% de taux d’échec au Bac ces trois dernières années, avec12 régions sans radiologues et 08 régions sans ophtalmologue, avec 76 enfants de moins de cinq ans qui meurent tous les jours de maladies bénignes et 4 femmes qui meurent tous les jours d’une grossesse ou de ses suites…sans un système politique d’oppression qui empêche aux opprimés de se révolter pour mettre à bas cet Etat.

Il y a dans le domaine des libertés démocratiques un vrai recul. Ce recul est inversement proportionnel au renforcement de la présence étrangère au Sénégal. Tout autre Président, parti politique ou coalition de partis politiques à la place de son Excellence Macky Sall, de l’APR et de Benno Bokk Yakar serait confronté aux deux termes de l’alternative : sortir le Sénégal du néo colonialisme en crise ou sortir le néo colonialisme sénégalais de la crise ?

Le président Macky Sall, l’APR et Benno Bokk Yaakar ont fait l’option de rester dans le néo colonialisme qui opprime le peuple. Donc ,ils vont continuer nécessairement à réprimer le peuple opprimé qui cherche nécessairement à sortir de cette oppression.

Cette régression sur le plan des libertés ne nous fait cependant pas idéaliser la situation antérieure ou être nostalgique de la situation des libertés sous les régimes précédents.
La question que cette oppression politique doit amener les patriotes de ce pays à se poser est celle-ci : quelles sortes de politiques seraient nécessaires pour que la majorité du peuple ne soit plus économiquement et socialement opprimée ?

Et ce qui est sûr, c’est qu’un Etat néo colonial ne peut répondre durablement à cette question. D’où la nécessité pour les patriotes, les nationalistes, la gauche révolutionnaire et les communistes de se battre pour un Sénégal libéré, enfin souverain.

5) Macky Sall vient de déclarer que « le pays marche, accélère et va décoller ». Que vous inspirent ces propos ?

Le Sénégal marche, accélère et décolle pour le Président avec ces 8 milliards de fonds secrets, pour les présidents de l’assemblée nationale et du HCCT avec leurs 500 millions de fonds secrets, pour les députés, les membres du CESE et du HCCT, les conjoints des diplomates…en un mot pour la bourgeoisie bureaucratique actuellement au pouvoir.

Le Sénégal marche aussi, accélère et décolle pour la Senac, l’Union Européenne, les banques françaises, les assurances marocaines, les Franck Timis, les compagnies minières, pour le Trésor français qui contrôle son CFA, pour France Télécom qui « filialise » notre Sonatel, pour Nécotrans…le capital étranger en général.

« Pour le reste du pays, le Sénégal rampe, stagne et va sombrer »

Enormément d’enfants de moins de cinq ans, de femmes, de jeunes…meurent d’infection respiratoires aïgues, de grossesse, dans l’Atlantique quand ils ne sont pas tenaillés par l’insécurité alimentaire, le chômage, la pauvreté…alors qu’ils auraient pu vivre. Ils auraient pu vivre beaucoup plus longtemps et dignement avec les ressources doublement pillés par la bourgeoisie bureaucratique et le capital étranger.

Le Sénégal va sombrer s’il continue de s’inscrire dans le « doing business », dans l’APE et de se transformer en ring d’affrontement commercial et militaire pour l’Union Européenne, la France, les Etats-Unis.

6) Il y a des désaccords sérieux sur au moins huit points concernant le fichier électoral. Selon vous, une entente entre le pouvoir et l’opposition est-elle encore possible sur le processus électoral ?

Constatons d’abord que le mode de scrutin n’est anti démocratique pour les partis qui dirigent ce pays depuis plus d’un demi-siècle que lorsqu’ils se retrouvent dans l’opposition. Ajoutons aussi que les scandales que constituent l’institutionnalisation d’une démocratie censitaire avec des cautions de 65 et 25 millions pour pouvoir participer aux élection présidentielles et législatives ne sont pas dénoncés par ceux qui sont au pouvoir où, qui au contact du pouvoir, s’y sont enrichis indûment.

Et que seul le parti-Etat a suffisamment de moyens pour être représenté dans toutes les commissions administratives. C’est dire que nous avons une démocratie oligarchique qui comme aux Etats-Unis ou en France impose une bipolarisation de la vie politique en sociaux libéraux et libéraux sociaux dans le but d’exclure les antisystèmes porteurs d’une alternative patriotique, nationaliste, panafricaine, anti libérale et anti capitaliste de transformation radicale de notre société et partant de transformation des rapports de notre pays avec le reste du monde.

La conquête démocratique du pouvoir passant aussi par les élections, le processus électoral est important. Mais il s’agit pour les forces progressistes d’édifier un rapport de force qui permet au pouvoir de reculer ou qui permet de gagner les élections malgré tout ce que le pouvoir fera. Et un tel rapport de force ne se construira qu’avec le peuple conscient que son oppression économique et sociale est le résultat d’un système dont il faut se débarrasser par tous les moyens.

7) L’opposition suspecte le pouvoir d’œuvrer à réunir les conditions d’un report des Législatives de 2017. Qu’en pensez-vous ?

Le rythme de confection des nouvelles cartes biométriques est encore lent. Cela nous amène en effet à penser que les conditions sont en train d’être réunies pour justifier un report de ces élections.

« Pour la première fois au Sénégal, il est possible d’imposer au pouvoir la cohabitation à l’Assemblée nationale »

Au-delà de la confection des nouvelles cartes biométriques, il y a le fait que pour la première fois peut-être dans l’histoire du Sénégal, il y a une possibilité d’imposer la cohabitation à l’Assemblée nationale à la coalition du Président. Cette perspective qui n’est pas une vue de l’esprit encourage certains à proposer un report des élections législatives et éventuellement son couplage à l’élection présidentielle.

8) On vous a peu entendu sur le débat concernant la gestion de nos ressources pétrolières et gazières. Quel est votre avis sur cette question ?

Ce débat est salutaire. Le président du comité national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) lui-même le reconnaît. Ce débat pose la question de la gestion démocratique de nos ressources pétrolières et gazières. Mais également de la gestion démocratique de notre or, de notre zircon, de nos ressources halieutiques…de toutes nos ressources. Cet aspect du débat est important. Il faut le poursuivre.

Mais il y a un autre aspect du débat qui n’a pas encore été posé. Même si la gestion démocratique des ressources été réalisée, le Sénégal serait tout de même menacé par la maladie hollandaise. Les rentrées de devises combinées à une monnaie néo coloniale, le franc CFA, caractérisée par son taux de change fixe rendrait nos produits d’exportation pas du tout compétitifs du fait de l’appréciation de notre monnaie.

Du coup, cela provoquerait la faillite de nos entreprises d’exportation. Et si l’APE est appliqué, ce serait l’estocade. Résultat, le Sénégal serait extrêmement dépendant des fluctuations du cours du baril de pétrole. De cela, il nous faut aussi discuter pour envisager les décisions patriotiques à prendre : refuser l’APE et sortir du franc CFA.

Car le Sénégal auquel nous aspirons ne peut être ce Nigéria ou ce Venezuela par exemple pris en otage par des bourses et souvent en proie à des pénuries.

Et le fait que l’écrasante majorité de la classe politique sénégalaise ne parle que de gestion démocratique du pétrole révèle, s’il en était encore besoin, qu’il n’est pas question pour elle de rompre avec le CFA, l’APE, en un mot, l’impérialisme. Or c’est justement de cela dont il est question, d’une rupture d’avec ce cancer qu’est l’impérialisme.

Guy Marius SAGNA email : guymarius_sagna@yahoo.fr Tèl : 77 524 94 41