Vous êtes ici : Accueil » Afrique de l’Ouest » Sénégal » L’ÉTAU DE LA PRIVATISATION DES SEMENCES SE RESSERRE EN CADENCE ACCÉLÉRÉE (...)

L’ÉTAU DE LA PRIVATISATION DES SEMENCES SE RESSERRE EN CADENCE ACCÉLÉRÉE SUR LE PAYSAN SÉNÉGALAIS ET AFRICAIN

D 16 juillet 2015     H 05:02     A     C 0 messages


Le rôle crucial des semences dans la production, l’alimentation, l’économie et la survie des communautés paysannes – majoritaires au Sénégal et en Afrique – n’est plus à démontrer. La sélection variétale, la reproduction des semences et leurs échanges entre paysan-ne-s et entre communautés ont permis depuis la nuit des temps de maintenir et développer une biodiversité semencière qui répond parfaitement aux conditions changeantes, aux besoins alimentaires et nutritionnels, mais aussi aux besoins économiques. Malheureusement, avec une cupidité sans bornes, certaines personnes et structures prennent la semence comme une opportunité d’affaires, méprisant le coût environnemental, économique et les bouleversements sociaux qui en découleront dans nos pays.

Une série de mesures législatives a été prise dans l’objectif de privatiser les semences en Afrique.
D’après le règlement adopté en 2008 par la Cedeao, seules les semences de variétés inscrites au Catalogue national et régional peuvent être multipliées pour la certification et la vente. C’est une mesure qui vise à supprimer les semences paysannes qui pourtant constituent la base de la biodiversité agricole, et ceci au moment, où la communauté internationale s’inquiète de l’érosion dramatique de la biodiversité agricole, qui met en péril l’agriculture et l’alimentation mondiale.

En s’engageant dans la Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (Nasan) en 2012, le Sénégal et quelques pays d’Afrique se sont engagés à réformer leur législation semencière au profit de l’industrie semencière et au détriment de millions de paysan-ne-s qui comptent sur des semences reproductibles pour vivre et travailler. En décembre 2014, sous la pression de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’espace de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a harmonisé en force sa législation semencière afin de dégager la voie à son projet Wasp (West African Seed Project) qui intervient essentiellement sur les semences "maïs, sorgho, riz et niébé". Des cultures qui sont à la base de l’alimentation en Afrique de l’Ouest sont en train ainsi de passer sous le contrôle de firmes qui brandissent comme arguments : elles sont plus productives – elles sont plus précoces, elles sont certifiées, elles ont un bon taux de germination...

Il n’est pas explicitement dit aux paysan-ne-s qui l’utilisent que dans le cas des semences hybrides, fréquemment utilisées pour le maïs et le sorgho, seule la première génération peut être utilisée, qu’ils (elles) ne peuvent pas les reproduire, les réutiliser et qu’ils (elles) doivent retourner à la boutique pour se réapprovisionner chaque année.

Pour les nombreux cas du très faible taux de germination ou de non germination de leurs semences, les entreprises n’ont aucune redevabilité face aux paysan-ne-s. Or dans les rares cas où c’est la semence paysanne qui a eu un léger dysfonctionnement, on diabolise l’acteur et son produit. Pourtant c’est sa semence qui est à la base de toutes les créations variétales ; c’est sa semence qui satisfait aux besoins nutritionnels du fait de sa riche diversité génétique.

Les communautés paysannes veulent et doivent cultiver leurs propres semences, les semences qu’elles ont héritées de leurs ancêtres, mes semences adaptées qui ont permis la survie des communautés paysannes pendant les périodes difficiles.

Dans la nouvelle législation qui ne vise qu’à promouvoir des semences industrielles très dépendantes de paquets technologiques, coûteux sur les plans économiques et écologiques, les limites sur leurs valeurs nutritionnelles veulent être corrigées par l’apport d’additifs synthétiques tel qu’envisagé à travers la NASAN. Or ce sont ces additifs qui seraient à l’origine de la plupart des maladies dites nouvelles : diabète, cancer, ulcère, etc.

LA NASAN vise à faciliter la participation du secteur privé dans la filière de semences africaines pour permettre aux entreprises privées anonymes de s’accaparer des activités profitables de la filière, tout en laissant au secteur public de s’occuper de nombreuses activités moins lucratives.

Citoyens concernés, signataires de la présente pétition, nous exigeons la souveraineté alimentaire. Elle va au-delà de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Nous réclamons une gouvernance agricole et alimentaire très participative et inclusive. Nul n’est mieux placé que l’agriculteur pour identifier son problème et donner des pistes de solution.

Nous exigeons que la recherche soit orientée vers des besoins exprimées par la demande des communautés, plutôt que d’être une recherche définie depuis l’extérieur par les intérêts néo-colonialistes.

Nous dénonçons l’aveuglement de nos gouvernements qui sont ouverts à la privatisation des semences, sans tenir compte de l’histoire de leurs peuples qui considèrent la semence comme patrimoine collectif, incompatible avec l’intérêt privé.

Nous dénonçons le manque de compétence de nos législateurs qui ont adopté les législations nationale et sous régionale ouvrant les portes aux semences Ogm, sous la pression des firmes, et sans avoir une bonne connaissance de la problématique des Ogm.

Nous dénonçons l’aveuglement de nos gouvernements qui sont pressés de proclamer d’être intéressés par les semences OGM, en écoutant l’avis des experts sensibles à l’argent de Monsanto, et sans tenir compte ni de l’avis des paysans, opposés, dans leur majorité aux OGM, ni de la réalité de terrain, notamment de l’amère expérience de coton Ogm au Burkina Faso.

Nous demandons à nos experts d’arrêter de privilégier leur intérêt personnel et dire la vérité sur les Ogm : nul part dans le monde, les OGM n’ont permit d’augmenter les rendements, ni de diminuer les traitements insecticides des cultures, mais ils ont amené la pollution, la stérilisation des sols et des problèmes de santé.

Nous demandons à nos gouvernements de porter l’intérêt pour le développement de nos structures nationales de recherche et de formation agricole, et de ne pas les laisser à être piétiner par l’USAID, et d’autres intérêts extérieurs.

Nous indignons de voir nos Etats accélérer l’adoption d’une législation semencière suicidaire pour les millions de paysan-ne-s, au moment où :
 au niveau international, le Tirpaa- ratifié par le Sénégal- proclame la reconnaissance des droits des paysans sur les semences et demande aux Etats signataires de prendre des mesures, notamment législatives, pour concrétiser la reconnaissance des droits des paysans ;
 au niveau continental on songe à remettre sur la table La Loi modèle, une loi Africaine qui montre que Nous Sommes La solution à nos maux.

Famara Diédhiou, Fahamu Africa, secrétaire général de la Plateforme nationale pour l’agriculture écologique et biologique

Source : http://pambazuka.org/