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La Sénégambie, la CEDEAO, l’Afrique et les APE : « Black-outé » au Sénégal, motif d’un coup d’Etat en Gambie…

D 7 janvier 2015     H 11:47     A Guy Marius SAGNA     C 0 messages


Les APE ont fait l’objet d’un silence assourdissant lors du message à la nation du président sénégalais le 31 décembre 2014 alors qu’ils ont été un coup de tonnerre - à travers cette tentative de coup d’état en Gambie dans la nuit du 29 au 30 décembre - dans un ciel faussement serein en écho à la conférence de presse des leaders des organisations membres de la Coalition nationale NON AUX APE du 30 décembre 2014 au Sénégal. Macky tente d’étouffer le débat national sur les APE au Sénégal, ses maîtres impérialistes tentent d’étouffer le débat international sur les APE par le coup d’état en Gambie. Absent le plus présent ou présent le plus absent, ils lui ferment la porte ici et tentent de lui fermer la fenêtre par là.

Toutes les aspirations populaires absentes du message du président sénégalais et les insuffisances dans ce qu’il a énoncé et annoncé tiennent notamment du fait que les ressources du Sénégal sont limitées.
Le Sénégal devait produire 20.000 cartes d’égalité des chances en 2014 au profit des personnes vivant en situation de handicap. La première carte se fait encore attendre. Pourquoi ? Les animateurs polyvalents des cases des tout petits se voient recyclés comme agents de sécurités de proximité plutôt que de tenir les promesses que l’Etat leur avait faites. Pourquoi ? L’Etat du Sénégal a attendu des mois après la réduction du prix du baril du pétrole, après la pression de l’opinion publique, pour réduire les prix du carburant. Pourquoi ? Les « 1.400.000 unités de matériels agricoles divers subventionnés à hauteur de 70% » annoncés par le chef de l’Etat sénégalais feront l’objet d’un tirage au sort pour déterminer quel producteur sera le bénéficiaire d’un matériel agricole dans cette commune de 60 villages. Pourquoi ? Pourquoi ce n’est qu’en 2017, et encore, que le programme national d’électrification rurale « devrait » permettre d’atteindre un taux de couverture de 60% de la zone rurale ? Le Sénégal compte dans l’éducation 6.763 classes appelées « abris provisoires » dont 1.226 à Sédhiou et 495 à Goudomp. Pourquoi ? Parce que les obligations de l’Etat sont déterminées par les cordons de la bourse que le chef de l’état sénégalais a décidé, avec ses compères de la CEDEAO, de réduire pour le cas du Sénégal à hauteur de 10 ou 11%.
Pour la Gambie, 20% de ses revenus fiscaux sont constitués des recettes douanières.
Le 24 janvier 2014, dans le cadre des APE, à Dakar le président sénégalais disait que l’objectif était de « sauver l’intégration tout en sauvegardant l’intérêt de nos populations ».
Où est l’intérêt des peuples dans tout cela ? Et que vaut une CEDEAO, c’est-à-dire une intégration, contre les peuples ? Si les 2/3 des parlements de la CEDEAO valident la forfaiture des chefs d’état, ils auront consacré la CEDEAO comme héritière de l’AOF et de l’AEF. Une CEDEAO au service des anciens colons.
C’est la raison pour laquelle, le 02 octobre 2013, la Gambie a pris la décision courageuse de se retirer du Commonwealth un an avant l’accueil par le Sénégal du sommet de la francophonie. La Gambie de dire : « nous ne serons plus membre d’un bloc ou d’une organisation sous-régionale qui permettra l’exploitation raciste perpétuelle, le pillage et l’humiliation de l’Afrique ». Dans cette perspective, la Gambie n’est pas favorable aux APE. « La Gambie ne participera jamais à un prétendu accord (…) conçu pour continuer à exploiter et appauvrir le continent africain ». « Nous préférions mourir plutôt que d’être colonisés deux fois » ajoute-t-elle. C’est cela la véritable raison de la tentative de coup d’état de la nuit du 29 au 30 décembre 2014. A qui profite le crime ? Mettre sous coupe réglée la Gambie et faciliter le déroulement de la feuille de route recolonisatrice de l’Afrique que sont les APE sont en tout cas la seule motivation de ce coup d’état réactionnaire.
Et le philosophe italien Domenico Losurdo de résumer les enjeux actuels. « A part des cas tragiques, comme celui du peuple palestinien qui est contraint à subir le colonialisme dans sa forme classique et la plus brutale, dans les autres pays la lutte anticoloniale est passée de la phase proprement politico-militaire à la phase politico-économique. Ces pays essaient de s’assurer une indépendance qui n’est plus seulement politique mais aussi économique ; ils sont donc engagés à rompre le monopole technologique que les Etats-Unis et l’impérialisme avaient cru conquérir une fois pour toutes. En d’autres termes, nous nous trouvons devant la continuation de la lutte contre le colonialisme et l’impérialisme qui a constitué le contenu principal du 20ème siècle. ».
C’est pourquoi la seule fondamentale raison pour laquelle il faut dénoncer ce coup d’état se trouve dans le refus des APE et de la recolonisation. Cette tentative de coup d’état n’est pas conforme aux intérêts des peuples gambien et africains que les APE menacent gravement. C’est cela la contradiction principale. C’est pourquoi nous demandons aux anti impérialistes, nationalistes, patriotes de partout en Afrique de considérer, au pire des cas, Son Excellence Yaya Jammeh, comme l’émir Afghan auquel faisait allusion LENINE. « La lutte de l’émir afghan pour l’indépendance de l’Afghanistan est objectivement une lutte révolutionnaire, malgré le tour monarchiste des conceptions de l’Emir et de ses partisans, car, elle affaiblit, désagrège et sape l’impérialisme. Cependant que la lutte des démocrates et des « socialistes » à tout crin, des révolutionnaires et républicains tels que par exemple Kerenski et Tsérétéli, Renaudel et Scheidemann, Tchernov et Dan, Henderson et Clynes, pendant la guerre impérialiste (pour la défense de la patrie) était une lutte réactionnaire, car elle avait pour résultat de maquiller, de consolider, de faire triompher l’impérialisme ». Malgré ses insuffisances – qui n’en a pas – il est sur des positions objectivement conformes aux intérêts des peuples, des patronats, des paysans…africains. Une Gambie libre est un danger pour le plan d’une CEDEAO européenne. Tout comme un Nigéria harcelé par Boko Haram, la Sierra Leone, le Libéria et la Guinée Conakry où règnent Ebola peuvent être un atout pour ses plans pense l’UE.
Une CEDEAO intégrée à l’UE et non une CEDEAO dont ses membres sont intégrés entre eux est une catastrophe dont l’équivalent est le passage de l’Afrique du commerce transsaharien au commerce transatlantique des esclaves avec comme conséquence l’éclatement des grands empires intérieurs au profit des micro états côtiers esclavagistes, ce qui a facilité la colonisation et tout ce qui s’en suivit jusqu’à nos jours. L’UE avec ses APE travaille à l’implosion du Nigéria en Afrique de l’Ouest, de l’Afrique du Sud en Afrique australe, de l’Ethiopie en Afrique de l’Est…Il faut casser les locomotives pour mieux arrimer les wagons à l’UE.
Le Nigéria c’est 56% du PIB régional (510 milliards de dollars us en 2013) et plus de 50% de la population. Mais quel est l’intérêt de l’Afrique et de ses peuples ? Cette UE plus forte ou un Nigéria fort participant à rendre plus multipolaire ce monde ? Les questions libyennes, maliennes, congolaises…montrent que l’Afrique est le terrain d’affrontement des multinationales et des états et qui les représentent.
L’existence d’un Nigéria fort, devenu récemment première puissance d’Afrique, renforce les conditions favorables aux peuples anciennement colonisés qui vivent de dramatiques régressions, des guerres civiles.
Le Nigéria est avec la Gambie l’autre pays opposé aux APE. Mais à ceux qui ne placent plus leur espoir que dans une résistance du Nigéria pour voir les APE rejetés rappelons le propos de Nougbonowe : « (…) Le temps est non pas à l’admiration des combattants pour la liberté des autres peuples opprimés, le temps est à l’exemple de toi-même… Intellectuel d’Afrique ».
Pour revenir à la leçon de la dernière tentative de coup d’état en Gambie, il est plus facile de tenir des chefs d’états par la bride que des parlements nationaux. Cela explique aussi le penchant semi colonial pour le régime présidentiel. Il est plus facile d’assassiner un président que d’assassiner un peuple.
De 2008 à 2012 le commerce du Sénégal avec l’UE est passé de 228 à 142 milliards de francs CFA. Si l’UE veut remonter la pente et conserver son gâteau CEDEAO, qui constitue 40% de tous les échanges entre l’UE et les pays ACP, qu’elle ne compte pas sur nous pour que cela se fasse sur l’autel du sacrifice de nos peuples gambien, nigérian, sénégalais, africains ou des coups d’état.

Contre les APE, pour l’Afrique et le peuple de Sénégambie Yahya Jammeh a mon soutien.

Dakar, le 05 janvier 2015

Guy Marius Sagna