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Les confréries mourides au Sénégal : débats et prises de positions politiques et sociales

D 11 décembre 2010     H 11:36     A Moulay     C 0 messages


La Nouvelle alternative pour la solidarité, le rassemblement et
l’unité (Nasru) est un nouveau parti qui vient de s’ajouter à
la centaine déjà existante au Sénégal. Lancé par le guide
religieux Serigne Moustapha Mbacké Gaindé Fatma (de la
confrérie mouride), Nasru a eu sa première sortie politique à
l’occasion d’une conférence organisée au Cices ( Dakar) en juin
2008. Ce parti a pour objectif de « faire la politique autrement »,
en faisant comprendre à Abdoulaye Wade (actuel président et
membre de la même confrérie) que le Sénégal n’est pas un
L royaume. En effet, Wade semble avoir depuis sa réélection en
2007 un projet de dévolution monarchique. Ce qui semble
d’ailleurs se confirmer depuis qu’il a taillé à son fils Karim, un
super ministère (ministre d’État, ministre de la Coopération
internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports
aériens et des Infrastructures) alors que, lors des dernières
élections municipales de 2009, ce dernier n’a même pas pu avoir
la majorité dans son propre bureau de vote.

Au Sénégal, pays acquis à la démocratie, le pouvoir religieux a
une grande influence sur le pouvoir politique et sur la vie des
Sénégalais-e-s. Les confréries Tijane (fondée par Ahmed Tijane
en Algérie), Mouride (branche locale fondée par Cheikh Ahmadou
Bamba), d’obédience soufie et plutôt modérée participent
activement à la vie politique. En effet, à l’Indépendance du
Sénégal, Léopold Sédar Senghor (bien que chrétien), s’est
appuyé sur les confréries mouride et tijane pour remporter les
élections et gagner la paix sociale. Abdou Diouf, tout en prenant
ses distances avec le pouvoir religieux au début de son mandat,
finit par utiliser les marabouts pour se faire réélire (cf. Afriques
en luttes n° 9, octobre-novembre 2010). C’est avec Abdoulaye
Wade que la collusion entre politique et religion va atteindre son
comble. Membre de la confrérie mouride, Abdoulaye Wade
n’hésite pas à rendre visite à son marabout et même à s’incliner
devant lui. Les marabouts-politiciens sont à présent tout à fait
décomplexés et certains n’hésitent pas à créer des partis
politiques pour soutenir leur mentor Wade ou d’ailleurs pour
s’opposer à lui. D’autant plus que l’omniprésence de la confrérie
mouride sur la scène politique commence à agacer les autres
confréries ainsi que les Chrétiens, minoritaires au Sénégal (entre
5 et 10% de la population).

« Cinquante ans d’indépendance pour notre pays, et nous
voilà encore au stade de végétation économique et d’errements
démocratiques. Certes, notre pays, par la grâce de Dieu, et par
l’effort de nos élites, aussi bien religieuses que politiques, s’est
épargné l’expérience douloureuse des coups d’État et des guerres
civiles, mais force est de constater que le bilan est loin d’être
satisfaisant » constate le secrétaire général du Nasru Moustapha
Mbacké Gaïndé Fatma, qui a choisi Thiès, ville chargée d’histoire
sur les plans politique, syndical et religieux ( la plupart des grèves
de cheminots débutèrent dans la 2ème ville du Sénégal), pour
déclarer, solennellement au peuple sénégalais dans ses
différentes sensibilités, sa volonté de briguer en 2012 le suffrage
des Sénégalais.
Dans l’ensemble, Les sénégalais observent avec scepticisme
cette intrusion des marabouts sur la scène politique. Mais à cause
de la défiance vis à vis des hommes politiques, certains n’hésitent
pas à adhérer à leur programme politico-religieux qui ne diffère
d’ailleurs que très peu des promesses des politichiens ( surnom
souvent donnés aux hommes politiques). Mais en dehors des
confréries, une nouvelle sorte d’acteurs fait son apparition depuis
quelques années. En effet, on se souvient de la sortie des imams
de la banlieue de Dakar, qui ont invité les consommateurs
sénégalais à « délester » la Senelec (la société nationale
d’électricité) ainsi que les factures d’électricité. « Nous ne
sommes pas prêts à payer des factures sans avoir de l’électricité
en permanence », s’était indigné l’Imam Youssouf Sarr, chef de
file du collectif des imams de Guédiawaye (banlieue dakaroise),
dont la manifestation de la fin du mois juillet 2010 contre les
coupures d’électricité, a été interdite par les autorités de Dakar.
Par la suite, le collectif a appelé « à la suspension, à compter du
18 Août 2010, du mot d’ordre de non paiement des factures
d’électricité et le boycott des caisses de SENELEC » tout en
lançant une pétition contre les délestages et la senelec. Cette
défense des plus faibles, portée par des hommes de religion,
interpelle les Sénégalais car le collectif des imams se positionne
en dehors des confréries classiques et pourrait bien leur faire de
l’ombre.

Les partis politiques sont quant à eux bien inquiets car le fait
que les marabouts portent à bout de bras les revendications
citoyennes traduit leur échec et leur incapacité à rassembler les
Sénégalais.Faut-il soutenir ce genre de manifestations ou prendre
ses distances, telle semble être l’équation à laquelle doivent
répondre les partis politiques sénégalais pour ne pas se faire
déborder par les religieux , dans ce pays où la religion est omniprésente
mais aussi modérée.

Moulzo