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Togo : Le pouvoir enclenche le processus d’élimination de Jean-Pierre Fabre et consorts

D 19 juin 2014     H 05:59     A Tino Kossi     C 0 messages


Présidentielle de 2015, assises 2014 et affaire des incendies

C’est une constance que le pouvoir Rpt/Unir a toujours gagné (sic) ses élections à l’aide de moyens non conventionnels. Et cela fait des mois que nous annoncions un plan obscur visant à écarter de la course à la présidentielle de 2015, ses concurrents les plus redoutables au moyen de l’affaire des incendies. Les grandes manœuvres ont visiblement commencé dans ce sens, avec l’organisation des assises et le procès annoncé des leaders du Collectif « Sauvons le Togo ».

Les accusés devant la Cour d’assises à partir du 2 juin

Elle était vaguement annoncée en juin, mais aujourd’hui on en sait davantage. Sauf revirement de dernière minute, la première session de la Cour d’assises de l’année 2014 démarre le 2 juin prochain à partir de 8 heures, conformément à l’ordonnance N°273. L’audience pour l’établissement de la liste définitive des jurés près ladite Cour a eu lieu le 11 avril dernier, et le tirage au sort des membres du jury a été organisé le vendredi 23 mai dernier. Un dossier devra retenir toutes les attentions ; il s’agit de l’affaire des incendies criminels des marchés du Togo survenus en janvier 2013.

Depuis lundi dernier, le juge d’instruction procède au procès-verbal récapitulatif des dépositions pour clôturer le dossier et le renvoyer en jugement. Après les personnes détenues dans les locaux du Service de recherche et d’investigation (Sri), les inculpés non détenus parmi lesquels les leaders du Collectif « Sauvons le Togo » dont le Coordinateur Me Zeus Ajavon, le président de l’Alliance nationale pour le changement (Anc) Jean-Pierre Fabre, et le Secrétaire général du Parti des Travailleurs Claude Ameganvi, entre autres, ont reçu des convocations à comparaitre devant le juge d’instruction et à subir des tests psycho-psychiatriques. La dernière ligne droite donc pour le jugement. Une sortie qui courrouce les responsables du Cst qui n’ont pas manqué d’exprimer leurs ressentiments jeudi dernier au cours d’une rencontre avec la presse.

Le plan d’écartement de Fabre mis en branle

Le bon sens ne peut que s’étonner que le pouvoir soit décidé à aller au procès malgré toutes les insuffisances du dossier. Il n’est pas superfétatoire de rappeler que le jeune Mohamed Loum dont les premiers aveux avaient servi de preuves (sic) pour inculper à la pelle les responsables du Collectif « Sauvons le Togo » sous prétexte d’avoir organisé une manifestation dénommée « Les derniers tours de Jéricho » lors de la survenue de ces incendies criminels, y est revenu et a déclaré avoir été instrumentalisé pour les charger ; et il a cité des noms. Toute Justice qui voudrait vraiment faire la lumière dans cette affaire devrait tout au moins auditionner les personnes citées. Mais tous ces messieurs n’ont été inquiétés pour le moins du monde. C’est un embargo inédit qui est par ailleurs décrété sur les conclusions des experts pourtant importantes pour orienter vers les vraies pistes des pyromanes et leurs commanditaires. Le rapport publié par le Cst en novembre 2013 et relevant le mode opératoire et les noms des commanditaires présumés n’a pas connu meilleur sort. La Justice togolaise modernisée (sic) n’a pas trouvé utile d’instruire à décharge et tous ces hommes et femmes se trouvant dans le cercle fermé du Prince de la République, circulent librement.

C’est l’accalmie sur la scène politique depuis les législatives du 25 juillet 2013, et la consécration n’est que le dialogue ouvert depuis la semaine dernière. Et c’est tout au profit du pouvoir qui avait l’obligation de tout entreprendre pour la maintenir. On peut donc s’étonner que le régime décide de remettre cette sérénité en cause en ressuscitant un dossier qui va à nouveau faire couler de l’adrénaline. Mais c’est juste parce qu’au bout, l’intérêt (sic) à tirer est énorme : l’écartement de Jean-Pierre Fabre et consorts de la course à la présidentielle de 2015 prévu de longue date et que nous avons annoncé dans nos colonnes depuis plusieurs mois déjà. Le procès en perspective n’est que la mise en branle du processus. Et le choix des assises n’est pas fortuit.

La Cour d’assises est en effet chargée de juger les personnes accusées d’avoir commis des crimes relevant des infractions les plus graves (assassinat, meurtre, empoisonnement, rapt, viol, vol à main armée, coup d’Etat, attaque terroriste…). Lesquels crimes sont passibles de peines lourdes allant de plusieurs années de réclusion à la perpétuité. L’autre facteur important, c’est le fait que la Cour d’assises juge en premier et en dernier ressort. Pas de possibilité d’appel donc qui pourrait faire changer la sentence. Contrairement en France où il a été introduit cette possibilité de recours depuis l’année 2000 avec la loi du 15 juin.

Une condamnation – on n’en est pas encore là – de Jean- Pierre Fabre aura simplement l’effet de l’écarter de la course à la présidentielle de 2015, ce qui va laisser la voie libre au porte-flambeau du pouvoir. Car il s’agit là du candidat le plus redouté par le pouvoir en terme d’audience populaire. Et, subsidiairement, c’est tout le Collectif « Sauvons le Togo » qui serait mis sous éteignoir, avec l’emprisonnement de ses leaders. C’est l’enjeu caché derrière ce jugement imminent dans l’affaire des incendies. L’issue du procès Kpatcha Gnassingbé est encore vivace dans les mémoires.

Duplicité du pouvoir, coup de poignard porté à la sérénité du dialogue

Depuis le début de la semaine dernière, la classe politique est en discussions autour des réformes constitutionnelles et institutionnelles recommandées par l’Accord politique global (Apg) du 20 août 2006 que le pouvoir s’est toujours rechigné à exécuter. Une initiative qui ne peut aboutir que si toutes les parties prenantes faisaient preuve d’un minimum de bonne foi.

Pour l’instant, tous les participants s’accordent à reconnaitre la volonté partagée d’y arriver par consensus et l’ambiance détendue qui règne au siège de Togotélécom, au-delà des petites divergences autour de la question du choix du médiateur. Mais cette atmosphère assez bon enfant risque de céder le pas à la tension. Car le pouvoir vient de faire preuve de la plus grande mauvaise foi qui puisse exister en ressuscitant ce dossier des incendies. Alors même que le sujet est inscrit à l’ordre du jour du dialogue.

L’affaire des incendies est en effet inscrite au point 12 consacré aux mesures d’apaisement du climat politique (sécurité des militants des partis politiques, libération des personnes détenues et annulation des poursuites dans l’affaire des incendies des marchés de Kara et de Lomé, libération des condamnés dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat, désignation des chefs traditionnels). Et alors que le tout premier sujet n’est même pas encore évoqué et qu’on attend impatiemment le tour de cette question du côté du Collectif « Sauvons le Togo », voilà que le pouvoir court-circuite ses interlocuteurs en programmant leur procès. L’atmosphère risque de s’alourdir dans la salle à Togotélécom, et c’est la sérénité du dialogue tout en entier qui prend un sérieux coup. Au-delà, chacun sait à quoi s’attendre en matière de bonne foi de la part du pouvoir Rpt/Unir quant à l’issue de ces discussions de dernier espoir.

Tino Kossi

Source : http://www.liberte-togo.com