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Togo - Reformes constitutionnelles, institutionnelles et électorale

D 21 janvier 2017     H 05:51     A Jean Pierre Fabre     C 0 messages


Le Président National de l’ANC
Chef de file de l’opposition

N° 17-002/ANC/ PN-SG
A
Son Excellence
Monsieur le Président de la République
Lomé

Monsieur le Président,

Le mardi 03 janvier 2017, le gouvernement a rendu publique, par un communiqué du Conseil des Ministres, la liste des membres d’une Commission nationale de réflexion sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles, dont la Présidente, Mme Awa Nana Daboya, est nommée depuis deux ans.

La mise en place de cette commission, après onze ans de dilatoire, traduit une volonté manifeste de saborder l’Accord Politique Global (APG), signé par toutes les forces politiques en août 2006, pour mettre fin à la crise qui mine notre pays depuis des décennies. Votre rejet des réformes prescrites par l’APG, constitue donc un reniement de votre propre engagement et illustre le refus du pouvoir en place de contribuer en toute responsabilité, à la résolution juste et durable de la crise togolaise.

L’une des conséquences majeures de cette situation est la paralysie et le mauvais fonctionnement de toutes les institutions de la République, en particulier celles qui sont impliquées dans les processus électoraux.

Le Togo est ainsi en panne de ses institutions qui sont toutes inopérantes et n’existent que de nom. Contrairement aux prescriptions de la loi, l’opposition n’y est nullement représentée. L’autre constat déplorable est que les hommes et les femmes, qui dirigent ou animent ces institutions, sont, en raison des conditions de leur nomination, des obligés du système RPT/UNIR, incapables d’assumer et d’exercer leur indépendance à l’égard du régime qu’ils s’emploient à défendre à tout prix. Quelques exemples :

La Cour Constitutionnelle s’érige en rempart du pouvoir RPT/UNIR contre toute quête de justice et d’équité provenant de l’opposition. Elle ne rend aucune décision qui ne soit favorable au maintien en place du système RPT/UNIR. Et ne s’embarrasse guère de rendre sur la même question, deux avis contradictoires pour protéger les intérêts du régime. Sur les injonctions du régime, elle n’hésite pas à violer son propre Règlement Intérieur ainsi que l’article 54 de la Constitution pour révoquer 10 députés de l’opposition de leur mandat parlementaire.

La HAAC, dans la composition de laquelle le régime RPT/UNIR s’est obstinément refusé à intégrer toute représentation de l’opposition, violant ainsi et de manière flagrante, la loi portant statut de l’opposition et le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, protège en permanence, les intérêts du pouvoir en se dérobant aux exigences de sa mission, notamment lorsqu’il faut enjoindre un média public, de donner suite à un droit de réponse demandé par un acteur de l’opposition, en application de la loi.

La CENI, après la proclamation, lors de la présidentielle d’avril 2015, de résultats non délibérés en plénière et donc « sans aucune base légale » selon la mission d’expertise électorale de l’UE, ne craint pas de fonctionner en catimini, dans une composition incomplète et illégale au regard du Code Electoral, à la suite de l’exclusion arbitraire des 5 membres de l’opposition et du départ de deux de ses membres RPT/UNIR nommés au gouvernement. Alors que le caractère incomplet et illégal de cette CENI rend également illégales et irrecevables, nulles et non avenues, toute délibération et toute décision de l’institution.

A l’Assemblée Nationale, le groupe UNIR s’est toujours employé à discriminer et à marginaliser les députés de l’opposition en usant systématiquement de sa majorité mécanique pour imposer des mesures et des décisions antirépublicaines.

A l’occasion, la majorité parlementaire n’a pas hésité à rejeter un projet de loi de révision constitutionnelle, soumis par son propre gouvernement, dans le cadre de la mise en œuvre des réformes politiques. C’est également cette même majorité qui a torpillé les deux propositions de loi soumises dans le même sens par des députés de l’opposition.

Ces exemples peuvent être multipliés à loisir. La Cour des comptes, le HCRRUN, l’armée, la police, la gendarmerie, la justice, etc., sont à la solde du régime qui les instrumentalise d’autant plus aisément que les recrutements et nominations sont adossés à des critères foncièrement tribalistes. Au point que dans une récente interview, notre compatriote Kofi Yamgnane qualifie d’« ethnocrature », le système politique du RPT/UNIR. Le dysfonctionnement de toutes les institutions au Togo est donc patent et fait de notre pays un Etat atypique qu’il est impératif de ramener à des normes et standards acceptables, notamment au travers des réformes en profondeur.

En l’occurrence, il n’est pas acceptable que le Chef de l’Etat décide unilatéralement du sort des réformes prévues par l’APG et dont la mise en œuvre continue de préoccuper au plus haut point, toutes les forces vives de notre pays, qui aspirent à mettre un terme à la longue crise sociopolitique togolaise.

Le maintien de cette « commission d’intellectuels » envers et contre tous, constitue un nouveau coup de force qui ne fait qu’aggraver la crise. Notre pays ne doit pas s’inscrire dans la logique du coup de force permanent.

Voilà pourquoi, je vous demande de rapporter la mise en place de cette commission nationale de réflexion sur les réformes institutionnelles et constitutionnelles et de rechercher avec l’opposition, les voies d’un dialogue pour mettre en œuvre l’APG. Je demande à vous rencontrer, conformément à l’article 15 de la loi portant statut de l’opposition, pour en discuter.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.

Jean-Pierre FABRE