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Une Tragédie : le Togo Exaspération

D 3 décembre 2016     H 05:33     A Pierre S. Adjété     C 0 messages


Il persiste une idée reçue que la non-démocratie togolaise va continuer, et traverser le temps. Que Faure Gnassingbé qui a hérité du pouvoir au Togo de la manière inacceptable que nous savons, en 2005, va régner et transmettre ce pouvoir à son propre enfant, au grand désarroi des Togolaises et des Togolais, occupés à se battre entre eux, le plus souvent autour des miettes d’indignité et d’invouloir, par ci et là occasionnellement jetées. Erreur !

En écoutant le silence togolais, c’est un autre son de cloche que l’on entend. Plutôt en transit entre deux périodes de son histoire, le Togo connaît un vide, audible et instructif, qui attend forcément d’être rempli par un inévitable changement. Curieusement, un tel pari de connaître et de reconnaître le Togo profond échappe toujours à certains zélés, des poilus de tout acabit et grands marchandeurs de leur propre dignité pour peu qu’ils se retrouvent en Afrique.

La fausseté togolaise, dite et redite, est que Faure Gnassingbé est là, et bien là pour rester, indéfiniment même. Que parce que son géniteur de père, le président Gnassingbé Eyadema, ayant notamment toiletté la Constitution togolaise à son profit, que l’armée togolaise exagérément clanique et désespérément non républicaine, que l’opposition togolaise divisée et sans moyens conséquents, que mieux vaut alors accepter l’inacceptable en consentant aux caprices politiques et aux incomplétudes managériales du Faure Gnassingbé, tels que lui-même continue à les imposer au Togo en sévissant sur ses compatriotes en quête de démocratie et d’alternance.

Et voilà ! C’est comme si la fausseté rendait heureux. Il fallait donc se bousculer, s’inscrire absolument à la fausseté ambiante, en profiter coûte que coûte, en vivre, et même y prendre appui pour « se présidentialiser ». Chacun en rajoute. Le premier ministre français, Manuel Valls, qui n’a prouvé quoi que ce soit de mémorable lui-même, comme chef de gouvernement de la France, ce Manuel Valls totalitaire trouve l’occasion belle pour en profiter, vertement et sans retenue ni respect. Un prétexte additionnel pour nous rappeler, Togolaise et Togolais, à notre inlassable devoir du changement par nous-mêmes, et avant tout à travers l’éducation de nos actions.

Ainsi, à la grande surprise des citoyens togolais, Manuel Valls déclare ressentir les « vibrations » qu’émettent les « grands dirigeants », seulement après quelques heures de séjour au Togo, dans la même veine que le « dirigeant d’exception » que proclame Louis Michel quelques jours après. Faure Gnassingbé dirigeant d’exception ou grand dirigeant ? Il y a bien longtemps que les Togolais eux-mêmes l’auraient su, avant de l’apprendre des invités de fin de semaine aux motivations insondables… Mais, comme chacun le sait, la tartuferie et la fausseté ne durent pas toujours.

Ce qui fait courir tous les Adowuinon du Togo et d’ailleurs est sur le point de disparaître. Ce monde-là, victime de lui-même, victime de l’illégitimité et de la soif de paraître, ces personnages qui sont tombés à côté de l’histoire et totalement en dehors de tout idéal, aussi bien au Togo qu’ailleurs, toutes ces personnes qui s’accroupissent à tout vent et à tout intérêt malsain, tous, sont bien sur le point de succomber sous leur propre imposture. Comment pouvait-il en être autrement ? Lorsqu’on gouverne sans l’appui de l’avenir qu’est la jeunesse togolaise, le poids du passé se prolonge irrémédiablement dans le présent. En politique, gouverner sans avenir c’est l’autre nom de l’échec.

Brouiller les pistes menant au Togo Mitimi

L’inracontable décennie Faure Gnassingbé, stérile en Démocratie-Réconciliation-Développement, qui se prolonge et boucle les cinquante ans du même système hérité de son père, est restée très caractéristique de la longue préhistoire politique qui se poursuit au Togo. C’est bien l’audacieux Winston Churchill qui le disait : « Pour s’améliorer, il faut changer. Donc, pour être meilleur, il faut avoir changé souvent ». Au Togo, on change peu ; au mieux, on s’abonne à l’amateurisme d’État. On est alors loin du « grand dirigeant » et du « dirigeant d’exception » en voulant mettre Faure Gnassingbé au rang des Winston Churchill, Charles de Gaulle, Nelson Mandela, Père Damien, etc. Totalement ridicule !

Le palmarès en exposition depuis 2005 n’émet aucune vibration politique enlevante et caractéristique d’un habituel « grand dirigeant » qui serait en action au Togo. Et, si vibration il y a, elle est bien négative et répulsive pour le commun des Togolais, monsieur et madame Tout-le-monde qui vivent les réalisations de Faure Gnassingbé : écoles, hôpitaux, logements sociaux, routes et paroles. Un dirigeant d’exception qui ne parle pas et n’argumente pas dans l’espace politique de son pays, lui qui se cache même de sa Diaspora partout où il séjourne à l’étranger ? C’est du jamais vu !

Au Togo politique, social et économique, rien n’est modèle, rien n’est changement. Mais le toujours premier ministre français, en amant éconduit dans sa France même, un premier ministre doublé de tous les côtés, a cru bon ressentir des vibrations dignes d’un courtisan maladroit, comme une revanche sur son pâle sort politique, seulement dans un Togo livré à la surenchère des uns et des autres.

En effet, et nous ne l’oublions pas, tout est monnayable au Togo, même la dignité humaine. Vous la jouez fort aux oreilles de Faure Gnassingbé, et les médias d’État vont relayer votre refrain comme une victoire sur l’opposition togolaise. C’est le plus grand objectif de tout un gouvernement : narguer l’opposition. Insuffisant ! Lamentable même.

Il est vrai qu’une démocrature sans limites s’est développée au Togo, et une non-démocratie sans honte s’y est installée. Le résultat est d’ailleurs saisissant : une cohorte de jeunes gens, garçons et filles sans perspective, des sous-citoyens sans aucun droit, dans un Togo insatisfait, visible ou souterrain. Tout aventurier peut ignorer cette réalité. Les Togolais qui vivent au quotidien cette insoutenable condition, ces femmes et hommes ne peuvent pas l’oublier.

Somme toute, en brouillant toutes les pistes, Faure Gnassingbé a réussi à créer un pays particulier : le Togo Exaspération, le Togo Mitimi. Une jeunesse aspirée et dévorée par la fatalité, au point de recourir à la contamination du désespoir. Hors de tout giron partisan, la jeunesse togolaise est restée contestataire de l’indignité ambiante, de plus en plus vouée au suicide par toutes sortes d’aventures dans un total abandon gouvernemental. La voix de cette jeunesse n’a jamais compté et elle ne compte pas dans le choix des dirigeants. L’investissement dans les armes répressives a bien longtemps remplacé les plans qualitatifs au soutien de la jeunesse togolaise. C’est bien la tragédie togolaise ; c’est la seule vibration qui se sent, et c’est elle qui nourrit le devoir du changement politique au Togo.

Le gouvernement togolais ne tient jamais parole

Finalement, le pouvoir présidentiel togolais feint de construire un pays ; il continue à produire un État sans nation. Un monstre est ainsi créé au Togo pour sacraliser aussi bien la voracité des dirigeants que leur manipulation de l’ethnicité, de l’incompétence et de la brutalité, sacraliser à la fois la complaisance, le découragement, l’injustice, la tromperie, l’inaction, la désinvolture et même l’abandon. Comme le dit un citoyen togolais, un jeune menuisier courageusement convertit en cultivateur de ses hautes terres isolées d’Agou-Akplolo : « le gouvernement ne tient jamais ses paroles ». Fatal constat d’un parfait prototype des sans voix togolais ! Plus qu’une vibration, c’est un séisme de cascadia que les Togolais, seuls, savent reconnaître et annoncer dans un pays devenu une zone de succion et de subduction.

De partout, un tel insuccès est bien connu de chaque Togolaise et Togolais. Un si jeune chef d’État qui n’a jamais su choisir le camp de la Démocratie, de la Réconciliation et du Développement, ne peut aucunement atteindre de tels impératifs catégoriques inscrits dans le devenir même du Togo. Faure Gnassingbé prend un plaisir évident à entretenir la confusion. Tellement que le calme apparent dont il se délecte n’annonce rien d’autre que la tempête au Togo Exaspération, l’ouragan dans le Togo Mitimi. Et le pouvoir présidentiel togolais en a une pleine conscience, lui qui désormais court derrière des Conférences internationales à accueillir, des personnalités louangeuses à fréquenter, de vivantes responsabilités politiques nationales à travestir ou à enterrer.

En transit entre deux périodes de l’histoire, le Togo connaît un vide d’instabilité qui attend sans aucun doute d’être rempli par l’inévitable changement qui s’y prépare, légitimement, de l’intérieur comme dans sa Diaspora. C’est en cela que la justice et la réconciliation naissent toujours là où il n’y a eu qu’imposture et incapacité. C’est bien en cela que le courage et l’audace du changement, reconnus par les populations concernées, bien avant tout autre intrus, ont toujours caractérisé les grands dirigeants. C’est surtout pour tout cela que le Togo sera une démocratie, celle du Grand Pardon, là où ses dirigeants actuels, les Faure Gnassingbé de ce monde ainsi que leurs insatiables courtisans, laïcs et religieux, resteront de remarquables oubliés : ces infréquentables de la partie valable de l’histoire des Peuples.

Pierre S. Adjété

Source : http://cvu-togo-diaspora.org