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ALGERIE : Cinquante ans après, une libération sociale et politique à conquérir

D 19 août 2012     H 05:39     A Bertold de Ryon     C 0 messages


Ce fut un événement véritablement historique, et qui allait
avoir une grande influence sur le cours de la
décolonisation : il y a cinquante ans, l’Algérie est devenue
indépendante au bout de 132 ans de colonialisme français.

La proclamation d’indépendance du pays prit effet le 5 juillet
1962, jour pour jour cent-trente-deux ans après le débarquement
des troupes françaises dans la baye de Sidi Ferrudj, proche de
l’actuelle capitale Alger. Mais elle avait été préparée par l’accord
de cessez-le-feu conclu le 18 mars de la même année, entre la
France et le GPRA (gouvernement provisoire de la République
algérienne) – organe de la résistance anticoloniale – à Evian, en
France. Ce cessez-le-feu vint mettre un terme à huit années de
guerre, suite au début de l’insurrection algérienne qui avait été
déclenchée le 1er novembre 1954 par le FLN (Front de libération
nationale).

La guerre de libération algérienne était la conséquence,
historiquement inévitable, du rapport colonial auquel étaient
soumises les populations algériennes. La colonie appelée
« Algérie française » se distinguait d’autres territoires
militairement conquis par le fait qu’elle ne servait pas uniquement
à l’exploitation de matières premières, mais également de terre
de peuplement. Dès le début, après la défaite des révolutions qui
avaient éclaté en France en 1830 puis en 1848, les pouvoirs
monarchiques français avaient utilisé l’Algérie comme terre de
bannissement d’éléments « perturbateurs » qu’ils considéraient
comme indésirables en « métropole ». Après l’écrasement
sanglant de la Commune de Paris, en 1871, de nombreux
prisonniers politiques furent également envoyés en Algérie. Mais
au fut et à mesure que le temps passait, ce peuplement contraint
et forcé – par des opposants condamnés et des forçats – fut
complété par une immigration volontaire de populations
européennes. Elles ne venaient pas que de France, mais aussi
d’Italie, d’Espagne et des îles de la Méditerranée (Corse, Malte..).
Les différents pouvoirs européens profitaient du fait colonial pour
offrir un débouché apparent aux populations paupérisées, une
sorte de « soupape » politique et sociale.

En Algérie, les populations dites « indigènes » furent cantonnées
dans un statut d’habitants de seconde zone, soumises à l’infâme
« Code de l’indigénat » (1881 à 1945) autorisant par exemple le
travail forcé. Une sorte de système d’apartheid distinguait entre
les individus selon leur appartenance confessionnelle :
« chrétiens », « juifs » ou « Français musulmans d’Algérie », pour
leur donner des statuts de droits différents – ces derniers étant,
de loin, les plus nombreux et les plus défavorisés en droit et en
fait. A l’aube de la guerre de libération, un million d’habitants
jouissant de la pleine citoyenneté – « chrétiens », et au moindre
degré « juifs », qui subissaient d’autres discriminations – faisait
face à huit millions d’habitants arabes et berbères, aux droits
moindres.

La guerre de libération exigeait des lourds sacrifices de la
population écrasée par le joug colonial. 2.700 soldats français
tués (selon les chiffres officiels) d’un côté, entre 300.000 et un
million de morts du côté algérien : les chiffres sont éloquents. Le
scandale de la torture, très largement appliquée par les pouvoirs
français successifs pour mater la révolte, a été dénoncé par des
intellectuels et des progressistes français à partir de 1957. Mais la
France finit par perdre la guerre, même si c’était plus
politiquement – en raison de l’isolement international croissant, et
de l’impossibilité de contrôler toute la population adhérant
massivement à l’objectif de libération du pays – que sur le plan
militaire. Malgré l’extrême brutalité de la guerre, impliquant la
construction de murs électrifiés tout au long des frontières avec
le Maroc et la Tunisie, le président Charles de Gaulle dut se
convertir au réalisme politique qui conduisait à l’acceptation de la
décolonisation de l’Algérie.

Après la liesse généralisée des populations, d’autres problèmes
apparurent à l’horizon. En août 1962, l’« Armée des frontières »
(qui n’avait pas directement combattu, à la différence des
« maquisards » intérieurs, mais était stationnée au Maroc et en
Tunisie) prit le pouvoir, ce qui déclencha des combats en plein
Alger avec les anciens résistants de l’intérieur. Le FLN devint non
seulement parti d’Etat, mais rapidement aussi parti unique
(jusqu’en 1989). Depuis cette période, la structure du noyau dur
du pouvoir a été maintenue pour l’essentiel, jusqu’à aujourd’hui.
Les militants et militantes qui avaient combattu pour
l’indépendance, reconnurent pour certains que « le primat du
politique sur le militaire » - pourtant affirmé par le congrès de la
Soummam du FLN, en 1956, débouchant sur un programme
progressiste – avait été insuffisamment assurée.

La décolonisation était un pas immensément positif dans l’Histoire,
mais la chance de la lier à un projet de libération sociale et
démocratique a été perdue en 1962. Aux démocrates,
progressistes, syndicalistes et féministes d’aujourd’hui de la
reconquérir.

Berthold Du Ryon