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Dossier : Femmes dans le monde arabe, de la « révolution silencieuse » à la révolution tout court

Par Nadine Naber, Gema Martín-Muños, Asma Lamrabet

D 21 mars 2011     H 14:15     A     C 0 messages


Signe qui ne trompe pas, les femmes - voilées ou non voilées, qu’importe ! - jouent un rôle de premier plan dans les processus révolutionnaires en Tunisie et en Egypte. Dans l’article ci dessous, Nadine Naber rend hommage à ces femmes, à celles qui ont sacrifié leur vie pour la révolution égyptienne, tout en dénonçant leur invisibilisation dans les médias étatsuniens du fait de l’islamophobie dominante et de l’instrumentalisation impérialiste et néolibérale du féminisme. On ne peut comprendre le rôle joué par les femmes dans la révolution arabe sans saisir les profondes mutations sociologiques et démographiques à l’oeuvre depuis des années dans le monde musulman. Comme le souligne la sociologue Gema Martín-Muños, dans une opinion publiée peu avant les événements en Tunisie et en Egypte, loin des clichés et des stéréotypes réducteurs ; « Les sociétés arabes sont engagées dans un processus de bouleversement immense et irréversible dans lequel les femmes jouent un rôle crucial. Au cours du demi-siècle écoulé, l’intense urbanisation et la féminisation de la main d’œuvre dans l’ensemble des pays arabes ont massivement propulsé les femmes au cœur de l’arène publique. » C’est dans ce contexte également qu’émerge depuis plusieurs années le phénomène du « féminisme musulman », décrit par Malika Hamidi comme « une dynamique de femmes, en marche dans le monde arabo-musulman mais également en Occident, développant un discours et une pratique articulés à l’intérieur même du cadre de référence islamique (...) tout en demeurant en quête de droit et de justice pour les femmes au quotidien ». Les conceptions et objectifs de ce courant sont assez bien résumés dans le manifeste du Groupe International d’Etudes et de Réflexion sur la Femme en Islam reproduit ici. (LCR-Web)

Féminisme impérialiste, islamophobie et Révolution égyptienne

Par Nadine Naber

“Je fais cette vidéo pour vous adresser un simple message. Nous voulons descendre sur la place Tahrir le 25 janvier. Si nous avons encore de l’honneur et que nous voulons vivre dignement dans ce pays, nous devons être là. Nous irons revendiquer nos droits, nos droits humains fondamentaux. Le gouvernement entier est corrompu : un président corrompu, des forces de l’ordre corrompues. Si vous restez chez vous, vous mériterez ce qu’il vous arrivera… et vous serez coupables devant votre nation et votre peuple. Descendez dans les rues, envoyez des sms, publiez sur le net. Mettez le peuple au courant. Dites à votre entourage, à vos voisins, à votre famille, de venir avec nous. Amenez 5 ou 10 personnes sur la place Tahrir ; si chacune d’elle en amène 5 ou 10 autres… Parlez aux gens, dites-leur que c’est assez ! Cela fera une différence, une grosse différence. Ne dites jamais qu’il n’y a pas d’espoir. Tant que vous viendrez nous rejoindre, il y aura de l’espoir. Ne pensez pas que vous êtes en sécurité ! Aucun d’entre nous ne l’est ! Venez avec nous et réclamez vos droits, mes droits, les droits de votre famille. Je descendrai dans la rue le 25 janvier pour dire ‘non’ à la corruption, ‘non’ à ce régime.”

Ce sont les mots qu’Asmaa Mahfouz, une jeune femme de 26 ans, écrivait le 18 janvier sur son blog qui a aidé à mobiliser le million de personnes rassemblées au Caire et dans d’autres villes ce 25 janvier. Le blog d’Asmaa, comme l’histoire de beaucoup de femmes égyptiennes de cette révolution, défient deux questions-clés qui cadrent le discours américain sur la révolution égyptienne : "Où sont les femmes ?" et…”Que se passera-t-il si les islamistes extrémistes prennent le pouvoir ?”

Aux Etats-Unis, les discussions sur l’Egypte ignorent souvent combien les organisations de travailleurs dont font partie beaucoup de femmes dans les villes manufacturières ont servi de catalyseur à la révolution Egyptienne (Paul Amar, 05/02/11). [1]

Les femmes de la place Tahrir sont de tous âges et catégories sociales. Leur lutte ne peut pas être expliquée à travers une vision qui réduit les femmes arabes à des victimes passives de la culture ou de la religion islamique. Elles sont les participantes actives d’une lutte populaire contre la pauvreté, la corruption de l’Etat, les élections manipulées, la répression, la torture et la brutalité policière. Elles mènent les manifestations, soignent les blessés, participent aux contrôles d’identité des voyous partisans de l’Etat. Elles ont aidé à mettre en place des boucliers humains pour protéger le Musée Egyptien d’Antiquités, le siège de la Ligue des pays arabes, et d’autres. Elles ont aidé à organiser les comités de vigilance entre voisins pour surveiller les propriétés publiques et privées. Elles se battent contre la dictature parmi des millions de personnes, qu’aucune secte ni parti politique ne dirigent, unies autour d’un slogan : en finir avec ce régime.

Master Mimz, une chanteuse engagée de Grande-Bretagne l’exprime bien dans les paroles de sa chanson "Back Down Mubarak…where she states" : “D’abord, donne moi un job. Puis, arrête de parler de mon foulard ” [2]

Pour tout qui s’inquiète de l’oppression des femmes Arabes, les femmes de cette révolution ont en effet souffert. La professeur Noha Radwan a été attaquée, battue presque à mort par les bandits de Moubarak. [3] Plusieurs femmes font partie des martyrs (qui sont maintenant plus de 300), comme Amira, tuée par un officier de police ; Liza Mohamed Hasan, renversée par une voiture de police ; Sally Zahran, frappée à la tête par les brutes de Mubarak et qui est rentrée se reposer chez elle sans plus jamais se réveiller. [4] Depuis que les manifestations ont expulsé la police du centre du Caire, plusieurs femmes ont fait ce genre de déclaration : “C’est la première fois que je ne suis pas agressée au Caire”. La police Egyptienne est en effet connue pour ses agressions sexuelles et sa violence machiste.

Plusieurs femmes Egyptiennes sont aussi au front de la batille des idées. Elles se battent contre la télévision d’Etat ou dénoncent les contradictions entre les discours et les pratiques des Etats-Unis sur la démocratie. Alors que le régime de Mubarak payait des bandits pour pourchasser les manifestants pacifiques, les poignarder et les tuer, beaucoup de femmes se sont indignées de l’injonction d’Obama et Clinton : “les deux camps doivent réfréner leur violence.” Le travail d’Aida Seif Al Dawla, militante des droits humains qui dirige le Nadeem Center pour la réhabilitation psychologique des victimes de la violence et de la torture, comme le travail de beaucoup de féministes Egyptiennes et d’activistes des droits humains contre la violence d’Etat, mettent à nu les relations impérialistes des Etats-Unis avec le régime de Mubarak. [5]

Donc, plutôt que demander "Où sont les femmes ?", il faudrait demander : "Pourquoi la plupart des discours publics américains présentent la révolution à travers une logique islamophobe ?" et "Pourquoi les médias dominants ont concentré la majorité de leurs images sur les hommes Egyptiens ?".

L’islamophobie alimente les discours américains populaires sur l’Egypte et entrainent cette question : "Que faire si les fondamentalistes islamistes prennent le pouvoir en Egypte ?" C’est ce genre de discours qui légitimise la complicité de l’administration américaine avec les violents efforts de Moubarak pour réprimer la révolution. Mes prises de positions publiques en faveur de la révolution et de la démocratisation en Egypte ont souvent rencontré cette profonde inquiétude : “Que faire si les fondamentalistes islamistes prennent le pouvoir ?” Cette question doit être comprise à la lumière d’une mentalité impérialiste, d’un état de conscience qui est dirigé par une peur-panique du fondamentalisme islamiste et qui fonctionne comme un blocage, comme un raisonnement opposé au soutien à la révolution Egyptienne.

Cette question doit être située dans le contexte historique de l’ère de la post-guerre froide, avec des liens particuliers entre le féminisme libéral et l’impérialisme qui ont fonctionné en tandem. Tous les deux rejoignent une logique humanitariste qui justifie l’intervention militaire, l’occupation, et le carnage comme stratégies pour promouvoir “la démocratie et les droits des femmes.” Cette logique humanitaire renie la violence d’Etat américaine contre les peuples des régions Arabes et Musulmanes, la rendant au contraire acceptable et même libératoire, particulièrement pour les femmes.

De la même façon, la panique islamophobe quant au futur de l’Egypte décentralise la répression passée et présente du régime Moubarak, soutenue par les États-Unis. Cette panique renie des réalités historiques, comme la démographie de l’Egypte, la position complexe et multidimensionnelle des Frères Musulmans dans la révolution [6] et la prédominance des perspectives laïques pour l’avenir de l’Egypte. L’islamophobie légitimise donc la complicité entre les dictatures et l’impérialisme américain qui adresse ce genre de message au peuple égyptien : “Il est mieux pour vous de continuer à vivre sous la tyrannie.” Le genre alimente l’islamophobie, en exigeant que "la femme arabe" ne soit rien de plus qu’un objet, une soeur invisible, épouse, ou mère des “vrais révolutionnaires.” L’islamophobie se légitimise elle-même à travers la disparition des femmes égyptiennes en tant qu’actrices de la révolution.

Je n’ai pas l’intention de verser excessivement dans la célébration. L’histoire nous a appris que, dans la poursuite des révolutions, les femmes sont souvent repoussées en arrière-ligne, loin de la scène centrale.

Si l’Egypte entre dans une période de démocratisation, nous devons alors nous demander aussi si les voix des femmes de Tahrir vont rester à l’avant-plan. Quelles sont les possibilités d’une démocratisation des droits en Egypte, de tous les droits, parmi lesquels les droits des femmes, la législation familiale, le droit de s’organiser, de manifester et de liberté d’expression resteront centraux ? Et quelles sont les possibilités d’une solidarité internationale avec les femmes égyptiennes et le peuple Egyptien alors que la guerre des idées empêche de voir les femmes Arabes ou Musulmanes comme des êtres humains et comme actrices légitimes de leur propres discours, gouvernements et destinées ?

Il est de plus en plus clair que cette révolution est beaucoup plus qu’un conflit entre l’Etat égyptien et les acteurs non-étatiques. Les droits des femmes égyptiennes, comme les droits de tous les égyptiens, sont empêtrés dans les relations entre les Etats-Unis, Israël, l’Egypte, la Jordanie, le Koweit, et d’autres régimes répressifs de la région et au-delà. C’est seulement en prenant la mesure sérieuse de ces forces locales et impérialistes que nous pouvons commencer à comprendre l’oppression que des millions d’Egyptien-ne-s sont déterminé-e-s à abattre. Le peuple de Tahrir et tou-te-s les manifestant-e-s d’Egypte ont parlé et ont dit "Nous ne voulons pas trahir le sang de nos martyrs. Nous n’abandonnerons pas tant que Moubarak ne tombe pas".

Il reste à voir à quoi la période de transition ressemblera mais une chose est désormais claire : elle doit être dirigée par le peuple d’Egypte. Et, tandis que le mouvement Egyptien pour la paix et la démocratie continue, les mouvements sociaux états-uniens (féministes, antiguerre et au-delà) vont-ils oublier le passé impérialiste et le sang des martyrs Egyptien-ne-s ? Ou vont-ils tenir les Etats-Unis et Israël responsables de complicité avec la dictature et les trente années de répression en Egypte ?

Nadine Naber a préparé ce texte comme intervention publique à l’Université du Michigan, Ann Arbor, le 7 février 2011. Paru dans « Jadaliyya », 4 février 2011 : http://www.jadaliyya.com/ .Traduction française par Céline Caudron pour le site www.lcr-lagauche.be

[1] http://www.democracynow.org

[2] http://www.youtube.com

[3] http://www.democracynow.org

[4] https://spreadsheets.google.com

[5] http://www.alnadeem.org/ Aujourd’hui, le peuple de la révolution est indignés par les Etats-Unis, leur fidélité à Mubarak puis l’actuel soutien d’Obama au vice-président Omar Suleiman, sans aucune discussion à propos de son rôle quant à la torture en Egypte et au programme américain de "traduction-pour-torturer". Les dirigeants Etats-Uniens ont qualifié Suleiman d’homme distingué et respecté. Ils emploient ces termes pour décrire le coordinateur de cet extraordinaire programme de la CIA, une procédure extrajudiciaire à travers laquelle les présumés terroristes sont illégalement transférés vers des pays comme l’Egypte, connus pour leur usage de la torture pendant les interrogatoires. Par exemple, le Pakistanais Habib a été transféré par la CIA à Omar Suleiman en Egypte où il a été à plusieurs reprises torturé avec de l’électricité à haute tension, immergé dans l’eau jusqu’aux narines, battu, où on lui a cassé les doigts, et où on l’a pendu sur des crochets en métal. Après que les hommes de Suleiman aient extirpé les "aveux" de Habib, il a été retransféré aux Etats-Unis, où son témoignage a permis son éventuel emprisonnement à Guantanamo. La politique Etats-Unienne soutient structurellement la torture et les violences en Egypte. Comme le souligne l’experte médiatique américano-égyptienne Mona Tehawy : la "stabilité" des Etats-Unis part à l’assaut de l’expansion de la liberté et de la dignité du peuple de mon pays ou de n’importe lequel pays.

Bien sûr, une Egypte démocratique serait bénéfique pour les femmes. Le gouvernement a récemment adopté une loi restreignant le travail des organisations de la société civile, pour la plupart dirigées par des femmes. Le régime est responsable de violations répétées des droits humains, dont des formes intenses d’agressions et violences contre les femmes, à propos desquelles beaucoup d’organisations, comme Nazra for Feminist Studies ou le Centre Egyptien pour les Droits des Femmes sont bien documentées. http://www.globalfundforwomen.org

[6] Voir Paul Amar, sur « Jadaliyya »


La révolution féministe silencieuse du monde arabe

Par Gema Martín-Muños

Les sociétés arabes sont souvent perçues par les étrangers comme rigides et résistantes au changement, parce qu’ils ne les voient que par leurs régimes dirigeants, lesquels résistent effectivement au développement et au changement. Mais cette image est loin d’être conforme à la réalité des pays arabes où un énorme dynamisme génère de nombreux types de changements, même si à des vitesses différentes et de manière complexe et contradictoire - particulièrement lorsque le changement initié par la base est bridé par le haut de la pyramide.

Prenons le cas des femmes arabes. L’image prédominante est celle d’une femme-victime, passive, exotique, voilée, qui réagit aux évènements plus qu’elle n’y participe activement. Elle est un objet impersonnel de stéréotypes communautaires nourrissant des préjudices culturels.

En réalité, les sociétés arabes sont engagées dans un processus de bouleversement immense et irréversible dans lequel les femmes jouent un rôle crucial. Au cours du demi-siècle écoulé, l’intense urbanisation et la féminisation de la main d’œuvre dans l’ensemble des pays arabes ont massivement propulsé les femmes au cœur de l’arène publique.

Pendant cette période, les différences entre les niveaux de scolarisation des garçons et des filles se sont partout réduites - bien qu’à des rythmes différents. Dans de nombreux pays arabes, en effet, bien plus de filles que de garçons poursuivent leurs études dans le secondaire et à l’université, ce qui montre que les parents considèrent l’éducation de leurs filles comme étant aussi importante que celle de leurs garçons. Et toutes les enquêtes montrent que les jeunes hommes et femmes veulent étudier et trouver un travail avant de se marier. (Ils veulent en outre de plus en plus choisir eux-mêmes leur partenaire.)

Dans le même temps, l’évolution démographique ainsi que les facteurs sociaux et économiques affectant l’éducation et le travail imposent de profonds changements au modèle traditionnel de la famille arabe. Les mariages plus tardifs et la baisse de la fertilité - résultant d’une plus large utilisation de la contraception artificielle - réduisent la taille de la famille, la rapprochant du modèle occidental de la "famille nucléaire". La région du Maghreb est peut-être en tête de cette tendance, mais le phénomène est observable partout dans le monde arabe, même dans les Etats les plus conservateurs.

Ce nouveau modèle familial a tant gagné en force qu’il s’impose même en milieu rural où le déclin de l’économie agraire s’accompagne d’une forte tendance vers des familles plus petites. Cette évolution se fait à des rythmes différents d’un pays à l’autre du monde arabe mais se constate simultanément dans les villes et dans les campagnes.

Sans surprise, ces changements ont conduit à une redistribution du pouvoir entre les aînés et les jeunes - et entre les hommes et les femmes. Nous constatons aujourd’hui un affaiblissement progressif du patriarcat, renforcé par le glissement de la famille traditionnelle vers une famille plus nucléaire.

Bien sûr, ces changements ne sont pas en totale rupture avec le passé. Tout changement est le reflet de compromis locaux avec la tradition et avec les lois patriarcales, et des différents degrés d’ajustements entre les modes de vie anciens et nouveaux. L’évolution est cependant notablement plus faible et plus complexe dans des pays comme la Palestine et l’Irak, compte tenu des graves conflits qu’ils endurent.

Les dynamiques du changement dans les sociétés arabes s’accompagnent rarement de changements dans le système politique. La plupart des Etats résistent à l’idée de transférer les processus de transformation sociale dans leur cadre juridique. Ils craignent, à raison, qu’élargir les libertés et développer l’autonomie individuelle à l’intérieur de la famille - et donc affaiblir l’autorité patriarcale - pourrait entraîner une remise en question de la base idéologique du pouvoir de l’Etat par l’opinion publique.

En conséquence, les gouvernements invoquent un peu partout les normes religieuses, et, dans une moindre mesure, les références à la tradition, de manière à légitimer la perpétuation de la loi patriarcale. "Le féminisme d’Etat" relève généralement plus d’une rhétorique ou d’un symbolisme politique, visant principalement à projeter une image progressive à l’international, que d’un réel moteur de changement. Il ne fait aucun doute, cependant, que les autorités politiques de la région, pas moins que les familles elles-mêmes, seront obligées d’admettre les inconsistances du modèle traditionnel lorsqu’il est question de l’évolution de la condition de la femme. Ce changement en affectera beaucoup d’autres, et devra être analysé tant d’une perspective arabe, que d’une perspective extérieure.

Cela est particulièrement nécessaire parce que la situation des femmes est l’un des principaux indices utilisés par le monde extérieur, et particulièrement par l’Occident, pour évaluer le monde arabe. Et, malheureusement, de telles analyses tendent à se concentrer sur l’immobilisme supposé dérivant des normes islamiques et empêche de constater les réels changements qui se déroulent.

En effet, la vision prédominante que les étrangers ont des sociétés arabes les empêche souvent de se libérer de leur sentiment quant au fait que l’Islam confine toutes les femmes de la même manière, alors qu’en réalité elles vivent des conditions très différentes. Cela empêche beaucoup de gens de voir, et encore plus d’évaluer, les profonds changements qui sont en cours dans les sociétés arabes - et jusqu’à quel point les femmes sont les forces motrices de ces changements. L’Occident risque donc de se priver d’une importante clé pour comprendre le monde arabe d’aujourd’hui, et ce qu’il sera demain.

Gema Martín-Muños, Directrice de la Casa Árabe et professeure en sociologie du monde arabe et islamique à l’Université autonome de Madrid. Opinion publiée dans La Libre Belgique, 27 décembre 2010
Groupe International d’Etudes et de Réflexion sur la Femme en Islam : vision, objectifs, et perspectives d’avenir

Il reste évident que les sociétés majoritairement musulmanes, les communautés musulmanes en Occident et les musulmans en général ont de réelles difficultés à appréhender la question de la femme, du fait qu’elle représente le principal enjeu de la modernisation politique dans l’espace islamique.

Cela reste l’une des questions les plus sensibles et les plus difficiles à débattre puisqu’elle symbolise à elle seule une problématique multidimensionnelle incluant l’identité, la modernité, la tradition et l’imaginaire culturel à préserver. Le monde musulman traverse une vraie crise civilisationnelle avec comme principal substrat la problématique de la femme que l’on refuse de cautionner par peur identitaire, par démission intellectuelle et parfois par stratégie politique d’omission volontaire.

Pourquoi le GIERFI ?

La création de ce groupe est motivée par le besoin urgent d’un discours alternatif capable de pallier aux lacunes d’un discours islamique officiel sur la femme, très réducteur, infantilisant et trop souvent vidé de son essence.

Notre réalité actuelle en tant que femmes musulmanes vivant au Sud ou en Occident, subissant respectivement sexisme, discrimination et racisme, nous incite à ne plus nous taire devant les innombrables questions théologiques et juridiques pour lesquelles on nous propose des solutions complètement décalées par rapport à notre quotidien de femmes vivant au 21e siècle.

Les différentes initiatives entreprises par rapport à la question de la femme restent insuffisantes devant les problèmes concrets posés par les divers statuts personnels instaurés dans la majorité des pays musulmans et véhiculés dans l’idéologie culturelle des communautés musulmanes en Occident. Ces statuts ne sont que le reflet d’une législation juridique surannée remontant, généralement, aux premières écoles juridiques islamiques et qui constituent une source de préjudices indéniable pour la grande majorité des femmes musulmanes. Quoique certaines réformes aient pu voir le jour, elles ont du mal à être appliquées dans les faits et le débat demeure de l’ordre de la rhétorique, toujours incapable de proposer des solutions concrètes à même de dépasser les impasses juridiques héritées depuis des siècles [1] .

L’essentiel du discours islamique sur la femme, qu’il soit classique ou contemporain, provient des lectures patriarcales qui ont dénaturé le message spirituel de l’Islam et qui ont donné lieu à des contradictions flagrantes entre ce même message et les interprétations humaines qui sont socialement construites et qui ont été sacralisées avec le temps.

Ce groupe a donc été créé en vue de promouvoir une émancipation de la femme musulmane qui puisse concilier foi et modernité, sans contrainte ni culpabilité et de se forger ainsi une voie intermédiaire affranchie aussi bien d’une modernité sans âme, ni sens, que d’un traditionalisme fermé et rigoriste.

La question qui nous a souvent été posée est : Pourquoi stipuler les termes d’une émancipation à partir du religieux et non pas à partir des valeurs dites laïques et universelles [2] ? Notre réponse est claire :

 D’abord il est de notre droit de choisir nos propres paramètres d’émancipation et de lutter pour instaurer la justice et l’équité envers les femmes en nous inspirant de notre tradition spirituelle.

 Nous sommes nombreuses à trouver dans la foi une source de force, de transcendance et de conscientisation qui nous permettent de penser les termes d’une revendication d’autant plus légitime qu’elle utilise un langage approprié à notre mémoire et à notre contexte socioculturel de femmes musulmanes.

 Nous adhérons aux principes d’une émancipation spirituelle parce que justement, l’oppression de la femme musulmane, comme d’ailleurs celle de l’homme musulman, se fait au nom du religieux et du sacré qui, à travers l’histoire de la civilisation islamique, ont toujours été instrumentalisés par les forces du pouvoir qu’elles soient politiques ou autres.

 Enfin, parce que nous sommes convaincues que les valeurs spirituelles ou religieuses à l’opposé de ce qui a été ancré dans les mentalités par les péripéties de l’histoire, ne sont pas fatalement contradictoires avec les valeurs dites laïques [3] et que les religions en tant que points de repère de l’existence continueront d’apporter des réponses aux questions de sens et d’accompagner ainsi le cheminement de l’humanité.

Quelle est la vision du groupe ?

Notre vision globale s’inscrit dans un cadre conceptuel incluant quatre dimensions à savoir : spirituelle, solidaire, postcoloniale et humaniste.

1- La dimension spirituelle est celle d’un réformisme musulman qui aspire à s’engager dans une réforme de transformation positive à même de dépasser la réforme d’adaptation proposée jusqu’à présent.

Elle s’inscrit donc de l’intérieur de l’islam et revendique des droits et des libertés au nom d’un référentiel islamique débarrassé des lectures politiques et socioculturelles qui se sont accumulées tout au long des siècles de décadence islamique. Il s’agit donc de revendiquer une lecture de libération de la femme, telle qu’elle a été exprimée dans l’élan spirituel initial du message de l’islam, tout en s’inscrivant dans le processus de contextualisation et d’évolution permis par l’Ijtihad [4], source incontournable du processus de revivification de la pensée islamique. C’est à travers cette dimension essentielle que l’on pourra offrir aux musulmanes, en quête de sens, l’opportunité d’être des femmes libérées des traditions culturelles discriminatoires qui ont intériorisé l’idéologie de l’infériorité féminine déguisée, entre autres, en image idéalisée de la femme comme épouse et mère parfaite. À cet égard, il faudra souligner ici le fait que notre vision est celle qui concilie les valeurs familiales avec les valeurs féminines sans réduire inéluctablement la femme à des fonctions de subordination. Le fait que le rôle de la femme dans la famille soit associé à des contraintes injustifiées légitimées par le patriarcat ne signifie pas qu’il faudrait nier son attachement à la famille et à sa stabilité. On peut revendiquer le droit à l’épanouissement féminin personnel avec un attachement aux valeurs familiales tout en contestant l’assignation des rôles traditionnellement inéquitables au sein de la vie conjugale.

2- La dimension solidaire s’insère dans le cadre du mouvement global des femmes qui luttent contre leur discrimination et dans le but légitime d’améliorer leurs conditions socioculturelles. Dans ce sens, notre groupe s’inscrit, en termes de revendication de droits, dans un « Féminisme universel pluriel ». Nous assumons en tant que femmes musulmanes la dénomination « féministe » dans son approche pluraliste et ce, malgré la forte connotation négative qu’elle véhicule chez la majorité des musulmans et dans les pays du Sud en général, mais également dans certaines sphères sociales occidentales [5]. Nous soulignons l’importance de cette identification à un mouvement féministe pluriel selon des valeurs et principes véritablement universels, de droit, d’égalité et de lutte contre l’oppression des femmes sans pour autant que cela nous oblige à être dépendantes ou otages d’un modèle de référence unique, ni à accepter une quelconque allégeance à des intérêts politiques ou à un agenda politique particuliers.

3- La dimension post-coloniale [6] est celle d’un vécu historique post-colonial qui est celui des femmes du Sud en général et dont une grande frange est représentée par les femmes musulmanes. Un certain discours féministe occidental et universitaire, ouvertement ethnocentrique [7], perçoit les femmes du Sud comme leur propre « faire-valoir », autrement dit, comme des sujets passifs de leur histoire qu’il faut étudier, analyser, suspecter et qui n’ont jamais le droit à la parole car les féministes occidentales sont là pour porter leurs voix [8]. Ce féminisme hégémonique occidental présente l’expérience des femmes blanches et occidentales comme LA norme universelle. C’est une vision où s’imbriquent de façon insidieuse impérialisme et racisme et qui en dit long sur la logique d’esprit civilisateur et de la vision néocolonialiste orientaliste qui la sous-tend. C’est donc pour cela qu’au sein du GIERFI nous soutenons l’esprit qui anime le féminisme post-colonial et qui envisage la création de possibles résistances féminines, autonomes et différentes de celles conçues par la pensée féministe dominante. Autrement dit, une résistance et une lutte qui s’expriment à partir de notre propre expérience, de nos spécificités, de notre histoire et qui, par la force des choses, restent imbriquées à l’expérience du colonialisme, du racisme et de la discrimination fondée sur la classe sociale et les interprétations religieuses.

4- La dimension humaniste est celle qui nous anime en tant que femmes partageant le même destin au sein de cette diversité humaine. Notre vision spirituelle rejoint l’esprit humaniste qui lutte, au nom des valeurs universelles, contre toutes les injustices et les exactions des droits humains. Les femmes musulmanes, comme les hommes, souffrent dans la majorité des pays musulmans d’un déficit flagrant en démocratie et en libertés individuelles. De surcroît, elles subissent, à l’instar des autres femmes aussi bien au Sud que dans le Nord, l’oppression d’une mondialisation néolibérale qui a exacerbé la pauvreté, la précarité et la surexploitation des femmes du fait du déséquilibre socioéconomique structurel inhérent aux économies du Nord comme du Sud. Nous sommes aussi conscientes que la majorité des problèmes des femmes dans les sociétés patriarcales sont dus à l’exploitation du temps, du travail et de la sexualité de la femme qui représente une composante cruciale au processus d’enrichissement néolibéral.

Les objectifs du GIERFI

1- Promouvoir une réflexion intellectuelle, théologique et juridique qui puisse, à court et long terme, favoriser l’émergence d’une nouvelle conscience féminine musulmane capable d’être « actrice » de son propre changement. Une nouvelle conscience féminine qui inciterait la femme musulmane à revendiquer le droit légitime de participer à la réflexion sur la religion, le sens et les valeurs de la société dans laquelle elle vit.

2- Contester, par l’analyse et l’étude théoriques des textes scripturaires, l’affirmation fort répandue qui prétend que l’inégalité des sexes, l’oppression et le système patriarcal soient intrinsèques au texte sacré de l’islam. Aujourd’hui, de nombreuses musulmanes en terre d’islam et à travers le monde ont compris que ce n’est pas l’islam qui les opprime, mais ce que l’on en a fait à travers des siècles de manipulation et d’instrumentalisation patriarcale.

3- Mettre la lumière sur les interprétations sexistes des textes religieux et faire valoir les droits conférés aux femmes par l’islam.

4- Revendiquer le droit des femmes à l’interprétation des textes afin de promouvoir l’égalité des genres, d’élaborer une nouvelle conception de la femme et de provoquer une véritable réforme de fond de la jurisprudence islamique ou Fiqh. En d’autres termes, il s’agit d’inciter les femmes à revendiquer le droit légitime, présent à l’origine mais qu’on leur a confisqué avec le temps, à une lecture de l’islam au nom de leur foi et de leurs convictions afin de contrecarrer les lectures religieuses littéralistes exclusivement masculines et qui ont été responsables, entre autres, de leur marginalisation et de leur relégation à des fonctions de subordination.

5- Dénoncer les discriminations flagrantes qui sont en cours en terre d’islam et dans les communautés musulmanes et qui sont toujours mises à tort sur le compte de l’islam à savoir : les mariages forcés, l’excision, la répudiation, l’obéissance au mari, le statut juridique de mineure à vie, la polygamie comme droit supposé et inéluctable de l’homme musulman.

6- Déconstruire le monopole de la connaissance religieuse traditionnellement assignée comme un privilège exclusif des hommes musulmans et qui à travers l’histoire de cette civilisation a marginalisé l’apport des femmes et leur contribution à l’histoire de cette même civilisation.

7- Amorcer un double travail intellectuel : d’une part aspirer à la construction d’une nouvelle pensée et d’une nouvelle réflexion conçues à partir d’une perspective féminine et d’autre part participer à la déconstruction des discours et des représentations discriminatoires envers la femme dans l’idéologie musulmane. Les droits de la femme, tels qu’ils ont été conçus par le Fiqh classique et qui sont reproduits dans le discours islamique contemporain dominant, sont contraires à l’esprit égalitaire de l’islam et sont utilisés pour dénier aux femmes la justice et la dignité. C’est dans cette optique que le GIERFI prévoit entre autres :

a) La création « d’ateliers de Fiqh ou jurisprudence islamique » pour les femmes, afin de mettre la lumière sur ces discriminations et de leur faire connaître leurs droits juridiques.

b) La création de plates-formes où se réuniraient les savants religieux, intellectuels – femmes et hommes – et des spécialistes pluridisciplinaires, afin de débattre publiquement de cette thématique et surtout de la « démystifier » aux yeux des musulmans.

8- Initier un travail de mémoire sur l’héritage historique des musulmans, longtemps victimes d’un déni de connaissance en terre d’islam et d’un déni de reconnaissance en Occident, fondé sur la logique de « déculturation » historique initiée par la colonisation et qui est toujours en vogue puisque, en grande partie, véhiculée par l’idéologie postcoloniale. La problématique de la femme doit donc être revisitée dans un cadre global de relecture de l’histoire de l’islam et de sa civilisation. Cependant, que l’on ne s’y trompe pas, la responsabilité n’est pas toujours celle de l’Autre comme le pensent et le prétendent de nombreux musulmans très commodes dans la victimisation et la dénonciation de l’Autre. Le monde musulman doit faire son autocritique de façon lucide et initier une vision réformiste sereine de l’intérieur avant d’incriminer les autres car tout changement ne peut se faire que s’il part de soi-même, c’est-à-dire d’une transformation personnelle.

9- Promouvoir l’apprentissage de l’autonomie intellectuelle des femmes afin qu’elles puissent réinterpréter leur propre rôle au sein de leur culture selon les valeurs spirituelles qui sont source d’éthique et de dignité. En d’autres termes leur permettre de vivre un islam revivifié par une nouvelle lecture et un nouveau re-questionnement, un islam différent de celui des autorités religieuses traditionnelles patriarcales et de ce qu’en veulent faire les pouvoirs politiques toutes tendances confondues.

10- Déconstruire, à un niveau extérieur, la représentation des femmes musulmanes et dénoncer ainsi la « centralité » donnée à la place des femmes dans les discours essentialistes sur les musulmans et l’islam. En effet, en tant que femmes musulmanes aspirant à vivre la modernité comme toutes les autres femmes du monde, nous ne nous retrouvons pas dans les innombrables images stéréotypées et hyper-médiatisées au niveau international, à savoir, celles de femmes soumises, opprimées, dépendantes et incapables de se défendre par elles-mêmes ou de parler en leurs noms propres.

Défis et perspectives futurs du groupe

L’un de nos défis prioritaires est de faire en sorte que les femmes musulmanes deviennent des actrices centrales dans les processus de transformation en cours dans les sociétés dans lesquelles elles évoluent. La réforme de la pensée islamique, qui reste incontournable si l’on veut dépasser les blocages exégétiques et juridiques actuels, ne pourra se faire sans la participation des femmes à tous les niveaux structurels. En effet, la problématique de la femme reste otage d’un double système patriarcal, à savoir : celui d’un traditionalisme culturel rigide et celui produit par les autocraties politiques héréditaires qui n’en finissent pas d’esquiver et de marginaliser tout véritable débat de fond sur cette question.

Parallèlement, il faudra donc développer un discours spirituel à partir d’une perspective féminine, mais également promouvoir dans le temps un discours sur les droits humains. La question de la femme en islam est intimement liée au pouvoir politique et ne peut être réglée qu’en accordant de l’importance à l’ensemble des questions relatives à la gouvernance en islam et à sa sacralisation par le biais d’une idéologie politique d’aliénation qui mine les sociétés musulmanes depuis des siècles.

Il s’agit donc de promouvoir des revendications démocratiques, au sein de sociétés verrouillées politiquement, seules capables de permettre une véritable libération de la femme musulmane (et de l’homme aussi évidemment).

Il faudra aussi penser à créer de véritables alliances entre les différents mouvements féminins et autres qui ont en commun la lutte contre la subordination universelle des femmes. C’est donc à cet effet qu’il faudra également soutenir toute solidarité transnationale qui incite à la promotion des droits des femmes non pas uniquement à travers une perspective de coopération Nord- Sud classique mais plutôt comme un défi mondial à relever car le patriarcat et la discrimination sont une réalité dans les pays du Nord également.

De plus, il est nécessaire de lutter contre les répercussions secondaires négatives de la mondialisation néo-libérale et dont l’impact est particulièrement préjudiciable sur les femmes à l’échelle internationale. À cet effet, il est important ici de souligner la nécessité d’un engagement urgent contre toutes les politiques de dégradation de l’environnement provoquées par la colonisation de l’industrialisation des terres du Sud devenues de véritables dépotoirs pour certains pays industrialisés [9]. Notre engagement féminin est par conséquent un engagement qui inscrit dans sa dynamique la dimension écologique, encore appelé éco- féminisme ; une question qui est désormais cruciale pour l’avenir de la planète.

Cependant le défi majeur reste celui de la diversité du mouvement des femmes qui doit travailler au respect des identités et des cultures tout en refusant les discriminations basées sur la classe sociale, l’ethnie ou de croyances. Il faudrait donc savoir renforcer les liens avec tous ces mouvements sans s’immiscer dans les stratégies de changements et de résistances propres à chaque contexte. Il s’agit donc de s’unir avec tous les mouvements de femmes qui luttent contre l’oppression des êtres humains et l’exploitation de leurs richesses et créer des débats inter-mouvements féminins afin de dépasser les divergences idéologiques et les clivages ethnoculturels ; car quel que soit le lieu d’où on lutte pour la justice, il est universel et doit être considéré comme un apport à la richesse de l’humanité et le chemin que l’on prend importe peu du moment que l’objectif et la cause sont nobles.

Notre groupe, en tant que groupe de femmes musulmanes venant de différents horizons culturels et sociaux et liées par des valeurs spirituelles communes, aspire à tout cela non pas comme une utopie mais comme un espoir pour des lendemains moins hostiles et plus sereins à vivre pour nos enfants et pour l’humanité toute entière…

Asma Lamrabet, GIERFI, Septembre 2008

Asma Lamrabet (Maroc) est présidente du GIERFI. Les deux autres fondatrices en sont Yaratullah Monturiol (Espagne), secrétaire générale du GIERFI, et Malika Hamidi (Belgique), porte-parole du mouvement.

[1] Réformes des codes de la famille en Tunisie et au Maroc.

[2] L’universalisme moderne prétend se détacher de toute transcendance, or le véritable universel est celui qui est défini en commun par l’ensemble des cultures et civilisations et par leurs apports respectifs.

[3] Il faudrait aussi s’entendre sur le concept de laïcité : de quelle laïcité parle-t-on ? Ou plutôt de quel modèle de laïcité s’agit-il ? En tant qu’espace de neutralité, de respect de toutes les croyances et de distinction entre le religieux et le politique, la laïcité ne doit normalement pas poser de problèmes aux musulmans occidentaux, bien au contraire. Cependant, en terre d’islam, ce concept a généralement été mal perçu, car souvent confondu avec l’athéisme et, dans un passé récent, revendiqué par des régimes antidémocratiques voire despotiques.

[4] Ijtihad : effort intellectuel réalisé en vu de formuler un avis juridique dans le cas où les sources de référence restent silencieuses.

[5] De très nombreuses femmes, particulièrement musulmanes, ne s’identifient pas avec le féminisme du fait de sa connotation occidentalisée et surtout parce que certains mouvements féministes ont développé une attitude hostile envers les hommes et la notion de famille en général. Or il ne faut pas confondre modèles et principes, et considérer tout le mouvement féministe comme homogène alors qu’il est profondément hétéroclite. Ceci dit, plusieurs femmes farouchement opposées à la dénomination féministe en utilisent néanmoins les analyses et les stratégies.

[6] Le féminisme post-colonial est une entité qui regroupe toutes les entités marginalisées par un féminisme occidental ethnocentrique et dominant, à savoir : le féminisme noir, africain, latino-américain, autochtone-indigène et le féminisme arabe avec son corollaire le féminisme musulman.

[7] C’est ce qui résulte d’une étude faite par des chercheuses suisses en études du genre de l’université de Lausanne, où elles démontrent que c’est le racisme qui a conduit à développer une vision ethnocentrique de l’émancipation des femmes, comme si seules les féministes occidentales détenaient la bonne définition de l’émancipation et les moyens d’y parvenir ; dans www.lecourrier.ch , par Corrinne Aublanc.

[8] Selon la féministe canadienne Denise Couture : « le féminisme occidental a pour défi de déconstruire son propre pli colonialiste et parmi les manières de l’aborder, il y a celui que les féministes anglo-saxonnes appellent la mise en œuvre d’une politique de la localisation qui consiste à apprendre à parler pour soi-même et à cesser de parler pour les autres ».

[9] La féministe indienne Vandanna Shiva parle de l’existence d’un véritable « racisme environnemental ».

Source : http://www.lcr-lagauche.be