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Libye : Les conditions se dégradent à Benghazi alors que les combats s’intensifient

D 29 novembre 2014     H 05:53     A IRIN     C 0 messages


Les conditions médicales sont mises à rude épreuve à Benghazi, ville de l’est de la Libye où les forces gouvernementales luttent pour reprendre des territoires aux rebelles islamistes. Les rues des quartiers résidentiels se sont transformées en champs de bataille patrouillés par des comités locaux autoproclamés.

Les hôpitaux peinent à s’approvisionner en médicaments pour traiter les maladies chroniques et une pénurie de professionnels qualifiés limite leur capacité à soigner le nombre croissant de lésions traumatiques.

Cette semaine, l’Hôpital du 7 Octobre et une maternité du district de Sabri, près du port, ont été évacués à l’annonce d’une offensive du gouvernement pour regagner un territoire où les islamistes avaient pris le contrôle d’infrastructures clés en juillet.

Le Croissant-Rouge libyen, dont les bénévoles ont dirigé l’évacuation à l’aube du trois novembre, a dit à IRIN que près de 100 travailleurs de la santé et patients, dont certains se trouvaient en unité de soins intensifs, ont été menés en lieu sûr par ambulance. L’armée libyenne avait ouvert un couloir sécurisé pour leur passage.

Pendant ce temps, ailleurs dans la ville, les combats faisaient rage. Des témoins ont fait état de chars circulant dans les rues et d’avions de guerre volant au-dessus de leur tête. [ http://in.reuters.com/article/2014/11/03/libya-security-idINL6N0ST3OD20141103 ]

Selon les médias locaux, plus de 230 personnes ont été tuées et bien plus encore ont été blessées depuis que les forces gouvernementales ont lancé une offensive contre les positions rebelles le mois dernier. Les hôpitaux de la ville se trouvent dans une situation de plus en plus difficile. [ http://www.reuters.com/article/2014/11/02/us-libya-security-idUSKBN0IM0V720141102 ]

Le bombardement et le pillage des principaux entrepôts pharmaceutiques de Benghazi en août ont perturbé la chaîne d’approvisionnement médicale et des appels urgents sont lancés pour faire parvenir des médicaments.

« Nous ne sommes plus approvisionnés, car le port et l’aéroport sont fermés », a dit un chirurgien du Centre médical de Benghazi, qui n’a pas voulu révéler son nom pour des raisons de sécurité.

« Nous avions un dépôt de fournitures médicales, mais il a été détruit par une bombe et nous avons perdu plein de médicaments et de matériel médical », a-t-il ajouté. Il a expliqué que les services étaient également touchés par le manque de personnel qualifié, car de nombreux travailleurs ont fui la ville ou choisissent de ne pas se rendre à l’hôpital pour ne pas risquer d’être pris entre deux feux.

« Il y a des fusillades et des combats dans les rues et il est très difficile d’atteindre l’hôpital », a dit le chirurgien. « Parcourir un ou deux kilomètres peut prendre une ou deux heures. »

Groupes d’autodéfense armés

Siham El Amami, une habitante de Benghazi, a décrit à IRIN comment des groupes de volontaires armés connus localement sous le nom de sahawa (terme arabe usuel pour les groupes tribaux locaux qui signifie littéralement « l’éveil ») avaient installé des barrages routiers dans toute la ville et disaient aux habitants de ne pas sortir de chez eux.

« Ils bloquent la rue principale [avec] du sable et des déchets », a-t-elle expliqué. « Ce ne sont pas des fonctionnaires, mais juste des volontaires, avec de très vieilles voitures. »

« Ils essayent de nous protéger, car ils disent que c’est dangereux en dehors de notre secteur », a-t-elle dit, ajoutant qu’on avait empêché à son mari de se rendre au travail parce qu’il était trop dangereux de quitter le quartier.
Un autre habitant de Benghazi, qui a préféré garder l’anonymat, a dit ne pas pouvoir dormir la nuit à cause du bruit des bombes et des roquettes.

« Là où je vis, ce n’est pas dangereux, pour l’instant », a-t-il dit. « Mais nous entendons les bombes et les avions toutes les nuits et nous voyons les dégâts causés par les roquettes. Il y a quelques mois, un explosif est tombé à 100 mètres de ma maison et a détruit des bâtiments de la rue. »

Cet habitant s’est plaint des comités locaux et a dit qu’il préfèrerait que les barrages routiers soient officiels et tenus par l’armée. « Nous ne savons pas qui sont ces gens », a-t-il dit. « Ce n’est pas bon que des civils prennent les armes. Cela ne fera que prolonger la violence. »

Réduction des effectifs des ONG internationales

En raison du manque de sécurité à Benghazi - et dans le pays en général - les organisations d’aide internationales et les agences des Nations Unies ont commencé à retirer leurs expatriés de Libye en juin. Nombre de ces organisations mettent en oeuvre leurs opérations à distance, depuis la Tunisie. [ http://www.irinnews.org/fr/report/100469/l-ins%C3%A9curit%C3%A9-en-libye-oblige-les-travailleurs-humanitaires-%C3%A0-partir ]

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a retiré ses travailleurs internationaux en juillet, après l’assassinat de Michael Greub, un ressortissant suisse de 42 ans, à Syrte. Le personnel national du Comité est cependant resté et travaille en étroite relation avec le Croissant-Rouge libyen.

En se retirant, les organisations humanitaires ont laissé derrière elles un réseau squelettique d’organisations non gouvernementales (ONG) locales sans expérience, ce qui freine les efforts de distribution d’aide au nombre croissant des familles déplacées. De nombreux programmes de développement ont également été suspendus. [ http://www.irinnews.org/fr/report/100680/l-ins%C3%A9curit%C3%A9-entrave-l-action-humanitaire-en-libye ]

Selon François de la Roche, directeur de la section libyenne d’International Medical Corps (IMC), dont le personnel intervient à distance depuis la Tunisie voisine, les services de santé sont débordés.

« De nombreuses personnes ont été déplacées et les infrastructures ont été fortement endommagées », a-t-il dit à IRIN. « Les dégâts subits par l’infrastructure du système de santé viennent s’ajouter à la surcharge de travail des établissements restants. »

Dans l’espoir de combler les pénuries, IMC cherche à acheminer vers Benghazi un chargement d’urgence de matériel médical comprenant des gants et des masques chirurgicaux, des nécessaires à perfusion intraveineuse et des médicaments.

En attendant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) soutient le ministère de la Santé libyen en lui procurant des médicaments et autres produits et devrait fournir 50 trousses médicales d’urgence cette semaine qui permettront d’effectuer environ 5 000 interventions chirurgicales.

Plus de 380 000 déplacés

En octobre, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a signalé que dans l’ensemble de la Libye, 331 000 personnes étaient à risque et avaient besoin d’aide humanitaire. [ http://reliefweb.int/report/libya/ocha-flash-update-2-humanitarian-agencies-launch-appeal-respond-large-scale ]

Plus de 287 000 personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays dans et autour de Tripoli et Benghazi et au moins 100 000 personnes se sont réfugiés dans des pays voisins ces derniers mois.

Pourtant, alors que le nombre de personnes vulnérables continue d’augmenter, il reste très difficile de leur apporter de l’aide en raison des difficultés d’accès et du manque de travailleurs humanitaires sur le terrain pour les localiser et cartographier les besoins.

« Les choses évoluent très rapidement et il est difficile de savoir où se trouvent exactement les gens ou de connaître leurs besoins, car les restrictions d’accès rendent difficile toute évaluation », a dit Muftah Etwilb, représentant de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour l’Afrique du Nord.

Les affrontements à Benghazi font partie d’un conflit plus large dans ce pays d’Afrique du Nord, depuis qu’il y a trois ans et un mois le dictateur Mouammar Kadhafi a été renversé.

Certaines des factions rebelles qui ont participé à la chute de M. Kadhafi luttent maintenant pour diriger le pays. Le gouvernement s’est quant à lui scindé en deux : le premier ministre Abdullah al-Thinni, reconnu par la communauté internationale, a été forcé de s’installer à Tobrouk, à 1 287 kilomètres à l’est de la capitale, tandis que les dirigeants à Tripoli ont rétabli l’ancien parlement et mis sur pied un gouvernement rival.