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« L’opposition défendra avec détermination l’aspiration légitime du peuple mauritanien au changement »

D 30 mai 2018     H 05:08     A Bakala KANE, Haimout Bâ     C 0 messages


L’opposition démocratique mauritanienne participera à toutes les élections prochaines. Le succès incontestable de la marche de cette fin de semaine à Nouakchott est un indicateur que le peuple mauritanien est prêt pour le changement et que toute tentative des amis de la Mauritanie de jeter l’huile sur le feu compromettrait gravement les législatives et municipales prochaines et au delà les présidentielles de 19.Seule une alternance pacifique pourra garantir la paix et l’unité nationale.Dans cette perspective l’opposition devra faire d’abord sa propre transition avant qu’il ne soit trop tard.C’est en substance ce qui ressort de l’interview du chargé des relations internationales de l’UFP en Europe Haimout Bâ interrogé par Bakala Kane pour Kassataya.

Quelle analyse faites-vous de la situation politique actuelle de la Mauritanie ?

HB : Certains observateurs se plaisent souvent de souligner, non d’ailleurs sans gêne, le « rôle joué » par la Mauritanie dans la « stabilité et la sécurité » de la région, omettant volontairement de souligner la déliquescence de l’Etat, la communautarisation du pays en raison de la politique chauvine et d’exclusion menée par le pouvoir en place, ainsi que les risques sérieux qui pèsent sur l’existence même du pays et ses conséquences chaotiques pour la sous- région.Seule donc une alternance pacifique pourra garantir le maintien de l’Unité du pays sur la base d’un nouveau pacte social, conférant au pouvoir qui en sera issu la légitimité et la force d’assurer efficacement la lutte sans complaisance contre le terrorisme en pleine coopération avec ses partenaires.

La participation de l’opposition démocratique aux présidentielles 19 offre une alternance attendue aujourd’hui par les mauritaniens après deux mandats du président Ould Aziz.Quelles sont les conditions pour que ce rêve soit une réalité surtout après le succès de la marche populaire cette fin de semaine à Nouakchott ?

HB :Vous avez parlé du succès de la marche du FNDU du dimanche 13 mai, je vous le confirme ! C’est une très grande marche qui prouve que le peuple est prêt pour le changement, qu’il ne veut plus de ce pouvoir qui l’assoiffe, l’affame et avec lequel l’avenir est inconcevable. Si l’aspiration du peuple mauritanien au changement ne fait aucun doute, les conditions et modalités d’expression de cette volonté font cependant l’objet de préoccupations légitimes de l’opposition.C’est pourquoi, l’objet principal de la marche du 13 mai du FNDU a été de réclamer la transparence des élections de 2018 et de 2019, à commencer par la modification de la composition de la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI ) pour la rendre conforme aux dispositions de l’article 6 de la loi qui l’a institué , qui dispose que ses membres sont choisis de manière consensuelle par la Majorité et par l’Opposition, sauf à considérer qu’il n’y a d’opposition que celle que le pouvoir a lui- même choisie.

Ce qui est non seulement illégal et complètement absurde, mais également révélateur de l’intention assumée du pouvoir d’organiser des élections dont les résultats seront connus d’avance, compte tenu des pouvoirs dont dispose cette CENI : validation du fichier électoral, établissement de la liste électorale, fixation du nombre de bureaux de vote et leur localisation, la confection, l’impression et la distribution des cartes d’électeurs et des cartes de vote, l’organisation des bureaux de vote, leur composition, la détermination du nombre d’inscrits par bureau, le dépouillement, l’établissement des procès-verbaux, leur acheminement et la proclamation des résultats.

C’est bien l’enjeu de la composition de cette institution qui ne peut en l’état actuel assurer la transparence.

HB : la CENI doit donc être dissoute conformément à l’article 3 de la loi portant sa création comme le demande légitimement l’opposition. Il faut souligner par ailleurs que l’Union Européenne abonde dans le même sens par la voie de son Ambassadeur en Mauritanie, qui appelle « à des élections transparentes, consensuelles et inclusives » à l’occasion de la célébration la semaine dernière de la journée de l’Europe, ce qui, me semble-t-il, témoigne de sa disponibilité à y participer par l’envoi d’observateurs. Et l’Union africaine ferait bien de s’en inspirer, car il s’agit d’élections de la dernière chance qui marqueront de manière prégnante l’avenir du pays.

Dans ce contexte grave une nouvelle gouvernance de l’opposition est indispensable pour sortir le pays de l’impasse politique et économique.

HB : c’est une nouvelle gouvernance que nous appelons de tous nos voeux qui sera fondée sur un consensus de tous les acteurs du changement et légitimant une nouvelle organisation de la société qui sera ressentie par le plus grand nombre comme devant fonder la Mauritanie de demain. L’opposition aura ainsi réussi sa propre transition en levant les barrières des considérations personnelles pour n’avoir en vue que l’intérêt général. Dans cette perspective, les sacrifices des uns et des autres seront les vecteurs d’une nouvelle Mauritanie qui leur sera à jamais reconnaissante.

L’opposition n’exclut pas donc d’aller à l’affrontement avec le pouvoir.Ne pensez-vous pas donner ainsi l’occasion à Ould Aziz de riposter en créant des troubles pour justifier un troisième mandat aux yeux de l’opinion internationale ?

Il faut d’abord rappeler que c’est la première fois dans notre histoire politique et constitutionnelle qu’un Président de la République ne se représente pas au terme de son mandat par le jeu des dispositions constitutionnelles de limitation des mandats.Si cette situation devait se confirmer, et si le chef de l’Etat se mettait à équidistance des candidats à sa succession, il entrerait alors doublement dans l’histoire politique et constitutionnelle de la Mauritanie pour avoir acquis le pouvoir par un coup d’Etat constitutionnel et pour l’avoir quitté par respect de la constitution.

Cependant, les déclarations de certains hommes politiques de son camp et de certains Oulémas montrent que le chef de l’Etat n’est pas prêt à quitter le pouvoir de son propre gré. Et la récente menace d’Al-Qaïda contre les intérêts des Européens en particulier les intérêts français, ne vise qu’à créer un climat d’insécurité et de peur pour justifier un pouvoir ‘’fort’’, alors que la force d’un pouvoir réside dans sa légitimité et sa capacité à créer une union nationale crédible et durable.

Ce serait par ailleurs oublier les causes réelles ou supposées de la situation actuelle de la Mauritanie apparemment calme par rapport à de celle du Mali, du Niger ou encore du Tchad, qu’il faut chercher ailleurs que dans une vraie lutte antiterroriste du pouvoir de Nouakchott. Toute tentation des amis de la Mauritanie de céder aux sirènes de probables incendiaires qui se draperaient ensuite d’habits de pompiers seuls capables de faire face à l’incendie, serait catastrophique pour la Mauritanie et pour la sécurité dans la sous- région. Et la lucidité commande en effet de ne pas compter en de telles circonstances sur la faiblesse de la force apparente !

Pour répondre à ta question, oui l’opposition défendra en toute circonstance l’aspiration légitime du peuple au changement.

Propos recueillis par Bakala Kane

Source : www.kassataya.com