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Mauritanie – Grâce présidentielle pour les militants antiesclavagistes

D 21 mars 2011     H 18:14     A Mariam Seri Sidibe     C 0 messages


A l’occasion de la fête célébrant la naissance du Prophète, le
président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, a gracié
six militants de la lutte contre l’esclavage, pratique restée
courante dans le pays, malgré sa criminalisation par les lois de
1981 et 2007 dont les textes n’ont pas été suivis du décret
d’application. Emprisonnés à Nouakchott depuis le 12 décembre
2010, trois des militants avaient été condamnés à un an de
prison, dont 6 mois de prison ferme pour « agression sur agents
de police ». Les trois autres graciés avaient écopé de six mois de
prison avec sursis. Leur seul crime : s’être rendus, en compagnie
d’un commissaire de Nouakchott, dans une maison ou deux
jeunes filles de 9 ans et 14 ans travaillaient comme domestiques
pour plusieurs femmes. La situation aurait ensuite dégénéré entre
policiers et militants. Mais ces derniers ont toujours affirmé ne pas
avoir agressé les forces de l’ordre.

Elu depuis juillet 2009, à la suite d’un coup d’Etat lui aussi
« rectificatif », Ould Abdelaziz a déjà usé de cette prérogative à
l’occasion des fêtes religieuses, particulièrement en faveur de
détenus impliqués dans des attentats islamistes mais considéré
comme « modérés ». Ainsi, implicitement, Aziz met au même plan
militants des droits de l’homme et terroristes. Dans le même
temps, le procès des trois femmes esclavagistes a conclu à six
mois avec sursis.

Les défenseurs des droits humains sont donc criminalisés alors
que les esclavagistes n’ont été accusés que d’exploitation de
mineurs ou de négligence. Ainsi que le souligne, Aminetou Mint
El-Moctar, présidente de l’Association des femmes chefs de
familles, « il y a une volonté des autorités à nier le phénomène de
l’esclavage » pourtant endémique en Mauritanie. Depuis 2007,
alors que la loi l’exige, aucun procès pour esclavagisme n’a eu
lieu, malgré les actions des associations telles que SOS Esclaves,
El Hor (les Haratines) ou aujourd’hui le FLERE et l’IRA. Normal,
puisque les esclavagistes sont des éminences du gouvernement et
de l’opposition officielle qui, pourtant, avait proposé dans son
programme l’éradication de l’esclavage. Cette question récurrente
est souvent évoquée dans la presse internationale, mais reste un
tabou national. Le reportage de Mourad Ait-Abbouche, réalisé
pour France 3, au moment du dernier rallye Paris-Dakar qui
passait en Mauritanie, a été censuré par sa propre chaîne
française pour ne pas provoquer d’incident diplomatique.
Cette grâce intervient après une mobilisation internationale
sans précédent, particulièrement due au Parti Radical italien, qui
a dépêché sur place une délégation de députés du parlement
européen, à Michel Vauzel, président de France-Mauritanie, et,
last but not least aux militant-e-s du NPA. Néanmoins, cette
grâce est inacceptable aux yeux des militant-e-s des droits de
l’Homme, puisqu’elle les prive du procès condamnant le système
esclavagiste. Aziz croyait pouvoir faire taire les abolitionnistes,
c’était sans compter sur leur détermination et leur sincérité.
L’accusation allant même à en faire des agents du … Mossad.

Un pouvoir corrompu et aux abois

Alors que les peuples du Maghreb et Machrek se soulèvent et
que les régimes dictatoriaux tombent les uns après les autres, on
pourrait penser que la Mauritanie est épargnée par les révoltes.
Tel n’est pas le cas, puisque le 26 février dernier près de 2.000
personnes se sont rassemblées au centre de Nouakchott. Les
mots d’ordre de la manifestation, outre les revendications sur le
prix des denrées, la démocratie véritable, la fin du régime
militaire, portaient aussi sur l’abolition de l’esclavage et la fin de
la corruption qui gangrène le pouvoir. Certes, ce n’est pas encore
la place Tahrir, mais toutefois la contestation progresse au sein
de la population. Pour preuve, même si la police n’est pas
intervenue pour déloger les manifestants, celle-ci à quadrillé les
quartiers populaires et procéder à des arrestations arbitraires.
Signe d’un certain affaiblissement du pouvoir. Aziz invente la
répression préventive.

Alors que le Colonel impose un régime drastique à la
population, sous prétexte de lutter contre la corruption et d’être
le « Président des pauvres », on découvre que la gabegie
continue de plus bel et que l’argent détourné serait planqué aux
states mais aussi … en France. C’était d’ailleurs, le sens de la
revendication de Yacoub Ould Daoud, homme d’affaire
mauritanien de 43 ans, qui s’était immolé devant le palais
présidentiel. Le soir même Aziz déclare à la TV national que « en
Tunisie, ce sont les pauvres qui s’immolent, ici c’est un riche, je
suis le président des pauvres ». L’insulte porta ses fruits, puisque
dès l’annonce de la mort de Yacoub, des manifestations
spontanées ont eu lieu. Malheureusement, la Mauritanie étant
clanisée, celles-ci ne réunissaient que des jeunes Bidhanes.

Mais aujourd’hui, le régime n’ayant plus ses soutiens
tunisiens, égyptiens et bientôt libyen, la Mauritanie aurait envoyé
des mercenaires pour mater la rébellion libyenne. D’ailleurs Aziz
n’a jamais caché son admiration pour Kadhafi (le Grand Sphinx),
lequel a toujours assuré la formation de quelques conseillers
militaires auprès du régime du colonel Taya responsable du
massacre des négro-mauritanien-ne-s de 1989, parmi lesquels
Aziz. Donc espérons que cette année, verra enfin la chute de la
junte militaire et l’avènement de la démocratie populaire.

Mariam Seri Sidibe