Vous êtes ici : Accueil » Afrique du Nord » Mauritanie » Mauritanie : Khadiata Malik DIALLO, la perle de la Gauche au pays de la Droite

Mauritanie : Khadiata Malik DIALLO, la perle de la Gauche au pays de la Droite

D 29 février 2012     H 05:02     A Errabii Ould IDOUMOU     C 0 messages


La députée du parti de l’Opposition « Union des Forces de Progrès, UFP », Khadiata malik DIALLO, est l’une de ces mains douces aux griffes acérées et tant redoutées par le pouvoir en Mauritanie. Les critiques acerbes de ses détracteurs n’intimident guère cette princesse africaine qui continue à porter haut le flambeau de la défense des libertés sous la coupole du Parlement National. Ayant su s’opposer aux régimes totalitaires tout en gardant ses distances de la droite négro-africaine extrémiste anti-beydane, elle a développé un discours de destructuration des dictatures en évitant le piège de la stigmatisation et des particularismes ethniques.. Devenue une icône de la gauche dans un pays dominé par les forces rétrogrades, chauvines et à visées étroites, elle a su conserver un tentaculaire réseau dont les ramifications se retrouvent dans tous les courants politiques du pays.

En temps de crise, la vie de cette femme se transforme en un foisonnement d’activisme à la limite du compulsif. Des dizaines de dossiers sous le coude. Des changements à hâter ou à initier. Des initiatives à lancer. Des revendications à formaliser. Celle qui se prend pour la« voix du peuple » ne s’accorde alors aucun répit.

Le jeudi 17 novembre, nous avions rendez-vous avec Khadiata. La dame est douée d’une époustouflante clarté de vision. Elle est capable d’analyser avec la même finesse aussi bien la situation de l’Opposition que celle de la Majorité. Ce jour-là, elle devait mettre les dernières touches aux préparatifs d’un déplacement à Atar et Akjoujt où son parti, l’UFP, devait organiser une activité. Il y avait aussi, le même jour, la réunion de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) où devait s’organiser la passation de service entre Mahfoudh Ould Bettah, président du Parti du Forum Démocratique, et Mamadou Alassane, président du Parti de la Justice, de l’Egalité et de la Liberté. Dans le même temps, Kadiata Malik Diallo devait, en tant que mère de famille, donner des instructions et prendre des dispositions pour que ses enfants puissent palier son absence de quelques jours. Malgré tout cela, la Députée a trouvé le temps pour deviser avec nous à bâtons rompus au volant de la « VX » qu’elle conduit tout en répondant à de multiples appels téléphoniques.

Khadiata Malik DIALLO est née en 1959 à M’Bout (Wilaya du Gorgol) dans un milieu de cultivateurs dont elle a gardé la certitude qu’on récolte toujours ce qu’on a semé. Avec des champs en guise de terrain de jeu, elle inscrit dans sa mémoire le besoin des horizons dégagés et l’amour des grands espaces.

C’est pendant cette période de sa vie que se formera son rêve mauritanien. Elle se rappelle avoir grandi et étudié dans des écoles où se côtoyaient des enfants de toutes les ethnies (H’ratine, maures et négro-africains). Aucune différence liée à l’origine ethnique ne constituait véritablement un obstacle. Tout au long d’une vie politique riche en événements parfois douloureux, elle apprendra que les choses ne sont pas toujours aussi angéliques : « en ces temps-là, nous étions tous les fils de la Mauritanie. Il n’y avait pas de différences entre nous. Après il y aura beaucoup d’extrémisme », nous dit-elle.

En 1983, Kadiata décrocha son baccalauréat, haut la main, en Sciences Naturelles.Elle accéda alors à l’Ecole Normale Supérieure (ENS) d’où elle sortira professeur de l’enseignement secondaire. Elle servira pendant 20 ans sans bénéficier de la moindre promotion de la part des services de l’Education Nationale. Mais Kadiata ne se laissa pas démoraliser. Les générations de Mauritaniens qu’elle forma de son mieux suffirent à faire son bonheur ; une rétribution qui compense largement le manque de reconnaissance de l’administration de tutelle.

1989 : massacres pour cause de couleur de peau

Les années de l’après-bac à l’ENS furent aussi celles du militantisme associatif. Kadiata adhéra à l’Association pour la Promotion de la Langue Pular en Mauritanie. Ils étaient des dizaines de jeunes patriotes à s’être fixé comme objectif de développer les langues nationales. Ce fut l’époque des premiers pouvoirs militaires. Pour des dizaines de militants progressistes de toutes origines, la clandestinité était le seul choix pour exercer l’action politique. Objectif : préserver l’unité nationale en promouvant l’égalité des citoyens et en combattant les idées d’exclusion et de racisme. Pour Kadiata, ce fut la porte d’entrée dans une arène politique qui ne lui procurera pas que des motifs de joie.

Aux côtés de son mari, ex-ingénieur en télécommunication et actuel syndicaliste à la CGTM*(Centrale Générale des Travailleurs Mauritaniens), et avec leurs quatre enfants (deux filles et deux garçons) et sa grande famille rurale, la députée de gauche, arrive à mener son combat politique en dépit de tout : « au sein de ma grande famille, il y a toujours quelqu’un pour me remplacer auprès de mes enfants. Mon mari m’encourage et m’aide énormément dans mon travail politique », aime-t-elle à affirmer.

En 1989, Kadiata fêtait ses trente ans et rêvait de sa Mauritanie, joyau du Sahara et terre du brassage des cultures. Ce fut sans compter avec les lugubres forces du malet un régime politique qui dressa les « Blancs » contre les « Noirs » comme s’il pouvait monter le« blanc de l’œil » contre sa pupille. Kadiata verra de ses propres yeux les Noirs de Mauritanie se faire massacrer par centaines, passés à l’arme blanche, mutilés sur des places publiques. Sans aucune appartenance politique, sans même être militants ou activistes, les Noirs furent massacrés juste parce qu’ils étaient Noirs.

A la suite de ces terribles événements, et en réponse au chauvinisme des Arabes, la droite extrémiste négro-africaine se déchaîna. Kadiata Diallo perdit, dans cette bataille, nombre de ses illusions de jeunesse. Elle vit se dissoudre sa naïveté mais continua, comme à une planche de salut, à s’accrocher à l’idée que les Arabes et les Noirs de Mauritanie appartiennent à un espace commun et doivent construire une communauté de destin. Dans l’immédiat, le plus urgent fut de ne pas céder aux sirènes de l’extrémisme. C’est ce qu’elle fit. Elle répétait à qui voulait l’entendre que le régime d’Ould Taya était en train de briser le socle de la Mauritanie. Que ce qui venait de se passer s’apparentait au génocide, que c’est un crime contre l’humanité mais que le seul responsable était le régime en place qui avait armé, harangué et laissé les hordes de tueurs sévir contre des populations sans défense.

Kadiata encaissera un autre coup. La droite négro-africaine l’accusa de trahison. Elle fit face à ces calomnies et continua à dénoncer les tueries dont furent victimes les Négro-africains en pointant du doigt le véritable responsable. Elle ne versera jamais dans les accusations pour responsabilité collective trop facilement distribuées par la droite négro-africaine. C’est la ligne qui sera défendue par une élite éclairée parmi les intellectuels mauritaniens et qui finit par devenir la seule lueur d’espoir qui continuait à briller pendant la longue nuit du régime de Ould Taya.

Et la « perle de la gauche » d’ajouter : « La plupart des Négro-africains considéraient que tous ceux qui continuaient à fréquenter les Arabes étaient des traitres à leurs ethnie. Ce fut un défi que je ne suis pas près d’oublier. Certains Arabes nourrissaient ce sentiment en utilisant l’Administration pour étaler leur racisme anti-Noir. Mais le crime et les massacres étaient du fait du régime, d’un régime militaire gangréné par une haine raciale viscérale. Notre rôle en tant qu’hommes ou femmes politiques est de panser les plaies et rapprocher les gens ».

Kadiata Malik Diallo considère que parmi les séquelles tragiques des « événements de 89 », il y a le problème des déportés. Il existe deux catégories de déportés :

1- Ceux qui ont été déportés au Sénégal. Certains d’entre ceux-ci sont rentrés récemment dans le cadre d’un plan gouvernemental. Ce plan comporte de nombreuses injustices. Ces déportés retournés au pays sont privés de leurs droits. Par exemple, les enseignants, parmi eux, sont rentrés sans droits. Les 20 ans qu’ils ont passés dans les camps de déportation ne leur sont pas reconnus. A leur retour, par exemple, ils ont trouvé que leurs collègues, qui étaient de la même promotion qu’eux sont maintenant des directeurs ou des chefs de services alors qu’eux sont toujours maintenus aux premiers échelons. Ce n’est pas juste. Il en reste encore 5000 dans les camps au Sénégal ;

2- Ceux qui sont au Mali. On parle rarement de ceux-là. Il s’agit d’habitants, essentiellement, du Guidimagha, qui avaient fui les milices armées par le gouvernement de l’époque pour tuer les Noirs. Ils sont estimés entre 10 et 12 mille, selon les données du HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés). L’Etat feint de les ignorer.

Le coup d’Etat d’Aziz a ramené le pays loin en arrière

Madame la Députée estime que la Mauritanie a connu une période riche en réalisations et qui a marquél’histoire. Il s’agit de l’année 2005. Ce fut l’année où Ely Ould Mohamed Vall mit fin aux années noires d’Ould Taya et où les forces de l’Opposition obligèrent le nouveau régime à mener à bien la transition démocratique. Des journées de concertation ont été organisées et avaient débouché sur de très importantes recommandations. Mais l’arrivée d’Ould Abdel Aziz, huitième président de la Mauritanie et sixième issu de l’institution militaire, fut une véritable catastrophe. Aziz opéra un coup d’Etat la 6 août 2008 contre le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi à la suite de son limogeage par ce dernier de la tête du bataillon de la garde présidentielle. Pour Khadiata, Ould Abdel Aziz est un militaire démagogue, arrivé au pouvoir par des élections que l’Opposition continue à qualifier de douteuses. Ce putschiste avait bafoué la Constitution ainsi que nombre de résolutions de l’Union Africaine qui criminalisent la pratique des coups d’Etat et en privent les auteurs de toute éligibilité. Elle considère que : « c’est un homme qui bâillonne les libertés, qui contourne le Parlement à chaque fois que les décisions revêtent un caractère économique. Il oblige, maintenant, l’élite de ce pays à réfléchir au moyen le plus efficace pour provoquer un changement véritable qui ramène les choses à leur cours normal ».

Et la Députée de continuer : « l’Opposition se tromperait en pensant que le Pouvoir lui laissera les coudées franches. Nous avons, au niveau du Parlement, posé de vraies questions.

Il nous reste à aller au contact des populations et à canaliser les mécontentements populaires. Nous avons besoin, pour cela, d’avoir le souffle long et de persévérer. Le nouveau président de la Coordination se doit de nous mener dans cette direction. L’Opposition a perdu beaucoup de temps dans ses divisons internes. Si le précédent président a dépensé beaucoup de temps à rapprocher certains partis de l’Opposition en essayant de ne pas en perdre au passage, le nouveau hérite d’une Coordination homogène, avec une vision claire et dont tous les membres sont résolus à en finir avec les pouvoirs militaires et le régime des généraux. L’Opposition véritable a repoussé l’offre de s’engager dans un dialogue à l’issue incertaine et aux préalables mal définis. Il lui reste à arranger ses affaires internes et à faire bouger la rue contre le régime dictatorial. »

Pour Khadiata Malik DIALLO, il est indispensable d’établir un plan d’action clair qui s’inscrive dans la légalité mais garantisse la mobilisation des populations autour des revendications maintes fois exprimées notamment autour des risques de sécheresse que le Gouvernement a longtemps occultés avant de se rendre compte que le pays est au bord de la famine.

La malédiction du racisme

Khadiata n’oublie jamais que nombre de nos concitoyens sont victimes des clichés et stéréotypes colportés sur telles ou telles composantes de notre société. Les régimes autoritaires raffolent de ce genre de pratiques et les encouragent. La Députée conclue :« dans mon travail de députée, je souffre régulièrement de pratiques racistes et ségrégationnistes. Je suis connue. Je n’hésite pas à exhiber ma carte de parlementaire. Pourtant, il y en a qui me mettent des bâtons dans les roues et pratiquent à mon encontre le racisme le plus cru. Si moi, députée jouissant d’une certaine immunité, suis victime du racisme et de la discrimination, qu’est ce qu’il en serait des Négro-africains simples citoyens ?

Ils doivent certainement en baver. ».

( traduit avec le concours de Kassataya.com)
Taqadoumy