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Mauritanie : Le Conseil des droits de l’homme ne peut pas ignorer le recours systématique à la torture

AMNESTY INTERNATIONAL DÉCLARATION PUBLIQUE

D 25 novembre 2010     H 04:17     A     C 0 messages


À quelques jours de l’examen de la Mauritanie par le Groupe de travail du Conseil des droits de l’homme dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) qui aura lieu à Genève le 10 novembre prochain, la Mauritanie doit s’engager à mettre immédiatement un terme à la torture et aux mauvais traitements.

Le Conseil des droits de l’homme dont la Mauritanie fait actuellement partie ne peut se permettre d’ignorer les violations très graves commises dans les lieux de détention par un de ses membres.

Une délégation d’Amnesty International qui a enquêté en Mauritanie en septembre et octobre 2010, a pu établir que le recours à la torture et aux mauvais traitements par les forces de sécurité restait systématique et les conditions détention dans plusieurs prisons demeuraient déplorables.

La torture continue d’être utilisée comme méthode d’enquête et de répression contre toutes les catégories de détenus en Mauritanie, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, d’islamistes présumés ou de personnes arrêtées pour des infractions de droit commun.

Les délégués d’Amnesty International ont rencontré des dizaines de détenus dans plusieurs lieux de détention du pays à Nouakchott, la capitale, et à Nouadhibou (à environ 500 km au nord de la capitale) ainsi que des personnes récemment libérées qui se sont plaintes de torture et de mauvais traitements.

Un détenu, né en 1984 et arrêté en avril 2010 pour liens présumés avec des islamistes a raconté à Amnesty International :

« Un gros policier m’a donné des gifles et m’a mis des menottes aux dos. Il a ensuite attaché mes pieds et a relié la corde à mes mains dans le dos, de sorte que je sois complètement courbé, il a soulevé ma tête et m’a battu pendant un long moment à l’aide d’un tuyau d’arrosage, il me donnait aussi des coups sur la plante des pieds. Sous la torture, j’ai avoué tout ce qu’il voulait. »

Les femmes détenues en garde à vue ne sont pas à l’abri de telles pratiques. Amnesty International a rencontré plusieurs femmes qui ont fait état de mauvais traitements alors qu’elles se trouvaient en garde à vue dans les locaux de la police.

L’une d’elles, arrêtée en juin 2010 accusée de trafic de drogues, a raconté :

« A la brigade anti-drogue, les policiers m’ont demandé de me déshabiller. Je leur ai dit que je n’avais pas de sous-vêtements mais ils ont enlevé mes vêtements de force. Ils ont ensuite mis un bandeau sur les yeux, ils m’ont mis une paire de menottes dans le dos et les ont attachées à mes pieds, ils ont commencé à me frapper avec leurs matraques. »

Par ailleurs, les conditions de détention de plusieurs lieux de détention, s’assimilent toujours de par leur nature à une forme de torture et de mauvais traitements. Amnesty International est particulièrement inquiète de la situation sanitaire dans la prison de Dar Naïm, non loin de Nouakchott. Prévue pour 350 détenus, cette prison abritait 1 046 prisonniers lors du passage de la délégation. Douze détenus sont morts depuis le début de l’année dans cette prison dont huit depuis le 26 septembre, semble-t-il des suites de maladies. Lors de ces entretiens avec les autorités, la délégation a déploré l’absence de présence médicale régulière dans les lieux de détention.

Les prisonniers détenus à Nouakchott et à Nouadhibou sont serrés les uns contre les autres dans leur cellule, par une chaleur souvent étouffante. Ces prisonniers ne peuvent quasiment jamais quitter leur cellule ni accéder à l’air libre, souvent pendant des mois, parfois pendant des années.

Les prisonniers sont souvent frappés par les gardes. Ces mauvais traitements surviennent en cas de querelle entre détenus, suite à des tentatives d’évasion avérées ou présumées ou simplement de par le bon vouloir des gardiens.

Des détenus accusés de tentative d’évasion en décembre 2008 ont raconté à Amnesty International :

« Toutes les personnes soupçonnées de vouloir s’évader ont été battues par la garde. Elle nous a mis des chaînes aux pieds, comme pour les anciens esclaves. Les chaînes étaient reliées avec les deux bras, la poitrine à l’air, les gardes nous ont battus dans cette position pendant plus de deux heures. Pendant ce temps, d’autres éléments de la garde nous lançaient régulièrement de l’eau au visage. La garde nous a battus à l’aide de câbles électriques et des cordes tressées. »

Amnesty International a pu recueillir des informations sur le décès d’au moins un détenu mort des suites de torture en 2009. Il s’agit de Ousseyni Wellé, un ressortissant sénégalais âgé de trente-sept ans et condamné à la peine de mort en 2008. L’un de ses co-détenus a raconté à Amnesty International : « Wellé est sorti malade de la cellule disciplinaire où il avait été enfermé après avoir été frappé. A la veille de sa mort, il avait été emmené à l’hôpital mais n’y est pas resté. Il crachait du sang à son retour à la prison, ses coudes et ses genoux étaient couverts de sang, il fallait qu’on l’aide pour marcher. Il est mort quelque jours après ».

En se fondant sur ces informations, Amnesty International estime donc que le Conseil des droits de l’homme ne peut ignorer la situation inquiétante des droits humains en Mauritanie. L’organisation réitère ici avec force les recommandations déjà adressées au Conseil des droits de l’homme en avril 2010 (Présentation d’informations à l’Examen périodique universel de l’ONU, Index AI AFR 38/001/2010) et notamment celles demandant au gouvernement mauritanien de :

 Élaborer d’urgence un plan d’action contre la torture et les mauvais traitements en vue de l’ élimination de ces pratiques et traduire en justice tous les responsables présumés de tels agissements, et ériger toute forme de torture et de mauvais traitements en infraction pénale et prévoir des peines qui tiennent compte de la gravité de tels actes ;

 Ouvrir une enquête sur les cinq derniers décès survenus en octobre 2010 à la prison de Dar Naïm ;

 Veiller à ce que tous les détenus aient la possibilité de rencontrer leur famille et de consulter un avocat et un médecin sans délai après leur arrestation et régulièrement pendant toute la durée de leur incarcération ;

 Placer la gestion des établissements pénitentiaires sous le contrôle effectif et approprié du ministère de la Justice.