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Mauritanie : Un blogueur menacé d’exécution pour apostasie

La Cour suprême doit statuer sur la peine prononcée contre Cheikh Ould Mkhaitir

D 30 janvier 2017     H 12:46     A Human Rights Watch     C 0 messages


Un blogueur mauritanien condamné pour apostasie risque d’être exécuté, à moins que la Cour suprême n’annule ou ne commue sa peine de mort, dans une décision attendue le 31 janvier, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités mauritaniennes devraient abandonner les poursuites à l’encontre de Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir et annuler la disposition du code pénal du pays qui prévoit la peine capitale pour apostasie.

Les autorités ont arrêté Mkhaitir, aujourd’hui âgé de 30 ans, le 2 janvier 2014 et l’ont inculpé d’apostasie pour un article qu’il avait publié trois jours auparavant sur le site internet d’information mauritanien Aqlame. Dans cet article, il affirmait que certaines personnes en Mauritanie se servaient de la religion pour justifier des discriminations raciales ou de caste, citant des exemples inspirés de la vie du prophète Mohamed pour condamner cette pratique. Son article a déclenché des manifestations auxquelles ont participé des milliers de personnes devant le palais présidentiel. Le 25 décembre 2014, un tribunal a déclaré Mkhaitir coupable et l’a condamné à mort, au motif qu’il avait « parlé avec légèreté » du Prophète.

« Cheikh Ould Mkhaitir devrait avoir la liberté d’écrire sans crainte d’être poursuivi en justice et encore moins d’être exécuté, exactement comme les protestataires devraient être libres de manifester contre ce qu’il a écrit », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Aux termes du code pénal mauritanien, la Cour suprême est habilitée à annuler ou à commuer une condamnation pour apostasie si la personne condamnée se repent.

Dans une lettre datée de mars 2015, six organisations mauritaniennes de défense des droits humains et d’autres organisations non gouvernementales, ainsi que 16 organisations africaines et internationales ont appelé à la libération immédiate de Mkhaitir, affirmant que les accusations portées contre lui constituaient une violation de son droit à la liberté d’expression. Elles ont souligné le fait qu’il s’était repenti à deux reprises : lors d’une audience préliminaire dans un poste de police militaire, puis lors de son procès en décembre 2014. Mkhaitir s’est de nouveau repenti devant la Cour d’appel de Nouadhibou mais, le 21 avril 2016, celle-ci a confirmé sa condamnation à mort, ce qui fait de la Cour suprême son instance de dernier recours.

L’article 306 du Code pénal mauritanien prévoit la peine de mort pour apostasie, mais stipule que si le prévenu se repent avant une décision de justice, la Cour suprême est habilitée à évaluer la validité de la repentance de l’accusé et à annuler la sentence de mort ou la commuer en une peine de prison de trois mois à deux ans, assortie d’une amende de 5 000 à 60 000 ouguiya (14 à 167 dollars).

Selon un rapport du Département d’État américain daté de 2015, la Mauritanie n’a jamais mis à exécution une peine capitale pour apostasie depuis son accession à l’indépendance en 1960. L’article 6 du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), que la Mauritanie a ratifié, stipule que les pays qui n’ont pas aboli la peine de mort devraient la réserver « exclusivement aux crimes les plus graves ». Human Rights Watch est opposée à la peine de mort en toutes circonstances, en raison de sa cruauté intrinsèque.

S’adressant aux milliers de manifestants anti-Mkhaitir qui s’étaient rassemblés devant son palais le 10 janvier 2014, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a été cité par les médias comme ayant affirmé que l’article écrit par Mkhaitir constituait un « crime abominable » et que les médias « devraient respecter notre religion et s’abstenir en toutes circonstances de lui causer du tort. » Lors d’un entretien télévisé le 4 avril 2014, le président a déclaré qu’il ne pensait pas que Mkhaitir était conscient de la gravité de ce qu’il avait écrit.

Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, organe composé d’experts indépendants qui est chargé d’observer la manière dont les États se conforment au PIDCP, a déclaré, dans le cadre d’un commentaire général sur l’article 19 du Pacte qui définit le droit à la liberté d’expression, que « les interdictions des démonstrations de manque de respect pour une religion ou pour tout autre système de croyance, y compris les lois sur le blasphème, sont incompatibles avec le Pacte », à moins que ces démonstrations ne constituent une incitation aux discriminations, aux hostilités ou à la violence.