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La situation de la Mauritanie

D 29 janvier 2012     H 04:38     A Maréga Baba     C 0 messages


Les souffrances quotidiennes et combien inquiétantes qu’endurent aujourd’hui les Mauritaniens se relativisent lorsque l’on examine les perspectives sombres qui attendent encore notre pays dans un avenir proche si par malheur cette gestion calamiteuse des ressources du pays et la mauvaise gouvernance devaient continuer de la sorte.

Les causes et les raisons de ces perspectives sombres

1ère partie : graves défaillances de gouvernance et de gestion.

A. La gestion des mines et du pétrole (révélation de la COD)

 1- L’or de TASIAST : Au départ, le projet était construit sur la base d’un potentiel exploitable de 10 millions d’onces, une production annuelle de 200.000 onces et un prix moyen de 400 USD l’once. Mais avec les nouvelles découvertes et une conjoncture favorable, ces données ont radicalement changé, en passant respectivement à 21 millions d’onces, 1.500.000 onces et 1.600/1800 USD l’once. Il s’agit donc d’une situation tout à fait nouvelle avec des investissements de l’ordre de 1, 5 milliard USD, devant hisser la mine de TASIAST au rang des toutes premières mines d’or du monde. Mais alors qu’une renégociation du contrat initial s’imposait de toute évidence pour augmenter la part de l’Etat Mauritanien qui était fixée de façon scandaleuse à 3% de la production, OULD ABDEL AZIZ s’est contenté d’un relèvement de 1 % seulement pour porter la redevance à 4%, au moment où d’autres pays comme la Guinée, par exemple, ont obtenu des résultats nettement meilleurs. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?

 2. Le cuivre d’Akjoujt La production de la MCM est passée de 120.000 tonnes concentré à 25% au début des années 2000 à 200.000 tonnes en 2010/2011, soit une augmentation de 67%, pendant que le cours de la livre de cuivre est passé sur la même période de 0,75 USD à 3,55 USD, sans parler des cours de l’or et de l’argent qui sont extrait de ce métal. Alors que les principaux paramètres du projet ont donc, là aussi, fondamentalement changé à la hausse, OULD ABDEL AZIZ n’a pas jugé utile de renégocier le contrat léonin par lequel la MCM qui exploite la mine nous réserve une part de 3% de la production. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?

 3. Le phosphate de BOFAL Le potentiel de cette mine est estimé à 150 millions de tonnes et l’intérêt stratégique du produit n’est pas à démontrer puisque les engrais dont il constitue la base seront de plus en plus demandés dans les prochaines années, dans un monde où la population augmente rapidement et les terres cultivables se raréfient de plus en plus, une partie non négligeable étant affectée désormais à la production des biocarburants.

On se souvient que le pouvoir avait retiré le permis d’exploitation de cette mine à un groupe privé mauritanien pour l’accorder à la SNIM, avant de finir par le lui retirer et l’attribuer dans la plus grande opacité à un groupe privé indien, sans appel d’offres et sans cahier de charges. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?

4. Le quartz Il s’agit d’un minerai important servant notamment dans la production de l’industrie du verre et dont l’exploitation a été accordée en catimini à un privé étranger, sans aucune forme d’appel d’offres ou de cahier de charges. Comment peut-on expliquer une telle attitude ? 5. Le pétrole L’opacité totale entoure aussi bien l’exploration offshore que celle onshore, mais le plus curieux a été la dernière loi votée à l’Assemblée Nationale par 20 députés seulement sur 95 et au terme de laquelle les contrats de partage de la production pétrolière sortiront désormais du domaine législatif pour être seulement du ressort de l’exécutif…Comment expliquer une telle attitude ?

B. Les ressources halieutiques

L’exemple de la convention avec la société chinoise POLY HONDONE FISHERY est fort instructif.

 Le Pouvoir présente la convention comme rentrant dans le cadre de l’exploitation des ressources pélagiques supposées être abondantes alors que dans l’énumération de la flotte mobilisée par la partie chinoise au terme de cette convention, on compte aussi des navires et embarcations destinés en fait à la pêche démersale, augmentant du coup la pression sur un potentiel déjà surexploité.

On peut légitimement se demander pourquoi le gouvernement a engagé notre pays dans cette convention aux faibles retombées, alors que de toute évidence, sa mise en œuvre contribuera de façon évidente à la surexploitation et au pillage de nos ressources halieutiques.

C. Le budget de l’Etat

Les violations suivantes sont systématiquement commises en matière de dépenses publiques :

 1. Alors que, conformément à la Constitution, la loi des finances est approuvée chaque année par le Parlement, c’est le contraire qui se passe dans les faits, le pays fonctionne en réalité durant toute l’année avec des finances échappant à tout contrôle du législateur.

 2. La loi de finances initiale est toujours présentée avec des dépenses communes de près de 30% du budget, mais qui finissent par représenter 40% dans la version de la loi rectificative

 3. Des comptes d’affectation spéciale sont ouverts à tort et à travers en dehors de la procédure normale réservant ce type de compte pour loger des financements extérieurs de projet. Ainsi, en 2008 un compte a été créé, juste après son coup d’Etat, un fonds de 16 milliards d’UM et en 2009 le fonds dit FAID de 20 milliards d’UM , alimenté à hauteur de 15 milliards d’UM par une taxe sur les communications téléphoniques et une taxe de 20 UM sur chaque litre d’hydrocarbures liquides. La destination de ces montants demeure mystère.

 5. L’engagement de dépenses publiques en dehors de quelque procédure budgétaire, dans de multiples cas, que ce soit et jamais régularisé, au moins pour la forme, dans une loi rectificative. Il en est ainsi du don saoudien de 50 millions de dollars dont le sort n’a jamais été élucidé.

D. Les marchés de gré- à -gré.

Comme on le sait, l’appel d’offres est la règle la plus transparente et la plus saine pour l’attribution des marchés publics. La formule du gré-à-gré est une exception prévue uniquement dans les cas d’extrême urgence ou de monopole du produit ou du service par un seul fournisseur.

Voici une liste de marchés publics accordés de gré-à-gré en contradiction flagrante avec le Code des Marchés Publics et sur lesquels pèsent de forts soupçons de corruption :

 1. La construction de l’aéroport international de Nouakchott confiée, dans le cadre d’une convention tenue secrète, pour la contrevaleur de plusieurs centaines de millions de dollars à un groupement d’entreprises nationales, sans aucune référence technique dans le domaine de la construction des aéroports internationaux et qui va très probablement sous-traiter le marché à des entreprises étrangères

 2. L’achat des trois avions de seconde main de Mauritanie Airlines ;

 3. L’assainissement de sept moughataas de Nouakchott pour près de près de 200 millions de dollars ;

 4. La route EL GHAIRA/BARKEOL ;

 5. Le projet de reboisement de la ceinture de Nouakchott reconnu comme fiasco total et dilapidation de l’argent public par OULD ABDEL AZIZ lui-même ;

 6. L’unité de radiothérapie du Centre d’Oncologie de Nouakchott ; 7. Les équipements hospitaliers de Kiffa ; 8. Les équipements hospitaliers de Néma ;

 9. Tous les marchés de voirie urbaine à Nouakchott ou ailleurs, attribués officiellement à ATTM en tant qu’entreprise publique soit disant prioritaire, mais qui une fois déclarée adjudicataire, les réattribue à son tour de gré-à-gré à l’entourage proche du Pouvoir…

 10. Idem pour les marchés d’aménagement des gazras de Nouakchott, de certaines routes et adductions d’eau potable à l’intérieur du pays, officiellement attribués au Génie Militaire, mais en fait redistribués de gré à gré à l’entourage proche….

E. Le domaine privé de l’Etat

 1. La distribution à tour de bras de terrains d’une superficie atteignant parfois plusieurs millions de m2, pour un même bénéficiaire, sous forme de « concessions rurales », notamment dans la zone de Nouakchott, alors qu’il est clair que ces terrains ne sont nullement destinés à un quelconque usage rural, mais uniquement à la spéculation immobilière et à l’enrichissement personnel des bénéficiaires. Ces prétendues concessions rurales sont ces immenses terrains bornés ou clôturés que l’on peut voir aisément sur l’avenue de la MOUKKAWAMA, la zone SOUKOUK, la ceinture verte de Nouakchott, jamais déclassifiée comme telle, la sortie de Nouakchott vers Nouadhibou, toute la zone comprise entre la Plage des Pêcheurs et le Port de l’Amitié, etc…

 2. L’attribution des meilleurs terrains de la gazra, en particulier ceux qui sont situés sur les bords des avenues principales et au croisement des routes (les groun), à la même clientèle politique, en s’abritant derrière la grosse campagne politico-médiatique menée autour de l’aménagement de la zone des quartiers précaires pour couvrir cette énième forme de gabegie

 3. Le bradage de certains terrains et immeubles en plein centre ville (blocs et fanfare militaire).

2ème partie : absence de vision politique.

- 1- Les errements politiques :

Pour comprendre la myopie pour ne pas dire l’aveuglement politique de ce pouvoir, il est intéressant de rappeler les conditions dans lesquelles le général Mohamed Ould Abdel Aziz a pris le pouvoir et les multiples occasions ou opportunités qui se sont présentées à lui auxquelles il n’a ni vu ni su qu’il pouvait s’en saisir, pour sortir le pays de la crise et faire de son quinquennat un quinquennat apaisé dans son intérêt et surtout dans l’intérêt du pays.

Le général Ould Abdel Aziz est venu au pouvoir suite à un coup d’Etat le 6 août 2008 contre un pouvoir démocratiquement élu. Cette déstabilisation des institutions démocratiques a installée le pays dans une crise politique sans précédent qui a failli le conduire à l’implosion. Par la volonté manifestée par l’opposition d’éviter coûte que coûte au pays de plonger dans le désastre ; et par la pression de la communauté internationale, les protagonistes de la crise mauritanienne sont parvenus finalement à signer un accord en juillet 2009 dénommé Accord de Dakar, en réalité signé à Nouakchott (1ère occasion).

Cet accord était sensé sortir le pays de la crise et l’aider à renouer avec l’ordre constitutionnel et asseoir les véritables bases de la démocratie par un dialogue inclusif devant commencer après l’élection présidentielle entre les acteurs politiques. Mais c’est sans compter sur la volonté du général Mohamed Ould Adel Aziz de torpiller cet accord dés le lendemain de sa signature. La suite nous a montré qu’à travers cet accord le général n’avait qu’un seul objectif, respecter uniquement les clauses qui servaient son dessein de rester au pouvoir et violer une à une toutes les autres. Ainsi, et sans être exhaustive, citons quelques violations constatées par l’Opposition :

En promulguant unilatéralement le décret de convocation du collège électoral le 23 juin 2009 – le général Abdel Aziz a agit en putschiste – aidé en cela par la France – qui a finalement été rejeté par le Conseil Constitutionnel, probablement sous la pression de la communauté internationale. Il a récidivé - un coup d’Etat-civil - en promulguant un nouveau décret convoquant le collège électoral cette fois-ci pour le 18 juillet 2009 à l’insu du Gouvernement de transition alors que l’Accord de Dakar suspend la constitution, donne au seul Gouvernement de transition les prérogatives de convoquer le collège électoral. En laissant passer ce nouveau coup d’Etat-civil l’opposition a commis une grave erreur d’appréciation et pour le général il n’y a aucune raison de s’arrêter dans un si bon chemin.

La manipulation avérée du fichier et du recensement électoraux ; la partialité de l’armée dont des officiers supérieurs ont ouvertement battu campagne pour le candidat Ould Abdel Aziz ; le maintien de fait du Conseil militaire de la junte qui s’est réuni le surlendemain de la démission de l’ancien Président de la république, alors qu’il était censé avoir été dissout ; le blocage par le Premier ministre du décret portant les démembrements de la CENI ; la poursuite par le CSA et le Commissariat aux Droits de l’homme de la distribution des vivres au nom de la campagne du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz ;

Malgré ces violations - dénoncées en leur temps – l’Opposition démocratique a, chaque fois, choisi d’éviter – naïvement d’ailleurs - toute action de nature à compromettre le processus de transition consensuel, dans la perspective que le dialogue national inclusif prévu par l’Accord de Dakar allait permettre, abstraction faite des résultats du scrutin, à la Mauritanie de résoudre enfin les questions de fond que sont l’enracinement de la démocratie et la prévention de changements anticonstitutionnels de gouvernement. L’Opposition démocratique donnait ainsi un gage indéniable de son patriotisme et de son sens de la responsabilité nationale (2ème occasion).

Après la proclamation par le Conseil Constitutionnel de la victoire de Mohamed Ould Abdel Aziz, l’essentiel des partis d’opposition a accepté le résultat par respect de l’Institution et par esprit d’apaisement (3ème occasion).

Mais au lendemain de son investiture, au lieu de profiter de cette période pour montrer à l’opposition et à l’opinion nationale et internationale sa volonté de créer un climat d’apaisement, le nouveau président n’a pas trouvé mieux que de déclarer qu’à travers le dialogue inclusif, qui est l’un des points le plus important de l’Accord de Dakar, l’opposition cherche plutôt à partager le pouvoir avec lui et que d’ailleurs cet accord est caduque après son élection, et qu’il ne veut plus entendre parler de celui-ci.

Par cet acte de reniement de sa signature le pouvoir a de nouveau couvert le pays d’un rideau noir et le blocage politique est redevenu sans issue possible toute lueur d’espoir a été éteinte. La tension a de nouveau atteint son paroxysme, et pendant ce temps le Printemps-Arabe a débuté en Tunisie et tous les dictateurs à travers le monde ont commencé à trembler et plus particulièrement ceux des pays arabes.

C’est dans ce contexte et dans cette foulée de révolutions dans les pays arabes que le pouvoir a commencé à reparler de dialogue. Ainsi dans une de ses déclarations le président Ould Abdel Aziz se dit prêt à discuter de tout à l’occasion d’un dialogue et sans tabou, sans faire référence au dialogue inclusif prévu par l’Accord de Dakar. A nouveau l’opposition a saisi la balle au bond en proposant une plate-forme (4ème occasion).

Après plusieurs mois de tergiversations, pour essayer en fait de gagner du temps, le pouvoir a fini par rejeter cette plate-forme dont il avait pourtant accepté certains points auparavant, pour se lancer dans un dialogue édulcoré avec deux partis d’oppositions sur les douze et on connait la suite.

- 2- Le recensement à caractère discriminatoire :

Comme tout ce qui précède ne suffit pas, pour augmenter encore d’un cran la souffrance de ce peuple meurtri, on procède à l’ouverture d’un nouveau chantier à la tête duquel on a mis un homme sans compétence en la matière : le recensement à vocation d’état-civil présenté par le pouvoir comme une panacée pour mettre fin au désordre administratif supposé régner en la matière. Ce recensement mal conçu dirigé par des personnes sans compétence et avec les méthodes discriminatoires et provocatrices a failli entrainer le pays dans une confrontation identitaire et les tensions demeurent encore vives.

- 3- Guerre aventureuse contre le terrorisme :

En prenant l’initiative de mener une guerre solitaire sans moyens adéquats et au-delà de nos frontières, sans consulter le parlement, ce gouvernement a réussi à transformer aujourd’hui notre pays en cible principale d’AQMI et de tous les terroristes sahéliens (la toute récente alerte donnée par la France à ses ressortissants qui résident en Mauritanie ou qui désirent s’y rendre montre la gravité de la situation).

A moins de trois ans de règne de ce pouvoir d’origine putschiste, des pans entiers de l’Etat sont en état de délabrement avancés : Les Mauritaniens n’ont plus d’état civil, les institutions sont devenues illégales, l’unité nationale est menacée, l’Aqmi et les groupes de trafiquants de drogue et mafieux menacent l’existence du pays, la gabegie et le pillage des ressources de l’Etat sont devenus une pratique courante, une diplomatie hasardeuse sans tête ni queue, des dissensions quasi-mensuelles avec les pays voisins frères et amis Bref ça va mal et même très mal.

Face à cette situation chaotique et gravissime du pays, espérons qu’Allah puisse insuffler un peu de patriotisme et un peu plus de raison dans l’âme et l’esprit de la classe politique afin d’éviter à notre pays une situation de non-retour.

Maréga Baba / France

Source : http://fr.ufpweb.org