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2005-2010 : LA CONSTRUCTION D’UNE ALLIANCE LARGE POUR UN CHANGEMENT DÉMOCRATIQUE EN TUNISIE

Collectif du 18 octobre pour les Droits et les Libertés en Tunisie – Paris

D 28 octobre 2010     H 04:41     A     C 0 messages


Le Collectif du 18 octobre pour les Droits et les Libertés en Tunisie – Paris, créé en février 2006 en lien avec le collectif de Tunis du même nom, est né pour s’opposer à la répression systématique tenant lieu de gouvernement en Tunisie. Il s’est construit en rupture avec le dogmatisme et le sectarisme politico-idéologiques qui ont longtemps sévi dans l’opposition tunisienne, favorisant la participation de toutes les familles de pensée, dans le respect de leurs convictions et de leurs expériences propres.

Le processus engagé depuis, en Tunisie et dans l’émigration, a consisté d’une part en la coordination entre les composantes du 18 octobre autour de revendications démocratiques fondamentales, d’autre part en un débat qui a abouti à la définition des normes et des principes communs sans lesquels une convergence politique solide et efficace ne peut durer. Les principales conclusions de ce débat sont désormais exposées dans un volume, "Notre voie vers la démocratie" (Tunis, 2010), qui engage les formations politiques, les associations et les individus qui en ont été partie prenante[1]. Y sont réaffirmés et expliqués les points suivants.

L’État démocratique à construire, selon ces conclusions communes, se fonde sur les normes et les principes de la citoyenneté, de la liberté et de l’égalité. Il est de nature civile, fondé sur les principes républicains et le respect des droits humains. Il puise sa légitimité dans la volonté populaire qui s’exprime à travers le débat public libre et l’élection périodique des institutions du pouvoir. L’Islam, en tant que religion de la majorité des tunisiennes et des tunisiens, et l’ancrage dans la civilisation arabo-musulmane de l’ensemble de la société, constituent un pilier d’une importance particulière de cet Etat démocratique ; mais cette référence ne saurait fonder aucun monopole ni faire l’objet d’aucune instrumentalisation. L’État garantit le droit d’exercice de toutes les croyances et de toutes les convictions par la mise en œuvre effective de la liberté religieuse, de conscience et de culte.

La garantie de la liberté de conscience et sa protection, la mise en œuvre des principes universels des droits humains et des dispositions des conventions internationales n’est nullement contradictoire avec la place et le poids de l’islam et de l’acquis culturel arabo-musulman dans notre société. Il implique une interaction créatrice entre ceux-ci et les acquis modernes de l’humanité loin de toute aliénation culturelle, ainsi qu’un effort d’interprétation humain à la portée de toutes et tous, qui ne peut donc revêtir de caractère exclusif ou sacré. L’universalité, ainsi, n’est pas synonyme d’uniformisation mais au contraire, de respect de la diversité.

L’État démocratique s’engage effectivement à garantir l’intégrité physique de la personne humaine et à proscrire toute forme de torture et de sévices portant atteinte à la dignité humaine.

Il doit préserver les acquis importants des femmes tunisiennes en matière d’égalité. Ceux-ci sont le fruit du mouvement historique de réforme amorcé sous l’égide de grands penseurs et politiques tunisiens. Au 1er rang de ces acquis, il y a le code du statut personnel qui a interdit la polygamie, a imposé le libre consentement comme condition préalable au contrat de mariage et soumis la procédure du divorce à l’autorité du juge. Il y a, en outre, les dispositions du droit positif tunisien qui ont mis en œuvre le principe d’égalité entre les garçons et les filles pour ce qui est du droit à l’enseignement et de son caractère obligatoire.

Par ailleurs, les composantes au 18 octobre sont décidées à poursuivre dans un esprit de concorde nationale le dialogue sur les questions au sujet desquelles les différences de points de vue n’ont pas permis de parvenir à un consensus, telle que la question de l’égalité dans l’héritage ou celle des réserves émises par l’État tunisien lors de la signature et de la ratification des conventions internationales relatives aux droits des femmes. En effet, des efforts sont encore nécessaires pour améliorer les acquis sur le plan législatif mais surtout au niveau de leur mise en œuvre afin que cesse toute discrimination entre citoyens fondée sur le sexe et pour mettre fin dans le même temps à l’instrumentalisation de la cause des femmes pour légitimer le pouvoir autoritaire.

L’État démocratique auquel nous aspirons se doit de soutenir les causes justes partout dans le monde, de défendre celles des peuples arabes et musulmans et leurs légitimes aspirations à la liberté, à la démocratie et à la justice sociale. Il favorise l’opposition à toute forme d’oppression interne ainsi qu’à toute forme de colonialisme et de domination étrangère.

Cet État ne peut se construire que par un engagement commun dans une lutte de tous les jours pour la liberté d’association et d’organisation ; pour la liberté de l’information et de la presse ; pour l’indépendance de la Justice, la séparation des pouvoirs et la neutralité de l’administration ; pour la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion et la promulgation d’une loi d’amnistie pour toutes les victimes de la répression.

A ces derniers objectifs de la lutte commune immédiate, deux autres engagements s’imposent de manière prioritaire et font consensus au sein des composantes du 18 octobre :

 La lutte contre la corruption et le népotisme comme vecteur principal de l’accaparement et de la dilapidation des richesses nationales ; c’est là une condition nécessaire à l’impulsion d’un développement économique qui profite à la majorité de la population, sur la base d’une juste répartition des richesses, de la défense des droits des salariés et du respect de l’environnement. Il ne peut y avoir de réel changement sans une rupture avec le système de corruption et de prédation qui sévit en Tunisie.

 La lutte pour des élections authentiquement libres et démocratiques, pour mettre fin au monopole et à la privatisation du pouvoir et des institutions publiques. Cela passe par une action pacifique qui s’adresse à l’ensemble de la population et la construction d’une large convergence entre les luttes sociales et démocratiques pour une sortie du système autocratique et de sa dérive dynastique.

Enfin, le collectif du 18 octobre pour les droits et les libertés de Paris rappelle que plus de dix pour cent de la population tunisienne réside hors de la Tunisie. Les migrants et les réfugiés tunisiens contribuent pour une part importante à la vie et à la richesse du pays. Ils en sont une partie intégrante et inséparable, et leur place dans le processus d’émancipation de la société tunisienne ne relève pas uniquement du soutien et de la solidarité, mais de la pleine participation. Par ailleurs, la lutte contre les souffrances et les injustices qui touchent les migrants et les exilés, contre les discriminations, la xénophobie, le racisme, l’islamophobie et les persécutions policières dont ils font l’objet, doit mobiliser l’engagement de tous pour la défense de leurs droits et de leur dignité où qu’ils soient.

Ces principes et ces choix sont aujourd’hui partagés par un spectre très large de la société civile et des organisations politiques démocratiques tunisiennes. Ils ont vocation, avec l’expérience des multiples actions unitaires et l’accumulation constituée par les engagements communs dans les luttes démocratiques, sociales et syndicales des années passées, à former un socle solide pour une véritable convergence d’action populaire, capable de réaliser l’alternative démocratique. C’est cela qu’il s’agit aujourd’hui de mettre en marche.

Paris, le 19 octobre 2010

Collectif du 18 octobre pour les droits et les libertés en Tunisie – Paris

[1] Les principaux partis de l’opposition tunisienne (Congrès pour la République, Mouvement Ennahdha, Parti Communiste des ouvriers de Tunisie, Parti Démocrate Progressiste, Unionistes Nasséristes…), associations militant pour les droits humains présentes en Tunisie et dans les pays d’émigration, ainsi que plusieurs figures non-organisées…