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Des mesures d’urgence pour le respect des droits des migrants en Tunisie

D 15 novembre 2013     H 05:27     A     C 0 messages


La Tunisie est une terre riche de ses migrations depuis des millénaires. La
révolution de 2011 lui offre l’opportunité de vivre cette richesse dans le respect
des droits humains de tous. Malheureusement les morts, les disparitions et les
violations les plus graves aux droits des migrants se produisent chaque jour dans
notre pays, situé sur l’un des points de passage les plus importants vers l’Europe
forteresse.

Tragédies en mer et disparitions

Les Tunisiens et les citoyens étrangers qui quittent les côtes tunisiennes
prennent des risques croissants, les deux dernières tragédies qui ont fait
plusieurs centaines de morts au large de la Sicile en sont la meilleure illustration.

A ces tragédies, l’Union Européenne ne répond que par l’accroissement du
contrôle par les gouvernements nationaux et l’agence Frontex. Ces contrôles qui
étaient déjà à leur plus haut niveau avant 2011, une année durant laquelle 2000
personnes sont mortes et disparues en mer, poussent les migrants à prendre de
plus en plus de risques en mer.

Depuis 2011 et suite à de nombreuses disparitions d’émigrants tunisiens,
plusieurs centaines de familles restent mobilisées pour connaître le sort de leurs
proches. Or ni les commissions gouvernementales, ni les gouvernements euxmêmes
n’ont donné à ce jour de réponses aux familles. Les 10 corps retrouvés
après le naufrage des 6 et 7 septembre 2012 à Lampedusa n’ont toujours pas
tous étés identifiés.

Choucha, un camp toujours habité

Le camp de Choucha, officiellement fermé le 30 juin 2013 par le HCR,
accueille toujours plusieurs centaines de réfugiés et de demandeurs dans des
conditions inhumaines : sans eau potable, ni électricité, ni soins médicaux sur
place. Malgré la promesse gouvernementale juste le 1er juillet 2013 pour octroyer
un permis de séjour aux réfugiés du camp de Choucha qui n’ont pas obtenu le
statut (appelés aussi « déboutés ») et aux réfugiés statutaires qui n’ont pas
encore trouvé de pays de réinstallation, aucune carte de séjour n’a été attribuée
à ce jour. Sans papiers, ils sont toujours interdits de circuler sur le territoire, et
sont donc condamnés à survivre dans le désert. D’autres réfugiés se sont
installés à Ben Guerdane ou à Médenine, dans l’attente de projets d’intégration,
sans qu’aucune mesure concrète ne soit prise pour leur octroyer des permis de
séjour et de travail qui garantiraient leurs droits. Sans carte de séjour tunisienne,
beaucoup sont condamnés à faire la manche ou à chercher du travail sur les
routes et dans des lieux qui ressemblent de plus en plus à des marchés aux
esclaves.

De désespoir, beaucoup repartent vers la Libye où l’enfermement,
l’esclavage et les mauvais traitements des migrants sont monnaie courante.
D’autres ont enfin réussi à gagner l’Italie au péril de leur vie faute d’avoir pu être
réinstallés légalement pat le HCR dans des pays sûrs.
Depuis 2011, plusieurs dizaines de bateaux partis de Libye sont arrivés en
Tunisie, ayant perdu leur route pour l’Italie. Parqués dans des centres ouverts à
Médenine, des centaines de nouveaux réfugiés cherchent toujours à repartir pour
l’Europe. Pousser les réfugiés à la mer ou vers la Libye, est-ce là ce que veulent
la Tunisie et les agences de l’ONU ?

Quand une loi sur l’asile sera t’elle votée ? et quand se mettra en place un
nouveau programme de réinstallation vers des pays dotés de systèmes d’asile ?
Quand les réfugiés auront-ils leur carte de séjour promise par le gouvernement
en juillet 2013 ?

L’externalisation en marche : la Tunisie gardienne des frontières
européennes

Pour les migrants tunisiens et étrangers, pour les familles de disparus et les
boat-people du canal de Sicile il y a maintenant urgence à agir. Au lieu de cela,
l’Union Européenne propose un partenariat qui privilégie la mobilité des
privilégiés et laisse les plus pauvres risquer leur vie en mer ou subir la
clandestinité. L’UE, qui enferme et expulse chaque jour de son continent vers la
Tunisie, s’attend à ce que cette dernière fasse de même pour repousser les
migrants qui arrivent à ses frontières pour devenir le gendarme de contrôle des
frontières extérieures de l’UE. Cela en échange de programmes de
développement isolés et inefficaces qui consacrent le système économique de
domination du nord sur le sud et qui ne remettent pas en question des enjeux
fondamentaux tels que la dette ou le libre échange qui causent tant de misère
sociale et mettent de nouveaux migrants sur les routes.

Des « sans-papiers » sans droits

Les citoyens étrangers ne sont malheureusement pas mieux traités en
Tunisie. Un grand nombre d’immigrés en Tunisie n’ont pas reçu leurs cartes de
séjour pendant l’année 2013. Ainsi, de nombreuses agressions racistes ont eu
lieu sans que les victimes ne puissent porter plainte car elles n’avaient pas de
carte de séjour. Sans compter que l’absence de carte de séjour compromet
l’accès au travail, à l’éducation au logement et à la santé. Enfin, l’enfermement
arbitraire et les expulsions, qu’on connaissait déjà à l’époque de Ben Ali
imposées par l’Europe et que nous pensions révolues, sont redevenues
récurrentes.

De plus, les pénalités de dépassement de séjour ont doublé, obligeant les
plus pauvres à se maintenir irrégulièrement en Tunisie car n’ayant plus les
moyens de rentrer chez eux.

Par conséquent, les Organisations Non Gouvernementales
signataires de ce communiqué déclarent ce qui suit :

Nous refusons cette situation, le silence coupable du gouvernement
tunisien et les politiques violentes d’une Union Européenne meurtrière et de ses
États membres.

Nous appelons toutes les composantes de la société tunisienne à se
mobiliser pour des mesures d’urgence dans les domaines suivants :
 Une réponse immédiate des gouvernements tunisien et italien sur le
sort des disparus en mer depuis 2011.
 La réinstallation de tous les réfugiés vers des pays dotés de
systèmes d’asile.
 Des cartes de séjour pour tous les réfugiés qui sont encore en
Tunisie.
 Une procédure de régularisation pour les étrangers sans carte de
séjour en Tunisie et l’arrêt de leur enfermement.
 L’arrêt de l’enfermement des migrants en Europe et des expulsions
vers la Tunisie.
 La suspension des négociations avec l’UE concernant les accords
migratoires tant que la Tunisie n’a pas ratifié et appliqué les conventions
internationales sur les droits des migrants et tant que ces accords avec
l’UE ou ses Etats membres n’évoluent pas vers la mobilité du plus grand
nombre, indépendamment de la politique économique de la Tunisie.

Les organisations :

UGTT - FTDES - REMDH - FTCR