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Tunisie : La lutte des réfugiés de Choucha

D 11 juin 2013     H 05:29     A Bertold de Ryon     C 0 messages


La plupart des participantEs du Forum social mondial (FSM), fin mars à Tunis, ont dû les voir à un moment ou un autre. Les réfugiéEs en lutte du camp de Choucha, situé à la frontière tuniso-libyenne, étaient fortement présents pour attirer l’attention du monde sur leur combat. Une cinquantaine d’entre eux se positionnaient, pendant les quatre jours du Forum, aux entrées du campus pour distribuer des tracts ou encore dans les cours intérieures de l’université El-Manar, avec des tracts. CertainEs entre eux et elles participèrent aussi aux débats dans les ateliers, notamment ceux consacrés aux droits des migrantEs. Leur lutte n’a pas cessé avec le départ des participantEs au FSM. 41 d’entre ces réfugiés ont entamé une grève de la faim devant les locaux du UNHCR (commissariat des N.U. pour les réfugiés), à Tunis, depuis fin mars. Au moins sept participants ont dû être hospitalisés, depuis.

Le nom de Choucha a commencé à être connu en dehors de la Tunisie au printemps 2011, quand des centaines de milliers de travailleurs immigrés fuyaient la Libye en guerre. Jusqu’ici, le régime de Kadhafi avait fondé le « modèle » économique du pays en grande partie sur le travail des immigréEs (Africains subsahariens, mais aussi Tunisiens, Égyptiens, Palestiniens, Pakistanais, Bangladais…) ; par ailleurs, dans l’esprit de beaucoup de migrantEs, la Libye était un pays de transit vers l’Europe. Avec le début des violences, à partir de février 2011, beaucoup d’entre eux et elles furent contraints à un nouvel exode. Les immigrés devenaient particulièrement la cible de certains Libyens armés, surtout les Noirs, tous mis – par certains acteurs locaux – dans le sac des « mercenaires de Kadhafi ». Des dizaines de milliers de personnes passèrent par le champ de Choucha, dont la majorité ont été plus ou moins rapidement rapatriés vers leurs pays d’origine.
Y sont restés, ceux et celles pour qui ce choix était impossible : réfugiéEs venant de pays en guerre ou risquant leur vie en cas de retour ; originaires de Somalie, du Soudan, de l’Érythrée par exemple. Certains ont été intégrés dans des programmes de « réinstallation » sous l’égide du UNHCR, par exemple 201 réfugiés admis – avec beaucoup de retards – en septembre dernier en Allemagne. Aujourd’hui, on trouve cependant deux groupes dans le camp. D’un côté, environ 400 réfugiés qui se sont vu reconnaître le statut de réfugié (selon la Convention de Genève) par l’UNHCR , mais à qui on refuse une « réinstallation » dans un autre pays. On leur oppose le fait qu’ils seraient arrivés « trop tard » à Choucha, à partir de décembre 2011, la guerre en Libye étant finie. Or, les violences en Libye continuent, aussi à l’encontre des Noirs, et certains d’entre eux étaient restés bloqués pendant plusieurs mois à la frontière. La Tunisie ne connaissant pas de système d’asile ni de statut particulier de protection des réfugiés, ils souhaitent vivement être réinstallés, que ce soit en Europe ou dans un autre pays africain. Par ailleurs, environ 220 réfugiés se sont vu refuser le statut de réfugié par l’UNHCR , souvent suite à des procédures bâclés avec des traductions défectueuses. La direction du camp, sous le contrôle de l’armée tunisienne qui souhaite le vider entièrement jusqu’au 1er juillet, fait tout pour diviser ces deux groupes. En jouant sur les nerfs de personnes, épuisées après avoir passées parfois jusqu’à deux ans parqués dans le désert.

Le 11 avril 13, une journée de solidarité internationale pour les réfugiés de Choucha a eu lieu, avec des actions à Tunis, en Allemagne (Berlin), à La Haye, à Paris et à Rabat (Maroc), souvent devant les bureaux locaux du UNHCR. En parallèle, une campagne d’envois massifs de fax au UNHCR a eu lieu le même jour. En France, une délégation du FALDI – Forum des associations démocratiques de lutte de l’immigration – a été reçue par des représentants du UNHCR.

Pour faire aboutir les revendications des réfugiéEs de Choucha, qui luttent pour leur dignité et afin de ne pas être « abandonnés dans le désert » - comme ils l’ont formulé dans un tract distribué lors du FSM -, il faut continuer et élargir cette campagne. En y association des forces de la société tunisienne, européenne et des sociétés africaines.

Berthold Du Ryon