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LES INDUSTRIES SEMENCIÈRE ET DES OGM CONVOITENT LES MARCHÉS LUCRATIFS DES SEMENCES DE NIÉBÉ

D 29 juillet 2015     H 05:27     A     C 0 messages


Le Centre africain pour la biodiversité (Cab) publie un nouveau rapport intitulé « Les industries semencières et des Ogm convoitent les marchés lucratifs des semences de niébé : L’économie politique du niébé au Nigeria, au Burkina Faso, au Ghana et au Malawi ». Le rapport montre qu’un vif intérêt existe de la part de l’industrie semencière pour la commercialisation de la production et de la distribution de semences de niébé en Afrique de l’Ouest, où un marché régional très lucratif de semences de niébé est en voie d’émergence.

Le niébé, une des cultures les plus anciennes connues de l’humanité, originaire de l’Afrique, constitue la première source d’alimentation pour des millions d’Africains pendant la période de soudure, avant que les céréales n’arrivent à maturité.

Le rapport démontre que la poussée en faveur du niébé Bt au Burkina Faso, au Nigeria et au Ghana coïncide avec le même vif intérêt des sociétés semencières multinationales et locales pour la production de semences de base et de semences certifiées en Afrique de l’Ouest.

LA COMMERCIALISATION DE LA PRODUCTION DES SEMENCES

Selon Mariam Mayet du Cab, « on assiste à une poussée du secteur privé, soutenue par l’agence des États-Unis pour le développement international (Usaid) et la Nouvelle alliance du G8 pour la sécurité alimentaire et la nutrition, qui vise à harmoniser des lois semencières et les droits de propriété intellectuelle et qui repose sur les principes édictés par l’Union Internationale pour la protection des obtentions végétales (Upov) 1991. Cette poussée a pour ambition de créer des marchés régionaux pour des cultures qui n’atteindraient pas des économies d’échelle justifiant les investissements du secteur privé. L’investissement du secteur privé dans les marchés de semences régionaux repose sur des variétés pouvant être homologuées sur des listes régionales, ce qui rendra ces mêmes variétés immédiatement disponibles au niveau national, sans autres formes de tests. C’est dans ce contexte que l’on doit interpréter la poussée pour une harmonisation des lois semencières aux niveaux régionaux. »

Selon le Cab, le danger de la commercialisation de la production des semences repose sur le fait qu’elle va de paire avec l’exclusion des petits exploitants des systèmes de production et de distribution des semences, des processus vitaux qui sont pourtant essentiels à l’agriculture africaine. Le rôle des exploitants sera relégué de celui de participants actifs à la chaîne de valeur du niébé à celui de seuls consommateurs de semences certifiées, qui sont coûteuses et produites ailleurs.

LA POUSSEE EN FAVEUR DU NIEBE GM

La Fondation africaine de technologie agricole (Fata), une organisation pro-Ogm, est la figure de proue d’un projet de niébé génétiquement modifié (Gm) visant à promouvoir la culture commerciale du niébé Bt au Nigeria, au Ghana et au Burkina Faso. Le niébé Bt fait l’objet d’essais sur le terrain, actuellement en cours au Nigéria et au Burkina Faso et en sont à un stade avancé, avec une commercialisation prévue pour 2016-17. Le projet de niébé Gm est financé par l’agence des États-Unis pour le développement international (Usaid), le département du Royaume-Uni pour le développement international (Dfid) et la Fondation Rockefeller. Le niébé GM contient le gène Bt Cry1Ab développé par Monsanto. La modification génétique du niébé Bt a été conduite par l’Organisation australienne du Commonwealth pour la recherche industrielle et scientifique (Csiro), qui a été par le passé impliquée dans un scandale de biosécurité.

LE NIEBE GM MENACE LA SOUVERAINETE ALIMENTAIRE

Mariann Bassey-Orovwuje, de l’organisation Environment Rights Action Nigeria, abonde dans le sens du rapport du Cab sur le fait que l’introduction du niébé Gm « constituera une menace sérieuse à la souveraineté alimentaire en Afrique de l’Ouest, où le niébé occupe une place sociale, économique, alimentaire et agro-écologique bien définie. Le niébé relie l’agriculture à son environnement local, les consommateurs à une nourriture saine produite localement et les fermiers à des ressources productives telles que les semences localement améliorées. La commercialisation de la production des semences de niébé en Afrique démantèlera ce système fortement interconnecté localement. »

UNE SOLUTION REDUCTIONNISTE

Le niébé génétiquement modifié est conçu pour être résistant au foreur de gousse de légumineuses appelé Maruca, en partant du principe que les « fermiers en Afrique de l’Ouest ont identifié les insectes de Maruca comme problèmes majeurs à la production de niébé ».

Toutefois les exploitants sont, selon le rapport du Cab, confrontés à une pléthore de défis tant agronomiques que post-récoltes. La solution reposant sur le Bt ne répond qu’à un aspect très limité de la production (le foreur de cosse), et elle exige une augmentation accrue de l’utilisation d’intrants, en dépit de l’existence de méthodes de contrôle biologique viables qui font déjà l’objet d’une pratique répandue parmi les exploitants.

OUVERTURE DANGEREUSE DE LA PRODUCTION DE SEMENCES A LA COMMERCIALISATION

Selon Berne Guri de Cikod, au Ghana, « les pratiques agricoles traditionnelles basées sur la réutilisation des semences préservées à la ferme et l’utilisation des variétés de semences localement adaptées sont menacées par une variété de niébé transgénique qui constituerait un précédent à la marchandisation systématique des semences de niébé. Les fermiers n’ont pas les moyens d’assumer les coûts des semences GM et des intrants agro-chimiques associés qui sont requis par l’utilisation de ces semences. Les prix élevés qui caractérisent le paquet technologique des Ogm contribueront à mettre en péril des systèmes socio-économiques déjà fragiles. »

RISQUE A LA SANTE HUMAINE ET A L’ENVIRONNEMENT

Bright Phiri, de Commons for EcoJustice au Malawi, exprime également ses inquiétudes quant au niébé Bt qui a été développé en utilisant le gène Cry1Ab, le même gène contenu dans le maïs Gm de Monsanto, Mon810. Selon Phiri, « les risques sanitaires liés à Mon810 ont été clairement établis et sont très inquiétants. »

Le rapport avertit également que le gène Bt s’échappera du niébé domestiqué pour passer au niébé tant sauvage que cultivé, ce qui aura des impacts écologiques irréversibles et encore inconnus.

DES SOLUTIONS SOCIALEMENT JUSTE ET ECOLOGIQUEMENT DURABLES

Le rapport conclut que plutôt que de favoriser un modèle de développement agricole fortement biaisé et source d’énormes risques, les solutions reposent dans des systèmes de production alimentaire qui sont plus durables d’un point de vue social, économique et agro-écologique. Le Cab continue à insister sur le fait qu’une solution équitable et durable pour la production et la distribution de semences peut seulement provenir d’un engagement direct avec les fermiers et leurs organisations représentatives, afin d’assurer leur participation active dans ces activités.

NOTES AUX REDACTEURS :

La validité des essais sur le terrain conduits au Ghana fait l’objet d’une contestation virulente par Food Sovereignty Ghana, qui tente d’obtenir une injonction du tribunal afin d’annuler l’autorisation de commercialisation des cultures, inter alia, du niébé Gm dans ce pays. Une demande d’autorisation pour conduire les premiers essais est encore en suspens au Malawi ; cette demande a là aussi fait l’objet d’attaques virulentes de la part de la société civile.

Mariam Mayet (mariam@acbio.org.za), Berne Guri (guribern@gmail.com), Mariann Bassey-Orovwuje (mariann@eraction.org) et Bright Phiri (bmphiri@live.com)

Source : http://pambazuka.org