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A L’UNIVERS ENTIER LE DERNIER CRI DE L’INNOCENCE ET DU DESESPOIR

Proclamation de Delgrès signée le 10 mai 1802 et affichée sur les murs de Basse-Terre

D 18 juin 2009     H 22:08     A Louis DELGRES     C 0 messages


« C’est dans les plus beaux jours d’un siècle à jamais célèbre
par le triomphe des Lumières et de la philosophie, qu’une classe
d’infortunés qu’on veut anéantir se voit obligée d’élever sa voix
vers la postérité pour lui faire connaître, lorsqu’elle aura disparu
son innocence et ses malheurs.
Victime de quelques individus altérés de sang, qui ont osé
tromper le gouvernement français, une foule de citoyens,
toujours fidèle, la patrie, se voit enveloppée dans une
proscription méditée par l’auteur de tous ses maux. Le général
Richepance, dont nous ne connaissons pas l’étendue des
pouvoirs, puisqu’il ne s’annonce que comme général d’armée, ne
nous a encore fait connaître son arrivée que par une
proclamation dont les expressions sont si bien mesurées que, lors
même qu’il promet protection, il pourrait nous donner la mort
sans s’écarter des termes dont il se sert. A ce style, nous avons
reconnu l’influence du contre-amiral Lacrosse, qui nous a juré
une haine éternelle…
Oui, nous aimons croire que
le général Richepance, lui aussi,
a été trompé par cet homme
perfide, qui sait employer
également les poignards et la
calomnie. Quels sont les coups
d’autorité dont on nous menace ?
Veut-on diriger contre nous les
baïonnettes de ces braves
militaires dont nous aimions
calculer le moment de l’arrivée et
qui, naguère ne les dirigeaient
que contre les ennemis de la
République ? Ah ! Plutôt, si nous
en croyons les coups d’autorité
déjà frappés au Port-de-la-Liberté, le système d’une mort lente
dans les cachots continue à être suivi. Eh bien ! Nous choisissons
de mourir plus promptement.
Osons le dire, les maximes de la tyrannie la plus atroce sont
surpassées aujourd’hui. Nos anciens tyrans permettaient à un
maître d’affranchir son esclave, et tout nous annonce que, dans
le siècle de la philosophie, il existe des hommes,
malheureusement trop puissants par leur éloignement de
l’autorité dont ils émanent, qui ne veulent voir d’hommes noirs ou
tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de
l’esclavage. Et vous, Premier Consul de la République, vous
guerrier philosophe de qui nous attendions la justice qui nous
était due, pourquoi faut-il que nous ayons à déplorer notre
éloignement du foyer d’où partent les conceptions sublimes que
vous nous avez si souvent fait admirer !
Ah ! Sans doute un jour vous connaîtrez
notre innocence ; mais il ne sera plus temps, et
des pervers auront déjà profité des calomnies
qu’ils ont prodiguées contre nous pour
consommer notre ruine.
Citoyens de la Guadeloupe, vous dont la
différence de l’épiderme est un titre suffisant
pour ne point craindre les vengeances dont on
nous menace, à moins qu’on ne veuille vous
faire un crime de n’avoir pas érigé vos armes
contre nous, vous avez les motifs qui ont excité
notre indignation.
La résistance à l’oppression est un droit
naturel. La divinité même ne peut être offensée
que nous défendions notre cause ; elle est celle de la justice et
de l’humanité : nous ne la souillerons pas par l’ombre même du
crime. Oui, nous sommes résolus à nous tenir sur une juste
défensive, mais nous de deviendrons jamais les agresseurs. Pour
vous, restez dans vos foyers, ne craignez rien de notre part. Nous
vous jurons solennellement de respecter vos femmes, vos
enfants, vos propriétés et d’employer tous nos moyens à les faire
respecter par tous. Et, toi prospérité ! Accorde une larme à nos
malheurs et nous mourrons satisfaits. »

VIVRE LIBRE OU MOURIR !!!

Le Commandant de Basse-Terre, Louis DELGRES