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Crises capitalistes et racisme

D 20 novembre 2012     H 10:51     A Ardo Mako     C 0 messages


“Que vous soyez pour ou contre les juifs, vous ne
pouvez pas nier que ces gens-là posent problème.”

(Charles Maurras, 1936)

Selon Grégoire Chamayou, philosophe et chercheur à
l’institut Max Planck à Berlin : « Toute chasse
s’accompagne d’une théorie de sa proie, qui dit pourquoi,
en vertu de quelle différence, de quelle distinction, certains
peuvent être chassés et d’autres pas. L’histoire des chasses à
l’homme se fera donc par celle des techniques de traque et de
capture mais aussi par celle des procédés, d’exclusion, des
lignes de démarcation tracées au sein de la communauté
humaine afin d’y définir les hommes chassables. » (« Les
chasses à l’homme », Éditions La fabrique, 2010)

Parler du racisme ? Oui mais lequel : racisme anti blanc, anti
immigré, anti Rom ? Et le racisme de classe ? Pour nous le
problème de la France ne vient pas des musulmans. Mais il
existe une stratégie réfléchie et organisée pour intoxiquer les
Français. Le musulman sert de bouc émissaire : la montée du
FN, le chômage, la crise... C’est l’immigration musulmane ! Le
capitaliste bourgeois n’a pas de souci à se faire tant que le
musulman, le Rom sera présenté d’abord comme un "drogué,
un "violeur", ‘’un voleur’’, un "délinquant", "un antisémite", "un
islamiste". Ainsi la question, la vraie ne sera pas posée : celle de
la lutte des classes. Aujourd’hui il y a la crise, beaucoup de
Français sont licenciés... alors que les entreprises ont fait des
bénéfices énormes (Sanofi, Total). Et pourtant la gauche
radicale à du mal à se faire entendre sur la question de
l’immigration. Laurent Joffrin déplora l’aveuglement et la
mauvaise foi puisque : « Un candidat qui proclame à tous vents
que l’immigration ne pose aucun problème ne saurait
remporter un grand succès auprès des ouvriers et des
employés, qui craignent la concurrence d’une main-d’oeuvre
sous-payée et corvéable à merci ». Nous considérons qu’il s’agit
d’une invention, et nous proposons donc de revenir sur la
stigmatisation des « étrangers », des « minorités ».
Aujourd’hui on fait porter au jeune d’origine immigrée, le fait de
ne pas avoir un emploi : tout est de sa faute, et tout est du à
son appartenance culturelle – et rien à la société, la
discrimination structurelle, aux hiérarchies sociales et post
coloniales en place. Nous proposons de comparer les propos
racistes d’hier et d’aujourd’hui.

I- Du problème juif au problème musulman

En 1911, le démographe Jacques Bertillon dénonçait la présence
des juifs
(dans son livre « La Dépopulation de la France ») : « Un problème
angoissant devrait seul occuper toute la pensée des Français :
comment empêcher la France de disparaitre ? Aucun des
grands pays d’Europe ne compte un nombre aussi énorme
d’étrangers… Avec le temps, (les étrangers) acquièrent des
droits civils dont ils voudront peut-être abuser un jour… Ce qui
aggrave le danger que nous craignons pour l’avenir, c’est que les
étrangers de même nationalité sont massés dans certains coins du
territoire… ».

En 2010, Éric Zemmour émet une critique quasiment identique à
propos des Arabes et des Noirs, immigrés ou enfants d’immigrés :
« Les Français observent la rue, le métro, les salles de classe,
surtout dans les quartiers populaires, et constatent l’évidence : le
grand remplacement. La France est le seul pays d’Europe où
l’ancienneté continue de l’immigration de masse, le droit du sol, et
l’interdiction des statistiques ethniques se conjuguent pour rendre
toute discussion scientifiquement impossible. Tout le reste est
idéologique. Les experts et la loi parlent uniformément de
citoyens français, en fonction de la nationalité : le Français
de la rue constate la modification de la composition du
peuple français. »

Raymond Millet soutient en 1938 (livre intitulé « Trois millions
d’étrangers en France ») que dans la rue des Rosiers : « Le
yiddish est la langue courante en ces parages : dans quelques
cinémas par exemple au Bellevue ou au Palermo- c’est celle que
parlent les personnages des films… » Et il parle des « jugulateurs
à barbe noire, à la calotte noire, aux vêtements noirs maculés de
sang… »

Alain Finkielkraut le singe involontairement, de nos jours, ça donne
ceci : « Je pense que nous en sommes au stade du pogrom
antirépublicain. Il y a des gens en France qui haïssent la France en
tant que République… Alors pourquoi parlent-ils le français comme
ils le font ? C’est du français de boucher, l’accent, les mots, la
grammaire. Est-ce à cause de l’école ? À cause des profs ? Il ya
une haine sans précédent de la culture française. Et il ya dans
certaines cités une espèce de nettoyage ethnique, c’est-à-dire
qu’on vire des gens pour rester entre soi. ».

Pierre Tissier, résistant, affirme en 1942 :« Le problème juif
existe, même en France. C’est un fait indéniable et aucune
politique réaliste ne peut pas ne pas le regarder comme tel. Entre
eux, il existe une unité absolue du langage, des traditions, de
l’éducation morale et intellectuelle. »

Le colonel Rémy, résistant lui aussi, dit en 1940 sur les juifs
qu’ils « ont authentiquement gagné leur qualité de Français.
Mais la masse des métèques doit pour toujours être éliminée de
notre pays. »

Soixante-dix ans plus tard, Éric Zemmour écrira dans son livre « 
Mélancolie française » : « Imaginons que surviennent cent
millions d’Africains dans notre pays ; on donne aussitôt une
carte d’identité à chacun ; la part d’étrangers dans la population
française n’aura pas bougé d’un millième de point. C’est ainsi
que l’on a agi depuis 3 0ans : aux cent mille étrangers, solde
annuel entre les entrants et les sortants, sans tenir compte des
irréguliers, ont correspondu autant de naturalisations. On
torture de même les chiffres de fécondité des femmes
étrangères… »

Pour Robert Debré, médecin, et Alfred Sauvy, les « Israélites
d’Europe centrale, industrieux, hantés par le désir de l’ascension
sociale (…) forment un groupe uni et voyant qui déchaîne
certaines hostilités » (Citation de leur livre « Des Français pour
la France », Paris, Gallimard, 1946).

Hugues Lagrange, sociologue, conseille quant à lui qu’« une
diaspora arabophone ou asiatique constitue un atout
irremplaçable pour notre compétitivité... Les enfants d’origine
nord-africaine s’intègrent mieux que ceux originaires de l’Afrique
noire. »

Là aussi, nous avons des précédents historiques,
témoignant d’une réflexion similaire :
« Les immigrés qui ont le plus de chance à s’assimiler sont
les Belges. Et il y a des immigrants racialement inassimilables,
d’éléments raciaux mongolisés ou negrétisés ou judaïsés...
[avec un] risque qu’ils viennent modifier profondément le
patrimoine héréditaire de notre patrie. » (Robert Gessain,
document sur l’Immigration, INED, collection « Travaux
et documents », Paris PUF, 1947).

• Les exemples antisémites sont tirés du livre de
Gérard Noiriel : « Immigration, antisémitisme et
racisme en France. » Éditions Fayard.

Le 5 février 2007, sur le plateau de TF1, dans l’émission « J’ai
une question à vous poser », Nicolas Sarkozy déclara, sûr de
lui : « Personne n’est obligé, je le répète, d’habiter en France.
Mais quand on habite en France, on respecte ses règles, c’est-àdire
qu’on n’est pas polygame, on ne pratique pas
l’excision sur ses filles et on n’égorge pas le mouton
dans son appartement et on respecte les règles
républicaines. » Sans que le journaliste Patrick Poivre d’Arvor
ne réagisse, l’interrompe ; le public, quant à lui, l’avait applaudi.
Nous connaissons cette stratégie qui consiste à « diviser pour
mieux régner » : utiliser les uns contre les autres ; dresser des
barrières, des murs ! Nous assistons impuissants à des théories
fausses, inventées de toutes pièces : le mythe de la « civilisation
judéo-chrétienne », alors que les juifs étaient discriminés et
persécutés par les Chrétiens pendant un millier d’années.

II-La chasse aux Roms

En 2010, les médias ont largement contribué à la chasse aux
Roms. Par exemple, les journalistes de RTL ainsi que les
intervenants dans l’émission « On refait le monde » ont relayé la
propagande gouvernementale en distinguant les utopistes des
réalistes ; en considérant qu’il y a une idée commune en France
sur le problème des Roms !
Alain-Gérard Slama : « Les Roms ont une capacité de
s’autofinancer, notamment en se postant à côté des distributeurs
de billets. »

Rodolphe Bosselut, avocat au barreau de Paris : « On est
confronté à des situations de mendicité en France, et ce n’est pas
moi qui le dit, c’est Monsieur Kouchner qui le dit. »
« Le lien entre les campements illégaux et la délinquance a été
établi par le ministre de l’Intérieur. »

Éric Besson, « Le Parisien » : « Les habitants n’ont pas à subir
vol et racket parce qu’il y a un camp à proximité. ».
Le 27 août 2012, un militant UMP qualifia, par un message sur
Twitter, les Roms de « vermine » et de « personnes au teint
crasseux ».

Nicolas Sarkozy avait, fin juillet 2010, déclaré ceci dans son
discours de Grenoble : « J’ai demandé au ministre de l’Intérieur de
mettre un terme aux implantations sauvages de campements de
Roms, ce sont des zones de non-droit qu’on ne peut pas tolérer en
France ».

Le dilemme reste cruel pour les « minorités » : adhérer aux idées
racistes (la haine de soi) ; ou alors résister, refuser
« l’assimilation », « l’intégration » en décrétant que « les Français
sont racistes ». Donc il faut « choisir son camp » : (devenir)
bourreau ou victime (qui lutte). Les victimes de racisme ont à
maintes reprises unis leur force face à leur ennemi : le bourgeois
capitaliste. Même si le principal danger est le repli communautaire.
Mais que faire lorsque les victimes de racisme participent à
l’exclusion des Roms ? Au lieu d’une solidarité entre bouc émissaire
pour réclamer le droit à la vie (scolarisation, droit au logement).
Prenons l’exemple du comportement récent de Samia Ghali,
sénatrice socialiste et maire des 15e et 16e arrondissements de
Marseille. Fin septembre dernier, elle mit de l’huile sur le feu, alors
que certains habitants de Marseille étaient en train de chasser des
Roms d’un terrain. Deux habitants ont alors affirmé face caméra
qu’ils ont dû faire « un petit nettoyage », « pour faire propre ». Ils
n’ont pas été arrêtés par la police. Pire on a dit qu’il s’agissait des
protestations de pauvres contre l’inaction de la police. Et que
penser des sketches racistes du comte de Bouderballa et de Jamel
Debbouze sur les mendiants ? S’effondrer devant la bêtise
humaine ? Ici aussi il nous faut parler de racisme. Il nous faut
s’opposer à l’arbitraire étatique. Car le Rom est un danger à
dominer, à éliminer comme l’ouvrier pour le bourgeois.

Ardo Mako