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Trop c’est trop, le moment est venu d’abandonner la charade des Ape

D 29 novembre 2013     H 10:03     A     C 0 messages


La structure et les dispositions des accords conclus jusqu’à présent ont non seulement démontré que les Ape ne sont pas en mesure de tenir leurs promesses de développement proclamées, mais elles ont aussi réaffirmé les répercussions néfastes sur les économies africaines. En plus, la crise financière et économique de 2008 a révélé les limites de la libéralisation universelle du commerce et de la déréglementation des investissements qui constituent l’essence des accords de libre échange comme les Ape.

Nous, les organisations de la société civile issues de l’Afrique, des Caraïbes et de l’Europe et menant des campagnes sur les Accords de partenariat économique, réunis à Harare, Zimbabwe les 8 et 9 octobre 2013 pour examiner les négociations et les campagnes sur les Ape, dénonçons la poursuite sans relâche des Ape.

La structure et les dispositions des accords conclus jusqu’à présent ont non seulement démontré que les Ape ne sont pas en mesure de tenir leurs promesses de développement proclamées mais elles ont aussi réaffirmé les répercussions néfastes sur les économies africaines. Leur poursuite est également devenue un détournement inutile des énergies nécessaires pour faire face aux défis de développement économique qui confrontent les pays Acp et qui s’avèrent très urgents compte tenu des changements énormes dans l’environnement et l’ordre économique mondial depuis le début des négociations.

Nous exigeons donc l’abandon des processus Ape, à savoir les négociations, les ratifications, et/ou les mises en œuvre. Les gouvernements Acp doivent plutôt recentrer leur attention sur un cadre de politique d’investissement et de commerce qui correspond à leurs nouvelles initiatives et à leurs besoins fondamentaux en matière de développement en cette période en évolution et qui doit orienter les futures interactions entre l’Europe et les gouvernements Acp. Les gouvernements européens doivent adopter des mesures commerciales (transitoires) pour faciliter l’élaboration de ce cadre.

Plus d’une dizaine d’années se sont écoulées depuis que les négociations Ape ont été lancées. Pendant cette période, seule la région des Caraïbes a pu conclure ses négociations en entier. Toutefois, l’Ape conclu n’a pas répondu aux attentes en matière de développement. En fait, les avantages anticipés dont les populations des Caraïbes devraient jouir sont entravés par les dispositions en petits caractères liées aux procédures enfouies dans l’accord ainsi que les obstacles pratiques non anticipés en Europe, les fardeaux institutionnels plus coûteux que prévus et l’appui financier attendu de l’Ue qui ne s’est pas concrétisé. Par ailleurs, les menaces que pose l’Ape aux économies des Caraïbes demeurent graves.
Une poignée de pays africains aussi ont conclu des Ape intérimaires avec l’Ue. Ces accords sont pleins de dispositions controversées qui font obstacle à de nouveaux progrès. L’Ue a donc recours à la mesure extrême du retrait des offres d’accès aux marchés des pays qui ne prendront pas les dispositions nécessaires en vue de la ratification des accords intérimaires conclus.

La majorité restante des pays africains n’a pas encore conclu un accord avec l’Ue. Quelques pays ont perdu tout intérêt et ne participent plus aux négociations, d’autres essaient de négocier les Ape régionaux qui pourront remplacer les Ape intérimaires. A ce niveau également, les négociations se trouvent dans une impasse acrimonieuse sur des questions fondamentales sans aucune solution équitable et juste en vue.

Les perspectives d’intégration régionale, un objectif supposé des Ape, sont davantage mises en péril. En Afrique, ces négociations controversées et accords partiels ont dressé les pays voisins, les uns contre les autres ; les groupements et mécanismes d’intégration régionale existants font l’objet de distorsion pour promouvoir les intérêts européens en Afrique. De même, dans les Caraïbes où l’Ape complet a été conclu, le processus hargneux de mise en œuvre a mis davantage en péril les relations régionales courantes.

Cependant, la situation politique et économique dans le monde a changé énormément depuis le lancement des négociations et toutes les parties aux négociations font face à des défis économiques qui n’ont pas été anticipés au départ.

La crise financière et économique de 2008 a révélé les limites de la libéralisation universelle du commerce et de la déréglementation des investissements qui constituent l’essence des accords de libre échange comme les Ape. L’effondrement économique, le chômage, et dans certains cas, des conditions de vie les plus rudes pour les masses de populations ordinaires depuis la seconde guerre mondiale continuent de se manifester à travers le monde, pas moins en Europe.

Au fur et à mesure que les gouvernements sont contraints de mener des interventions dans l’économie à des niveaux qui étaient sans précédent, il y a quelques années, de nombreuses personnes reconnaissent le vrai rôle de l’état comme un contrepoids nécessaire pour le marché. En Afrique, les crises ont mis à nu la fragilité du modèle d’exportation des produits de base développé depuis l’époque coloniale et renforcé lors des trois décennies de politique d’ajustement structurel. Un nouveau consensus se dégage en faveur de la transformation structurelle de leurs économies et du développement systématique du commerce intra-africain ainsi que de l’amélioration de la capacité productive nationale et régionale.

Ce qui est tout aussi important c’est que si l’Ue a été le premier partenaire commercial des pays Acp pendant des décennies, la balance commerciale des pays Acp a subi un changement radical depuis le lancement des négociations. Le commerce régional s’est accru et d’autres partenaires commerciaux ont pris de l’importance. Bien que le commerce Sud-Sud représente déjà le tiers du commerce mondial, dans les années à venir, il devrait s’accroitre davantage et atteindre plus de la moitié de tout le commerce mondial. Les exportations des pays Acp vers les Brics sont à la hauteur des exportations Acp vers l’Ue et vont bientôt les dépasser.

De surcroît, la récurrence des conditions météorologiques extrêmes a dissipé tout doute au sujet de la réalité des changements climatiques catastrophiques causés par les activités humaines et lance ainsi un défi à tous les pays de trouver les remèdes appropriés, y compris la nécessité de réorganiser les modèles de production et de consommation. L’action mondiale est urgente, en particulier pour les populations d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique qui portent la plus faible responsabilité des crises du changement climatique mais souffrent des pires effets et manquent de moyens pour les contrecarrer.

Aucune de ces nouvelles réalités n’a reçu une attention particulière dans le cadre des négociations Ape en cours. Au contraire, l’Ue est devenue plus agressive dans la recherche de la soumission à ses intérêts étroits. L’Ue poursuit ses demandes qui exigent l’élimination de tous les droits de douanes sur 80% des importations de produits agricoles et industriels en provenance de l’Europe. Pourtant, il est maintenant généralement admis que ces exigences sont non seulement inutiles pour remplir les soi-disant obligations de l’Omc mais aussi qu’elles sont avant tout destructrices pour les recettes publiques, les industries locales et la souveraineté alimentaire dans les pays Acp.

L’Ue a également introduit de nouvelles demandes unilatérales pour répondre à la situation évoluant à sa faveur et au détriment des mesures qui sont en cours d’élaboration dans les pays Acp pour faire face aux nouveaux défis. Ainsi, conformément à son Initiative sur les Matières Premières (adoptée dans le but d’assurer l’accès continu aux matières premières pour ses sociétés), l’Ue a unilatéralement imposé l’élimination et l’interdiction des taxes à l’importation dans le cadre des Ape bien que cette disposition n’a jamais fait partie des mandats de négociation au départ. L’élimination de ces taxes, qui ont été appliquées à travers l’histoire pour promouvoir la transformation sur le plan local au lieu d’exporter les matières premières va, par exemple, à l’encontre des politiques adoptées par les gouvernements africains, y compris la Vision Minière Africaine pour encourager la transformation des produits miniers dans les économies africaines.

Par ailleurs, et une fois encore, bien que cette disposition ne soit pas prévue dans les mandats de négociation initiaux, l’Union Européenne continue d’exiger que la région Acp lui accorde tout avantage qui découlera des accords futurs entre l’Acp et les principaux pays du Sud comme la Chine et l’Inde, contrariant ainsi les efforts de la région ACP destinés à la diversification de sa coopération commerciale et économique et frustrant absurdement la coopération et le commerce sud-sud en évolution.

Par-dessus tout, l’Ue est devenue encore plus tenace dans la poursuite de son programme visant la déréglementation des services, de l’investissement, et de marchés publics, ensemble avec les disciplines restrictives de la propriété intellectuelle. Dans tous ces domaines, l’Ue recherche l’accès libre à tous les secteurs des économies Acp pour les investisseurs européens alors que les gouvernements Acp sont empêchés d’accorder des préférences aux investisseurs locaux ou autres au détriment des investisseurs européens.

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** Déclaration de la réunion mondiale sur l’Ape tenue à Harare, les 8 et 9 octobre

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