Vous êtes ici : Accueil » Afrique australe » Angola » Une réponse insuffisante à la sécheresse dans le sud de l’Angola

Une réponse insuffisante à la sécheresse dans le sud de l’Angola

D 16 septembre 2013     H 05:24     A IRIN     C 0 messages


ONDJIVA - Dans une maison traditionnelle de la commune de Chiede, dans la province angolaise de Cunene, une région du sud du pays souvent affectée par la sécheresse, quatre enfants fatigués et sales se reposent à l’ombre d’une hutte au toit de chaume. Ils ont marché presque toute la matinée pour aller chercher de l’eau et ils viennent tout juste de rentrer. Ils devront refaire le même trajet cet après-midi afin de ramener quelques litres d’eau boueuse et permettre aux 20 membres de leur famille de boire, cuisiner et se laver.

Le puits situé à l’extérieur de la maison s’est asséché en octobre dernier. Depuis, des membres de la famille se rendent deux fois par jour au nouveau puits ; ils mettent trois heures et demie pour faire l’aller-retour.

« C’est la première fois dans ma vie que je vis une ’seca’ [sécheresse] aussi grave »,

a dit la grand-mère des enfants, Victoria Nditondino, 67 ans.

La famille a eu la chance de récolter environ 50 kilos de millet sur les terres entourant la maison. Selon Albertina Hilda Namafo, bénévole auprès de Development Aid from People to People (DAPP), une organisation non gouvernementale (ONG) qui emploie des travailleurs de la santé communautaires pour éduquer les populations locales au sujet des pratiques de santé et d’hygiène, près des trois quarts des ménages n’ont rien récolté du tout.

« La plupart des gens n’ont pas de nourriture, mais ceux qui en ont partagent avec les autres. Ils font des jus à base de racines et de fruits sauvages et certains vendent du charbon »,

a dit Mme Namafo à IRIN.

En regardant sa petite-fille réduire le millet en farine pour préparer l’unique repas quotidien de la famille, Mme Nditondino a dit à IRIN que la réserve familiale de millet serait épuisée d’ici la fin du mois. « Je ne sais pas ce qu’on fera ensuite. »

Les seuls autres biens de la famille sont sept têtes de bétail qui doivent elles aussi parcourir plusieurs kilomètres chaque jour, accompagnés par le mari de Mme Nditondino, pour atteindre une source d’eau potable. Le reste du troupeau a été envoyé « très loin » avec un membre de la famille dans l’espoir qu’il échapperait à la famine, mais il semble que deux bêtes soient déjà mortes.

Les sécheresses sont un phénomène récurrent dans la province de Cunene. Pourtant, selon Pio Hipunyati, l’évêque du diocèse d’Ondjiva,

« cette année est particulièrement critique - pire que tout ce que j’ai vu - parce qu’il n’y a ni eau ni pâturage. [La sécheresse] affecte les gens et les animaux, et elle touche l’ensemble de la province. »

En réalité, la sécheresse affecte l’ensemble de la région. La province de Cunene a été particulièrement durement touchée, mais environ 1,5 million de personnes ont besoin d’aide dans les provinces méridionales de Cunene, de Namibe, de Cuando Cubango, de Huila et de Benguela, et c’est sans compter les habitants de nombreuses régions de la Namibie voisine [ http://www.irinnews.org/report/98544/severe-drought-taking-heavy-toll-in-northern-namibia ].

Le gouvernement namibien a déclaré en mai que la sécheresse était une urgence et appelé les bailleurs de fonds internationaux à l’aider à défrayer les coûts de la distribution d’aide, mais le gouvernement angolais a minimisé l’importance de la crise et insisté sur le fait qu’il était capable d’y répondre adéquatement.

Pas d’appel prévu

Teresa Rocha est consultante auprès de l’unité de Protection civile de l’Angola et membre d’une commission interministérielle mise sur pied par le gouvernement pour répondre à la sécheresse. Elle a dit à IRIN que le plan d’intervention de la commission comptait cinq piliers : les vivres, l’eau, la santé, l’aide aux agriculteurs et la protection environnementale. Elle a cependant semblé incertaine lorsqu’IRIN lui a demandé quel montant le gouvernement avait alloué à la mise en ouvre du plan. Elle a dû vérifier auprès d’un collègue, qui a dit que la somme était d’un milliard de kwanzas (10,3 millions de dollars).

« On ne prévoit pas de faire d’appel pour obtenir une aide internationale et il n’est pas nécessaire de déclarer l’état d’urgence »,

a ajouté Mme Rocha.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a lancé son propre appel [ http://www.unicef.org/appeals/files/Angola_HAC_Final_Revision_16_July_2013.pdf ] pour obtenir 14,4 millions de dollars et répondre aux besoins des femmes et des enfants affectés par la sécheresse. À la mi-juillet, il manquait toujours plus de 10 millions de dollars pour compléter l’appel. L’organisation caritative catholique Caritas mène aussi une campagne nationale pour lever des fonds et récolter des dons de denrées non périssables et d’eau potable.

Mme Rocha a dit que des distributions de vivres et d’eau étaient en cours et que 600 000 personnes devraient pouvoir en bénéficier. Selon M. Hipunyati toutefois, le gouvernement n’a pas fait grand-chose. Chiede est situé à 50 kilomètres seulement de la capitale provinciale, Ondjiva, et à proximité d’une route, mais aucune aide n’a encore atteint la commune, à l’exception du camion-citerne du gouvernement, qui vient toutes les deux semaines et qui est censé approvisionner l’ensemble de la municipalité.

Les villages plus isolés ne peuvent être approvisionnés par camions-citernes, a dit M. Hipunyati, et le gouvernement n’a encore rien mis en ouvre pour encourager le forage de trous de sonde. Paulo Calunga, porte-parole de la Protection civile dans la province de Cunene, a expliqué que le forage de trous de sonde exigeait des équipements spéciaux que son unité n’avait pas encore reçus. En effet, il faut parfois creuser à quelque 300 mètres de profondeur pour atteindre la nappe phréatique, qui s’abaisse. Il a par ailleurs fait remarquer que le gouvernement avait récemment acheté des tracteurs capables de prendre l’eau du fleuve Cunene et de la distribuer à des communautés mal desservies par les routes.

Maladie et malnutrition

Le paysage de la province de Cunene est parsemé de « chimpakas » - des dépressions naturelles ou faites par l’homme où s’accumule l’eau de pluie. Certaines contiennent encore des petites quantités d’eau stagnante qui peuvent seulement être utilisées pour donner à boire au bétail. D’autres sont complètement asséchées : les habitants du coin creusent en dessous pour trouver de l’eau et la gardent ensuite jalousement.

« Ils attendent toute la nuit que le trou se remplisse d’eau », a dit Cristina Veronica Djemioulai, une autre bénévole de DAPP. « Ils fabriquent ensuite une sorte de ’couvercle’ avec des bâtons et ferment le puits avec une chaîne et un cadenas. »

L’eau de ces puits est « très très sale », a dit M. Hipunyati. « Elle est impropre à la consommation humaine. » Elle est pourtant consommée par les populations locales. Selon l’UNICEF, le nombre de cas de diarrhée et d’autres maladies hydriques a augmenté de manière significative. L’organisation a par ailleurs rapporté qu’en date de juillet, plus de 1 500 cas de choléra - et 62 décès - avaient été enregistrés dans les provinces de Huila, de Cunene et de Benguela.

Le nombre de cas de malnutrition est également en hausse. Entre janvier et juin, 35 décès ont été rapportés chez les enfants de moins de cinq ans dans la province de Cunene seulement. Selon l’UNICEF, la province avait enregistré moins de 20 décès annuels liés à la malnutrition au cours des deux années précédentes.

« Avant, les gens pouvaient se déplacer pour échanger leurs animaux contre de la nourriture, mais ils ne peuvent plus le faire, car toutes les régions sont affectées. Ils peuvent seulement obtenir de la nourriture par le biais des organisations humanitaires »,

a dit M. Hipunyati.

La fréquentation scolaire est faible, car ce sont généralement les enfants qu’on envoie parcourir de longues distances pour aller chercher de l’eau. « Certains ont trop faim pour venir à l’école », a dit Marcelina Penaria, une enseignante de l’école primaire Mutako, à Chiede, dont la classe de troisième année a perdu plus d’un tiers de ses élèves depuis le début de la sécheresse.

« Normalement, l’école commence à 8 heures et ferme à 12h30, mais, à cause de la sécheresse, nous commençons à 9 heures et nous terminons à 11h30. Les enfants sont trop fatigués pour apprendre »,

a-t-elle dit à IRIN.

M. Calunga, de la Protection civile, a fait remarquer que la province de Cunene, bien que sujette aux sécheresses, avait été affectée par des inondations répétées entre 2008 et 2011.

« Puis, à partir de la fin 2011, la pluie s’est complètement arrêtée. [Les habitants] n’ont pas pu se remettre des inondations à cause de la sécheresse qui a suivi. »

La production agricole a diminué pendant les années d’inondation, mais il n’y a pas eu de pénurie de pâturages pour le bétail. L’élevage est le principal gagne-pain de la majorité des agriculteurs de subsistance de la province. Aujourd’hui, plus d’un million de bêtes sont amenées à Oshimolo, à environ 200 kilomètres d’Ondjiva, depuis les quatre coins de la province. Il s’agit de l’une des dernières zones de pâturages.

« Il n’y aura plus rien à paître d’ici deux ou trois mois »,

a prédit M. Calunga.

« Avec un peu de chance, la pluie viendra en octobre, mais nous nous attendons à ce que l’état d’urgence dure jusqu’au mois de mai, c’est-à-dire jusqu’au moment de la récolte. »

Source : http://www.irinnews.org