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Botswana : Une grève qui fera date

D 3 août 2011     H 04:27     A Paul Martial     C 0 messages


La grève du secteur public du Botswana est certainement
l’une des plus grande grève qu’ait connu le pays. Depuis
trois ans les 100 000 fonctionnaires sont confronté à un gel
des salaires, pendant que l’inflation avoisinait les 14%. La fédération des syndicats du secteur public du Botswana, la
BOFEPUSO revendiquait une augmentation de 16%, prenant en
compte l’inflation et intégrant 2% au titre de l’augmentation du
pouvoir d’achat.

En réponse le gouvernement du Botswana Democratic Party et le
Président de la république Ian Khama se sont transformés en
véritable machine de guerre contre les grévistes et leur
organisation syndicale.

En effet, les dirigeants du pays n’ont pas seulement refusé toutes
négociations, mais de plus ils ont développé une politique
agressive contre les salariés ; les manifestations, les
rassemblements et les sit-in qui se sont déroulés à Gaborone, la
capitale, ont été attaqués avec violence par les forces de l’ordre,
les média publics bâillonnés alors que la télévision d’état
déversait, pendant les deux mois de conflit, mensonges et
calomnies contre les grévistes, les traitant d’anti-patriotes et
d’égoïstes. Accusant même les dirigeants syndicaux de se faire
manipuler par l’opposition et de politiser le conflit.
Le président de la république lui-même, lors d’un meeting dans
une commune rurale, a tenté d’opposer les travailleurs aux
paysans, dans un pays qui est resté très largement agricole. Il a
accusé les travailleurs de vouloir s’attribuer l’essentiel des
richesses de la nation.

Ces manoeuvres ont échoué en raison même de la situation
sociologique du pays. En effet, comme pour la plupart des pays
africains, la classe ouvrière est relativement récente et est issue
de la paysannerie avec laquelle elle maintient des liens
extrêmement forts. La plupart du temps, les travailleurs aident
leur familles restées à la campagne pour l’achat du bétail,
l’entretien de la ferme ; certains d’entre eux se portent garant
pour des prêts bancaires et participent aux frais de scolarité des
enfants ... Ainsi l’augmentation des salaires des travailleurs ne
pouvait que se répercuter positivement sur la situation sociale
dans les campagnes.

Ces attaques du gouvernement ne se sont pas arrêtées aux
intimidations et aux calomnies, des leaders syndicaux ont été
emprisonnés tandis que 3000 fonctionnaires en grève ont été
licenciés pour avoir refusé d’obtempérer à des décrets
gouvernementaux les obligeant à reprendre le travail.
Dans sa besogne le gouvernement de Gaborone a eu un allié de
taille lorsque le FMI déclara, le 6 juin en pleine négociation entre
les syndicats et la Direction de la gestion des services publics
(DPSM), que les salaires des fonctionnaires étaient trop élevés.
Les résultats de la grève n’ont pas été à la hauteur des
espérances : une augmentation de 3% pour tous alors que les
syndicats préféraient une augmentation différenciée afin
d’améliorer les salaires les plus bas. Le gouvernement concède la
réembauche des fonctionnaires licenciés, mais pas forcément
dans leur même poste et au même endroit.

Cette grève a largement mis à nu la réalité du pouvoir au
Botswana considéré, dans les instances internationales, comme
un modèle de démocratie qui a visiblement bien du mal à
s’appliquer lorsque les travailleurs sont en lutte. Ce pouvoir a
montré à l’ensemble de la population qu’il était prêt à tout pour
défendre les possédants et l’ordre capitaliste.

La décision de suspendre la grève, qui est toujours un moment
délicat, n’a pas été l’objet d’une consultation réellement
démocratique des fonctionnaires en grève. D’autre part, les
directions syndicales n’ont pas favorisé l’implication et la prise en
main de la lutte par les grévistes eux-mêmes.

Certains observateurs font remarquer que la grève générale se
posait avec acuité dans le pays et que le monde syndical, mais
aussi politique, aurait dû tout faire pour élargir la lutte à d’autres
secteurs. Il est indéniable que le renforcement des organisations
syndicales, la sympathie profonde de la population à l’endroit des
fonctionnaires en lutte et l’émergence d’une nouvelle couche
militante qui ont fait leurs premières armes dans l’un des conflits
les plus durs qu’a connu la pays, sont des éléments d’une grande
valeur pour les luttes et les résistances à venir

Paul martial